Être proche de ses apprenants à distance

Les différentes modalités de formation à distance (Blended Learning, E-learning) posent bien souvent aux formateur/trices la question du lien. Comment créer et maintenir le lien avec des apprenant-es que l’on rencontre uniquement ou majoritairement par écrans interposés ? Comment rendre cette expérience formative « humaine » ?

J’entends très régulièrement ces remarques de la part de formateur/trices :

«  les liens ne sont pas pareils à distance »,

«  rien ne remplace une rencontre en vrai ».

Effectivement, les expériences sont différentes et ne sauraient se valoir. Pour ma part, il me semble même utopiste de vouloir à tout prix rendre ces rencontres similaires. Cette quête ne peut mener qu’à la déception ou au sentiment d’échec personnel. Il peut également nous amener à reproduire, sans réfléchir, des activités pour créer le lien, renforcer la dynamique de groupe, sans prendre en compte les spécificités de l’environnement d’apprentissage numérique dans sa planification. La démarche inverse, tout aussi problématique, serait d’abandonner toute démarche pour favoriser les liens, sous prétexte qu’ils sont impossibles ou trop différents à distance.

Pour créer le lien à distance, il est tout d'abord impératif de mieux comprendre les particularités de cette modalité de formation pour ajuster notre planification et nos méthodes d'animation.

Spécificité des rencontres à distance

Une des spécificités des rencontres à distance, notamment en vidéo conférence, est que les apprenant-es nous accueillent dans leur environnement - bureau, maison - etc. Ce détail qui peut paraître insignifiant est intéressant en terme de création de lien. Même si l’apprenant-e fait le choix de flouter son arrière fond, les petites discussions informelles que l’on a régulièrement avec le groupe avant le début de la formation prennent une tournure différente lorsque la formation n'a pas lieu dans l’espace classe.

Très souvent, les apprenant-e s’expriment sur leur environnement, les bruits de fond, s’excusent de l’éventuelle éruption d’un enfant ou d’un animal de compagnie etc. Parfois, c’est l’occasion pour un apprenant-e de présenter son cadre de travail. Sans rentrer dans la sphère de l’intime, le/la formateur-trice peut également partager un détail de son environnement pour instaurer un climat plus chaleureux et informel (par exemple, faire remarquer le bruit des oiseaux ou de la rue, montrer un livre qui traîne sur le bureau).

Un deuxième aspect intéressant à prendre en compte est la multiplication des liens dans le temps de la formation ainsi que leur occurrence sans la présence du formateur-trice. En effet, durant une formation à distance, qu’elle soit mixte (distance et présentiel) ou entièrement à distance, les occasions de se rencontrer, de collaborer et d’échanger sont souvent plus importantes que dans une formation uniquement en salle de classe.

Le formateur-trice peut ainsi facilement concevoir plusieurs petites tâches collaboratives, encourager des moments d’échanges et de rencontres entre participants,  en dehors des rencontres synchrones, via les différents outils numériques (mur collaboratif, forum, vidéo, chat etc.) et ainsi multiplier les occasions de créer du lien.

Ensuite, ces rencontres se déroulent souvent sans la présence du formateur-trice ce qui a pour avantages de favoriser les échanges dirigés entièrement entre les apprenant-es et non pas destinés au formateur-trice. Encore faut-il, évidemment, que les tâches proposées aient été bien pensées en amont pour favoriser la collaboration et les échanges entre apprenants!

Améliorer la communication à distance

Bien sûr, cette image peut paraître « idéale » car elle est sans compter les aléas techniques ainsi que les problèmes et les freins à la communication liés à l’interaction à distance. En effet, sans l’appui du langage non-verbal et para-verbale, la communication est parfois difficile notamment en groupe. Il n’est ainsi par rare de se couper continuellement la parole. Ces problèmes de communication influencent directement la dynamique de groupe et parfois, lassés de cette interaction peu fluide, les apprenant-es échangent moins entre eux et prennent moins la parole pour poser des questions ce qui a un impact sur la création du lien. Pourtant, en modifiant quelques aspects dans son cours, le formateur-trice peut améliorer la qualité des échanges.

1. Tout d’abord, instaurer des protocole de communication : lever la main (virtuellement ou non), tour de parole, temps de parole limité, utilisation du chat pour poser des questions, roue virtuelle pour tirer au sort les prochaines personnes qui peuvent prendre la parole etc.
   
   
2. Instaurer également, comme en présentiel, quelques minutes informelles entre les participant-es avant le début du cours : discussion en vidéo-conférence, quiz pour se connaître sur une application, discussion sur un forum avant de passer aux exercices, etc.
   
   
3. Ensuite, diversifier les focales d’attention: utiliser des outils communicatifs (tableau blanc virtuel, page de travail collaborative, quiz sur un autre support comme le smartphone).
   
   En effet,  une des particularité des rencontres à distance en vidéo conférence, est que notre attention est maintenue et focalisée sur une présentation en pleine écran ou sur une personne (le formateur-trice) alors qu’en présentiel on peut varier nos points d’attention en regardant l’environnement, en tournant la tête lorsque quelqu’un pose une question etc. Cette perte de mobilité visuelle peut donner aux apprenant-es l’impression d’être « coincé » et rendre les participant-es plus passif-ves et donc moins enclins à communiquer.
   
   
4. Enfin, conclure la formation avec un travail de collaboratif en grand ou petit groupe : synthèse commune des points importants du cours, discussion sur les difficultés rencontrées, se fixer des objectifs de travail pour la prochaine fois.
   
   Là encore, en fonction des modalités de travail à distance, les méthodes et outils peuvent varier: chat, forum, document partagé, discussion en vidéo-conférence etc. Notant que durant cette dernière phase, la présence du formateur n’est pas forcément indispensable.

Des liens différents

La rencontre à distance peut ainsi créer des liens forts dans le groupe, parfois même plus personnels. Durant certaines formations mixte (distance et présentiel), j’ai même constaté des liens plus significatifs se créer entre participant-es, lié à mon avis à cette rencontre dans un espace différent, plus informel que celui de la formation et sans ma présence continuelle durant les exercices et les échanges. 

Bien sûr, cela demande au formateur-trice de créer des occasions pour favoriser la création de liens en prenant en compte les spécificités de l’environnement numérique. Cela demande également de ne pas s'attendre forcément aux même liens ni à la même rapidité de création.

Enfin, comme dans toute formation, en présentiel ou à distance, des groupes ne se forment pas, des interactions restent pauvres. L'ambition du formateur-trice d'avoir à chaque fois un groupe uni et soudé est  un idéal qui n'est pas toujours réalisable !

Références

Article : « Enseignement en ligne :  le médium est le message » par Howard Ramos et Mark C.J Stoddart, UAAU, le 15 juin 2020.
Article : « Being more human online together », par Karin Brown, ETH Zürich, le 19 mai 2020.
Article : « Making virtual more human », par Glenn Fajardo, Stanford d.school , le 19 mars 2020.
Article : « Réunions à distance : 10 astuces pour créer de la convivialité », par Pascale Bélorgey, le 8 décembre 2017, consulté le 14 mai 2020.
Article, « Démarrer une session de formation : réflexions et propositions dans une perspective d'animatique des groupes », par Daniel Faulx et Sophie Delvaux, CAIRN.INFO, le 28 février 2012

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