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Publié le 26 avril 2020 Mis à jour le 26 avril 2020

Au-delà des limites linguistiques

L'exemple de la Suisse

« La seule limite à la hauteur de vos réalisations est la portée de vos rêves et votre volonté de travailler dur pour les réaliser. »

Ainsi parle l’ancienne première dame américaine, Michelle Obama (née en 1964), qui souligne bien que tout est possible à condition de s’en donner les moyens. 

Et dans le domaine des langues, peut-on parler de limites ?  Dans ce cas, on parlera plutôt davantage de « frontières linguistiques ». Mais de quoi s’agit-il exactement ? Le fait qu’un même pays doive partager plusieurs langues suppose-t-il également une frontière socio-culturelle à l’intérieur de celui-ci ? 

Préparez-vous à traverser les frontières linguistiques, à penser et à réfléchir dans une autre langue, à vous approcher au plus près des limites des langues… et rendez-vous au pays de la neutralité, du chocolat, des montres et des banques : la Suisse !

Vos papiers, s’il vous plait !

Selon Wikipedia, le terme de frontière linguistique désigne « une frontière séparant deux territoires dans lesquels sont parlées deux variétés linguistiques différentes (langues ou dialectes) ». Une excellente illustration de frontière linguistique est le pays des Helvètes, la Suisse, où se partagent le français, l’allemand et l’italien.

On parle ici d’un véritable clivage linguistique, affectueusement nommé « Röstigraben » (littéralement, la barrière de röstis, en allemand, nom du plat typique suisse alémanique, qui est une galette de pommes de terre grilléees). La preuve la plus concrète de cette limite linguistique se retrouve dans la toponymie des villes suisses.

En effet, les localités ayant comme suffixe -ens ou -ence sont nombreuses dans les cantons de Fribourg (Cottens, Lovens, Villorsonens…) et de Vaud (Mollens, Ballens, Yens…), tout comme les préfixes wal- et walen- qu’on peut rencontrer le long des rivières Aar (Walliswil) et de la Sarine (Wallenried). Ces préfixes et suffixes, d’origine alamane (ancienne confédération de peuples germaniques installés sur la rive droite du Rhin au IIIe siècle) sont la preuve incontestable des percées historico-politico-linguistiques dans le territoire burgonde, fixant ainsi la frontière linguistique dès le VIIIe siècle.

La deuxième limite linguistique suisse est celle du romanche, langue romane parlée par plus de 60.000 personnes dans le pays au seul et unique drapeau carré ! Toutefois, celle-ci n’est vraiment prédominante que jusqu’au Xe siècle, moment où le dialecte germanique (l’allemand actuel), langue de la classe dominante, prend alors le dessus et contraint les indigènes à s’y soumettre aussi. Néanmoins, les seules enclaves romanches restantes aujourd’hui sont reliées par des cols à l’Italie.

En parlant d’Italie, voici la dernière limite linguistique suisse : l’italien. Cette frontière se veut naturelle, puisque délimitée par les Alpes. En effet, pour résumer, on peut dire que les Suisses situés au sud des Alpes parlent italien, et ceux de l’autre côté, au nord, parlent allemand, à l’exception cependant du village de Bivio, situé sur le versant nord alpin, mais qui se revendique comme le seul village italophone suisse côté nord !

La liberté de parler

Outre les « frontières » linguistiques, la Suisse est officiellement séparée en quatre « zones » linguistiques : allemande, française, italienne et romanche. Si quelques régions sont également officiellement bilingues, se pose néanmoins le problème de la liberté des langues des citoyens.

En effet, ce dernier se trouve limité par la territorialité des langues, dont le principe même est que « seule la langue déterminée officiellement soit utilisée à l’école », ce qui entre en contradiction avec l’idéologie de la liberté des citoyens en matière de langue qui « permet à une minorité nationale d'utiliser sa langue dans ses rapports aux autorités ou (…) de suivre l'école publique dans sa langue minoritaire ».

Un exemple ? Dans le canton des Grisons, chaque commune a le droit de statuer sur la langue officielle choisie. Or, dans la ville de Pontresina, où seulement 15% de la population est romanchophone, l’école se fait en romanche. Dans la ville de Saint-Moritz, juste à côté, la proportion de locuteurs du romanche est sensiblement la même, donc minoritaire, mais la langue d’enseignement est ici l’allemand. Le principe de territorialité des langues apparaît donc ici comme un outil d’assimilation dans certains de ces cantons : la population germanophone étant de plus en plus présente, la langue allemande est sur le point d’écraser le romanche, qui est une langue mineure et minoritaire. La loi du plus fort deviendrait-elle celle du meilleur ?

Finalement, comment ne pas citer, à titre exemplaire, l’arrondissement administratif de Bienne (55.000 habitants), dans le canton de Berne, ou 57% de la population est germanophone et 42%, francophone. Bienne est donc parmi les rares élus bilingues de la Suisse. Elle se caractérise notamment par son choix d’avoir privilégié le principe de la liberté des langues au détriment du principe de la territorialité des langues. À Bienne, tout le monde est censé être polyglotte ! Chacun peut s’exprimer dans la langue de son choix, français ou allemand, que ce soit envers les autorités ou au parlement, et cela, sans traduction !

La Suisse a toujours été connue pour sa neutralité et il semble même que pour ses langues, ses limites soient aussi claires que son beau ciel bleu sur les Alpes enneigées : transparentes et infinies !

Sources et illustrations 

- Langues en Suisse, wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Langues_en_Suisse

- Le romanche, Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Romanche 

- Alpes Suisses, https://pixabay.com/images/id-1643834/

- Fête traditionnelle suisse, https://pixabay.com/images/id-1715140/

- Paysage suisse, https://pixabay.com/images/id-4959705/ 



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