Aider des communautés à se saisir du fil de leur histoire
Avec une explosion de l’équipement en téléphones portables tout le monde, ou presque, a désormais le pouvoir de faire des photographies ou des films. Le média audiovisuel est un puissant moyen d’expression pour des populations qui ont du mal à lire ou à écrire, en particulier des populations analphabétes.
La “vidéo participative” est une approche ethnographique particulièrement efficace pour un développement actif des communautés par elles-mêmes et pour elles-mêmes. Pour Vincent Petit et Loïc Colin (2009),
“le but est de faciliter la compréhension mutuelle et le consensus pour l’action entre les acteurs, pour assurer le succès et la durabilité des activités mises en œuvre”.
Montrer sa propre histoire, aller plus loin, prendre conscience
Pour eux, la vidéo participative véhicule une “philosophie empreinte d’empowerment, de gestion ascendante des territoires et d’autodétermination”. L’approche consiste à introduire la production de vidéo au sein même d’un quartier ou d’une ville pour en raconter l’histoire singulière.
Cette approche est par exemple utilisé en croisement avec des outils de design dans des projets de ville comme par exemple au Val Fourré (un quartier de Mantes La Ville en région Parisienne). Avec plusieurs partenaires dont D school, l’enjeu est d’embarquer les membres du quartier et de les aider à construire leur propre histoire pour créer de la convivialité de la résilience, voire même une envie d’apprendre et d’aller plus loin.
Pour Chris Lunch, un praticien de l’approche, une intervention de vidéo participative est comme une torche qu’on allume dans un espace oublié. Il permet aux habitants et participants de repérer leurs connaissances, leurs projets et leurs valeurs. Au début quelques uns filment leurs amis, puis des curieux s'agrègent, car la scène fait événement. Des dialogues naissent autour de l’initiative. C’est une opportunité et un moyen de développer la conscience critique de ce qui est en train de se produire, un acte de conscientisation dirait Paolo Freire. C’est un moyen de célébrer des connaissances.
L’approche de la vidéo participative est aussi un outil de recherche participative, voire de science citoyenne, car la caméra n’est pas seulement dans la main de l’intervenant extérieur mais tourne dans la communauté, qui contrôle la captation des images et permet aussi d’entrer où on ne peut pas aller en temps normal. L’approche fait progressivement naître la confiance. Elle est moins un reportage fait en extériorité qu’une exploration communautaire réalisée en intériorité.
L’intervenant adopte une posture de facilitation dans la citée. Il régule ce qui peut prendre la forme d’un “spectacle de rue” à l’occasion des vidéos et présentation dans un local ou un petit cinéma improvisé. Il participe à l'inclusion des badauds, passants ou voisins dans les menus rôles à jouer. Il crée la confiance en assurant chaque protagoniste qu’il garde le contrôle sur la création et la diffusion des images par les personnes elles-mêmes.
Innovation sociale par le vidéo
Chris Lunch est un innovateur social. Il explore les usages de cette approche dans le monde entier. Il observe les travaux soutenus dans des pays en développement par exemple au Mexique pour valoriser les cultures, les langues ou pour que les habitants se défendent contre l’accaparement de terres.
Il pointe comment ce type d’approche participe d’une “justice restaurative” (dialogue entre agresseur et victime). Au sein d’une Entreprise Sociale et Solidaire, InsightShare, il a développé des pratiques de formation de population locale, de formation de formateur et met à disposition une variété d’outils tels que des cartographie de communautés, des arbres à problèmes, ou des protocoles pour aider au développement d’activistes locaux.
Son principal challenge est de partager avec les ONG et avec les populations qui ont peu d’internet. Sa boite à outils permet au plus grand nombre de démarrer. Les projets et idées abondent par exemple dans ce projet réalisé à Marseille pour le ministère du travail français des jeunes abordent la question de l’insertion professionnelle. Et vous de quoi avez vous envie de prendre conscience avec une caméra?
Bonus : des applications dans le monde entier
Sources
L’insertion professionnelle - https://www.youtube.com/watch?v=3Lg1z_igfc4&feature=youtu.be
Vidéo particiaptive - http://videoparticipative.com/
Visual exchange - qu’est ce que la vidéo participative ? - https://www.visualexchange.eu/fr/video-participative/
Vincent Petit et Loïc Colin, « La Vidéo Participative : essai de cadrage du concept », SociologieS [En ligne], La recherche en actes, Expériences de recherche, mis en ligne le 02 juin 2009, consulté le 11 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/sociologies/2924
Insightshare - https://www.youtube.com/watch?v=a-gSIVMj4XA
Ted X Chris Lunch - Ceci n'est pas une caméra vidéo” (sous-titré en Français) - http://bit.ly/CLTedx
Le courrier qu’est ce que la conscientisation? - https://lecourrier.ch/2018/11/23/quest-ce-que-la-conscientisation/
Pratiques réflexives et conscientisation , Carrefours de l'éducation, 2001/2 (n° 12), p. 56-65. DOI : 10.3917/cdle.012.0056.
URL : https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2001-2-page-56.htm
Rapport annuel Insightshare -
https://www.yumpu.com/en/document/view/63414310/insightshare-annual-report-2019-20
Voir plus d'articles de cet auteur
