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Publié le 27 avril 2010 Mis à jour le 27 avril 2010

Repérer les stéréotypes : un exercice très... stéréotypé

Interculturel et Internet : le média rêvé

Autrefois, il n'y a pas si longtemps, on se faisaient une idée des individus qui parlaient la langue que l'on apprenait par les présentations des méthodes, par les cours de civilisation et leurs documents qui servaient de support aux questions de compréhension des professeurs. Le culturel, c'était le petit numéro de note de bas de page qui permettait de dissiper les obscurités et les implicites d'un texte, un peu comme on explique aux enfants les incongruités de certains vers de Racine.

La culture, cela s'enseignait, le plus souvent de façon magistrale, par un ensemble d'anecdotes du professeur, par des connaissances historiques ou sociologiques. Cela pouvait à la rigueur se communiquer de façon moins formelle avec l'organisation de réseaux de correspondants mais comme les échanges n'étaient pas accompagnés, ils restaient souvent assez superficiels.

Internet est passé par là : on a les moyens maintenant, même s'ils ne sont pas toujours utilisés, de mettre rapidement en relation directe les individus qui veulent apprendre une langue avec des individus qui la parlent et on a développé des dispositifs de soutien tout à fait convaincants comme Tandem, qui permet à chacun d'enseigner sa langue à un autre et en même temps de repérer des différences de perception, de modes de vie, de valeurs.

 

Une activité qui s'est figée

On constate cependant avec le temps que ces échanges balisés, formatés, qui font l'objet de projets institutionnalisés n'emportent pas l'adhésion des élèves et qu'ils sont vécus comme des exercices scolaires. Ce qui pourrait être un apprentissage direct de la différence culturelle dans ses multiples dimensions est souvent réduit à un folklore. Discuter des stéréotypes est devenu une activité fermée et usée jusqu'à la corde qu'un élève ou un étudiant peut reproduire plusieurs fois à l'identique dans sa scolarité de classe de langues.

Certes, une identité culturelle est faite de rituels, que la mondialisation n'a pas entièrement détruits comme la façon de se nourrir, de fixer des rendez-vous, de prendre congé mais on est bien obligé de constater que les réalités sont plus complexes.

Le cadre commun de référence a fait de l'éducation à la diversité culturelle un  impératif de politique linguistique et son zèle à produire des grilles et des niveaux a popularisé les notions de compétences interculturelles : notions de savoir-être qui s'appuieraient sur une attitude d'ouverture, de savoir-comprendre, de savoir s'engager  (esprit critique). Cette standardisation vise une évaluation, qui s'avère impossible. Comment en effet évaluer des compétences sur des domaines aussi complexes, évolutifs ? Les activités généralement associées restent fermées, statiques : des questionnaires obligés sur la perception du temps, de l'espace, des gestes, les modes de vie qui incitent à relever des différences et à observer des éléments superficiels des représentations culturelles.

La réflexion sur le sujet a du mal à s'articuler à des pratiques et à des activités, comme en témoigne ce rapport de Denise Lussier, de l'Université McGill à Montréal : "Les compétences interculturelles : un référentiel en enseignement et en évaluation" en 2007. Les compétences recensées sont toutes éminemment respectables mais on voit mal comment les mettre en œuvre, et surtout les évaluer.

Le parcours pédagogique C-CUEF-D (Campus CUEF à distance) est une exception notable parce qu'il offre après la recension des stéréotypes, une perspective plus riche sur les différences culturelles au sein d'un même pays, et qu'il sensibilise à la complexité des identités.

 

Moraline à haute dose

Frédéric Nietzsche appelait "moraline" la forme dégradée de la morale des Grecs remplaçant la réflexion personnelle par une série de règles formelles et un système de culpabilité, remplaçant du même coup la responsabilité individuelle par l'observance de recettes. C'est un peu cela qu'évoque l'auteur du blog Acide Fle dans un article très personnel : L'interculturel est-il un ethnocentrisme ?

"Ce qu’on appelle ici une formation à l’interculturel est en réalité un cours de morale, où il s’agit d’inculquer certaines valeurs aux apprenants".

Lorsque l'Europe veut donner des leçons d'humanisme au monde, l'interculturel est son arme favorite.
Il n'est pas sûr qu'une batterie d'activités politiquement correctes éveille beaucoup d'intérêt parmi les élèves et les étudiants et les incite à aller plus loin dans un réflexion sur leurs propres valeurs. Elle les porterait au contraire à plus de conformité toute scolaire.

 

"There are so many Chinese..."

Comment sortir des clichés en constatant que nos identités sont de plus en plus éclatées et notre statut professionnel, sexuel, sociologique pas plus que notre appartenance nationale ne peuvent nous résumer ?

Le professeur de l'INSEAD,  Horacio Falcao, l'explique très bien dans cette vidéo où il évoque l'interculturalité dans les négociations internationales : il faut comprendre que la culture étrangère, cela commence déjà par son partenaire ou par son enfant, et que pour négocier, en affaires ou dans sa vie personnelle,  il faut connaître les multiples facettes de l'identité d'une personne.

Cross-cultural negotiations: Avoiding the pitfalls

« Les gens viennent me voir pour me demander comment négocier avec des Chinois. Et je voudrais juste leur dire : Mais à quel Chinois veulent-ils exactement parler ? Est-ce qu'ils veulent parler à un Chinois de Beijing ou de Shanghai? A un Chinois qui vient de la campagne et s'est installé en ville, ou à un Chinois qui est né et a grandi en ville...? ».

 

Des apprentissages buissonniers

Peut-être faudrait-il laisser à chacun le soin de faire son expérience avec l'altérité, en acceptant que certains savoirs passent entre les mailles des filets institutionnels, aussi longtemps que les institutions auront du mal avec la complexité.

Et se contenter d'observer le caractère "nuisible mais aussi intéressant" des stéréotypes et comme le préconise Louis Porcher,   sociologue et didacticien à l'œil acéré, auteur d'un ouvrage de référence « Éducation et communication interculturelle » en faire une base réflexive plutôt que d'en faire la chasse.

Le blog de Louis Porcher

Crédits photos : axiepics et xiaming sur Flickr, licence CC.


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