Une formation comodale ? Le terme renvoie aux dispositifs de formation où les apprenants ont le choix entre le présentiel et la formation à distance. Parfois même, ils peuvent choisir entre le synchrone et l’asynchrone sur cette seconde modalité. Mais comment s’y prendre et comment organiser un tel choix sans bâtir des usines à gaz ou engager des investissements en temps ou en argent impossibles à tenir sur la durée.
Comodal : une définition, une exigence
On parle donc de formation comodale quand la formation est à la fois dispensée à distance et en présentiel. Attention cependant à éviter toute confusion avec la formation hybride qui prévoit des temps à distance et d'autres en présentiel. Dans le premier cas, c'est l'étudiant qui décide s'il participera au cours sur place ou à distance. Les deux modalités évoluent en parallèle, en même temps ou sur des temps différés, et des connexions importantes existent entre les deux.
L’Université Laval (Québec)
explique ce système de façon détaillée tandis que l’Université de Troyes (France) détaille comment il sera mis en œuvre à la
rentrée 2020.
Le formateur doit préparer un parcours complet et de qualité équivalente pour chacune des modalités. Car il ne suffit pas de proposer une modalité dégradée pour ceux qui ne pourraient faire le déplacement ou qui n’auraient pas le matériel.
Poussons encore la difficulté : les formations n’évoluent pas en parallèle, mais il doit être possible pour un apprenant de passer d’une modalité à l’autre ! Ainsi, un étudiant doit pouvoir faire la semaine 1 à distance, et choisir d’assister physiquement au cours la semaine 2, sans vivre une rupture de rythme, ou nécessiter une remise à niveau.
Quatre piliers dans un article manifeste
Brian Beatty a utilisé le terme « hyflex », hautement flexible, pour qualifier ces formations. Il a défini quatre piliers qui précisent ce qu’est une formation comodale de qualité.
- L’apprenant doit tout d’abord pouvoir faire des choix qui ont du sens. Ces choix vont organiser ses journées, sa vie périscolaire ou familiale, ou la possibilité d’exercer une activité pour financer ses études. Ils vont aussi répondre à ses préférences d’apprentissage.
- Brian Beatty pose un autre principe essentiel à l’économie de l’ensemble : tout ce qui est produit pour une modalité doit pouvoir être utilisé par les autres participants. Si j’utilise un diaporama en présentiel, il doit être rendu accessible pour ceux qui ont choisi la distance. Si je projette des vidéos sur la plateforme de formation à distance, les autres étudiants doivent pouvoir y accéder.
- Si les ressources et les activités sont équivalentes en termes de contenus et d’objectifs, elles doivent l’être aussi en termes d’expériences. Si par exemple un enseignant fait travailler les étudiants en sous-groupe en présentiel, une expérience équivalente serait d’échanger en sous-groupe sur une application de visio, ou sur une activité collaborative.
Ainsi, une modalité ne saurait être une version dégradée d’une autre. La formation à distance n’est pas juste le cours en présentiel filmé et diffusé, en direct ou en différé. Le cours face à un groupe n’est pas non plus le cours à distance, où on se serait contenté de rassembler les participants dans une même salle. Chaque modalité utilise ses propres outils et ses propres supports, mais la formation comodale encourage également les croisements et les échanges entre les participants.
- Enfin, la formation doit être accessible. Ces efforts pour faciliter les choix et donc l’engagement des apprenants seraient bien vains si ils ne rendaient pas effectif l’accès à ceux qui rencontrent le plus de difficultés pour se former.
Oui, mais comment ?
Au minimum, la formation comodale est un cours en présentiel diffusée en continu sur Internet... La captation vidéo peut ensuite être séquencée et servir de support pour à distance en asynchrone. Admettons que cela paraît peu attractif. Reconnaissons aussi que les critères de Brian Beatty ne sont pas tous respectés. En particulier assister à un cours en direct et en groupe ou sur écran ne sont pas des expériences similaires, même pour cours magistral où l’intervenant lirait ses notes en faisant défiler ses diapos.
Lorsque la formation en présentiel intègre des temps de travail collaboratif, des activités en sous-groupes, des interactions entre l'enseignant et les participants, le comodal prend un sens différent.
Le schéma ci-dessous propose trois colonnes. Dans la première, l’enseignant et les étudiants sont dans la même salle, dans la seconde, la formation est accessible à distance, en même temps qu'elle se déroule en salle. Enfin, la troisième colonne présente un accès et une animation asynchrones.
Les
outils collaboratifs de type Kahoot, Klaxoon, Mural, ou les applications en ligne gratuites comme DecisionJam ou linoit, les forums, les chats, les sondages en ligne, les activités en sous-groupes, les productions de documents partagés sur le cloud vont apporter des possibilités d’échanges, en synchrone ou en asynchrone. Et parce que les contextes ne sont pas totalement imperméables, certaines activités pourront être partagées, dans la mesure où les étudiants en présentiel disposent tous d’un smartphone...
Le choix de l’investissement
Une caméra mobile, une bonne connexion, un ordinateur et une application de visioconférence suffisent a priori. Mais si le comodal devient un choix pédagogique et d’organisation, quelques investissements s’imposent. Des universités détaillent leurs choix techniques, et communiquent en ligne le mode d’emploi de leur équipement. L’enjeu est d'installer le formateur à la tête d’une console digne d’un mini studio vidéo, sans que la charge mentale supplémentaire ne vienne pirater la relation pédagogique.
Dispositif technique :
- L’université de San Diego a investi dans des équipements importants, mais simples d’utilisation. Le formateur dispose d’une console. Les caméras sont orientées vers le tableau, le formateur ou le groupe en présentiel. L’écran de visioconférence est projeté.
- L’Université Saint Thomas détaille également son organisation dans un article, en présentant des exemples détaillés. Pour la capture vidéo, Panopto gère le multicaméra et permet l’indexation des vidéos et leur gestion et s’interface avec la plateforme de formation à distance.
- De son côté, Stern audio vous propose même des simulations pour organiser votre salleCertains parmi nous se souviennent de Rémy Bricka, homme-orchestre virtuose qui porte ses dizaines de kilos d’instruments, tout en jouant, en chantant et en gardant le sourire. On admire la performance, mais on ne voudrait pas la transposer dans notre activité de formation.
L’enjeu est aussi de démontrer la réactivité des structures et l’adaptabilité dont elles peuvent faire preuve. Mais des cours filmés en haute définition restent des cours filmés et l’essentiel de la formation est ailleurs, dans les interactions, les possibilités d’auto-évaluation, d’appropriation, de contextualisation et de décontextualisation.
Prenons garde à ce que la richesse technique ne ramène pas la formation à une logique de diffusion et à ce que la qualité d’un cours en ligne ne soit pas jugée au nombre de caméras ou à la bande passante !
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