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Publié le 04 mai 2020 Mis à jour le 04 mai 2020

Des modèles pour convaincre, des modèles pour inventer

Le merveilleux monde des courbes qui nous modèlent !

Les courbes issues de la modélisation, et plus largement les schémas qui nous aident à comprendre les phénomènes, sont devenus des formes familières que nous retrouvons dans des contextes très différents.

Courbes exponentielles, paraboliques et gaussiennes font partie de nos univers. Et si nous n’en vérifions presque jamais les données, elles contribuent à nous convaincre. Dans cet article, nous abordons le pouvoir persuasif des courbes, mais aussi le pouvoir heuristique [qui sert à la découverte] des modèles, et de leur représentation graphique.

Une forme belle et simple pour expliquer

« L’Univers est écrit en langue mathématique et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot »

nous dit Galilée.  L’idée que l’univers se livre à nous dans des formules mathématiques et à travers des formes simples n’est pas nouvelle. Des dessins de Léonard de Vinci au nombre d’or des architectes, les modèles mathématiques fascinent. « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre » était, dit-on, la phrase gravée à l’entrée de l’Académie de Platon.

Nous sommes toujours convaincus qu’une forme belle et qui pourrait se traduire en équation porte davantage de vérité qu’un amas de données sans organisation. Comme notre esprit est volontiers paresseux, il fait confiance aux courbes et schémas sans toujours interroger les modèles et les données qu’ils supportent.


Les formes géométriques fleurissent ainsi pour expliquer  toute une série de mécanismes. Les pyramides, les cercles et les courbes en U sont régulièrement cités. Voyons quelques exemples.

Des chaînes de pyramides

Le triangle est une forme de base que l’on retrouve partout. Fondamental en architecture et en composition graphique, il donne une image de stabilité, tout en étant plus dynamique et moins lisse que les autres formes géométriques. Au besoin, il peut même représenter le mouvement.

La pyramide de Maslow est un de ces schémas qui parcourt les générations de chercheurs. Elle présente les besoins humains sous forme hiérarchisée, des plus fondamentaux vers ceux moins vitaux, et plus rarement atteints. Le socle correspond aux besoins vitaux (manger, boire, dormir...) tandis que la pointe figure le besoin de se réaliser, d’atteindre des objectifs que l’on se fixe soi-même. La pyramide présente l’idée qu’il faut qu’un niveau de besoin soit satisfait pour que le suivant se manifeste. C’est ce que la forme suggère et qui a rendu le modèle célèbre. C’est aussi ce qui est contesté par d’autres chercheurs. Mais gageons que si Maslow s’était contenté d’une simple liste, il n’aurait pas bénéficié de la même notoriété.

En pédagogie, la pyramide de Bloom reprend cette idée de progressivité et de hiérarchie. Dans notre iconographie, la pointe haute du triangle évoque toujours ce qui est noble et nos représentations très schématiques s’en inspirent naturellement.

Il reste possible de casser les codes, et de parler de « pyramide inversée ».

En management, la pyramide inversée donne davantage de pouvoir aux collaborateurs directement en contact avec le terrain et les clients. Pour un journaliste ou un candidat qui rédige un CV, une pyramide inversée consiste à présenter l’information essentielle au début d’un texte, parce qu’on n’est bien conscient que le lecteur ne lira pas nécessairement tout...


La forme de pyramide convainc davantage qu’une simple liste, elle donne à l’ensemble une image de cohérence et d’évidence. Ainsi, l’équilibre alimentaire se présente souvent sous forme de pyramide...

Et pourtant, il tourne... Le triangle est un modèle de stabilité. Mais certains tournent néanmoins, comme le triangle de Karpman, qui fait circuler les rôles de sauveur, victime et persécuteur dans les relations humaines, et montre comment des relations toutes en amabilité virent au conflit...

La parabole, la courbe en U

En mathématiques, la parabole s’obtient avec une formule du type y = ax² + bx + c.    y = ax² donne la forme la plus simple. Mais bien souvent, on se contente de parler de « courbe en U », sans prêter plus attention au modèle mathématique sous-jacent.

On se souvient de la courbe de Laffer, dont la légende raconte qu’elle aurait été tracée sur une nappe. Laffer, économiste libéral, a présenté cette courbe pour démontrer qu’un taux d’imposition trop élevé provoquerait une baisse des revenus fiscaux. Le recours à l’image est en l’occurrence bien pratique, puisqu’il laisse dans le vide le niveau qui devient inacceptable et la vitesse des pentes. C’est sans doute aussi pour cela qu’elle met tout le monde d’accord !

Le U lorsqu’il est dans le sens habituel figure le rebond et l’émergence. C’est la forme que choisit Otto Scharmer pour exposer son approche de l'intelligence collective.


La liste est bien entendu incomplète, mais les événements récents ont montré à nouveau le pouvoir des courbes mathématiques. Le défi collectif, partagé par le monde entier est vite devenu « aplanir la courbe », repris comme un slogan dans tous les pays, transformé en animations 3D, bandes dessinées ou dessinés en direct par des ministres visiblement très entraînés.

Un outil rhétorique

Beaucoup de formateurs et d’enseignants sont sensibilisés à la rhétorique des photographies. Une image revoie de l’émotion, elle se présente souvent comme une reproduction du réel, et nous oublions souvent qu’il y a un angle de vue, un cadrage et donc un hors champ. Pour les schémas et courbes, le problème réside dans le fait qu’il est difficile de les démentir ou de les contredire sans entrer dans l’analyse des données et utiliser un vocabulaire technique. Une photo peut parfois se démentir par une autre photo. Pour un graphique, c’est plus complexe.

Expliquer prend du temps, alors que la figure se perçoit dans l’instantané. La partie est inégale !

Les modèles : des formes pour échanger sur ses projets

Abandonnons toute prétention scientifique. Les modèles qui nous sont familiers peuvent aussi nous aider à exprimer un problème, ou une vision. Vous développez un projet ou vous visez une réorganisation. Quelle est la forme de votre problème ?

Une courbe de démotivation, une longue traine qui exprime une difficulté à terminer, un schéma de dispersion ? Et quel serait la figure ou la forme d’une situation idéale ? Nous vous proposons quelques cartes à télécharger, imprimer et utiliser. Les règles sont simples, piocher une ou plusieurs cartes et décrire une situation à partir des schémas, et en choisissant l’autre couleur, sélectionner d’autres cartes qui cette fois-ci présenteront la situation visée.

Reste à expliquer comment on y parvient !

Pour accéder aux cartes, cliquer sur l'image.


Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources :

Rhétorique graphique et pensée iconique - Christian Grataloup
https://www.persee.fr/doc/espat_0339-3267_1996_num_62_1_3984


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