On le traque parce qu'il est synonyme d'inefficacité, on le condamne parce qu'il détourne d'un effort collectif, on le combat parce qu'il peut faire perdre l'énergie de ceux qui l'éprouvent. L'ennui fait peur. Et pourtant, lorsqu'il favorise la rêverie, le cheminement de pensées sans objectif précis, il est un précieux allié de notre créativité et de la construction de nos réflexions. Pédagogues, neuroscientifiques et esprits rebelles se retrouvent pour réhabiliter ces moments apparemment inutiles avec soi-même.
Pas une miette perdue !
Un professeur d'université remplit un bocal de petites pierres. Il demande
aux étudiants si le récipient est plein. Ils répondent par l'affirmative. Il n'y a pas moyen, en effet, d'ajouter une autre pierre.
Il sort de fins cailloux et les verse dans le bocal, qui n'était donc
pas plein. Et maintenant ? A l'évidence, oui, cette fois-ci, il est rempli. Il sort alors du sable et le verse. Il termine
ensuite avec de l'eau. La démonstration est faite, quand on pense qu'on
n'a pas le temps, on a encore des miettes de temps.
Éblouis par cette présentation, des milliers de personnes ont imaginé que leur journée qu'ils croyaient bien occupée était encore pleine de poches d'efficacité et de "temps morts"... Pour donner juste un exemple, le micro-learning s'appuie d'ailleurs sur ce type de démonstration. Une file d'attente à la caisse ? Je sort mon téléphone,
et je complète un module de 3 minutes...
Le temps, c'est de l'argent et de l'investissement. On s'inquiète donc de le gérer et de ne pas le perdre inutilement. Au minimum, on cherche à "s'occuper" ou à occuper les enfants pour conserver l'énergie. «De plus en plus de parents angoissent de voir leur enfant s’ennuyer.
Dans notre société très concurrentielle, ils tolèrent de moins en moins
ces moments de « rien » et la pensée improductive. Même les jouets
doivent être opératoires, pédagogiques…» s'inquiète Roger Teboul, pédopsychiatre auteur de "Je m'ennuie".
La condamnation de l'oisiveté prend aussi une dimension morale. C'est un des "péchés capitaux", et on continue de culpabiliser si on ne fait rien.
Enfin, l'ennui fait peur. Lorsqu'il devient chronique, il est synonyme de mal être, de difficulté d'être avec soi-même, de repli face à la nouveauté ou au contraire d'incapacité à focaliser son attention. Il émerge dans des contextes différents.
Ainsi, ceux qui ne tiennent pas en place, mais aussi ceux qui ne bougent pas du tout sont ceux qui s'ennuient le plus. Une étude de John Eastwood, de l'université de York au Canada, pointe ce paradoxe où les positions de vie extrême se rencontrent. De ce point de vue, l'ennui est une souffrance, et il serait bien malvenu de le chercher ou de le cultiver sous cette forme. Il en est de même lorsque le sentiment que le travail que l'on fait au quotidien n'a aucun sens et provoque l'ennui.
Mais le terme a des définitions très larges. Sans doute les auteurs qui valorisent l'ennui expriment-ils davantage l'importance de la rêverie, des pensées où l'on ne fixe pas un objet, d'un vagabondage mental sans viser une utilité.
Et par temps de confinement, on se souvient et on répète à l'envie la citation de Blaise Pascal qui dit que le malheur des hommes vient de leur incapacité à rester en place. Nous fuyons l'ennui, le monde numérique nous incite à rechercher les stimulations et l'intensité. Les réseaux nous laissent croire que nos amis virtuels ont une vie bien plus remplie que la nôtre, et nous nous agitons, en tentant de remplir la moindre parcelle de vide.
Et pourtant, comme le dit Philippe Meirieu, "Le développement de la pensée passe par la capacité à surseoir à l'impulsion immédiate. [...] et à renoncer au "tout tout-de suite». C'est aussi ce que montre le test des guimauves que nous avons évoqué dans un précédent article.
S'ennuyer ça s'apprend
Ainsi donc, lorsqu'on parle de cultiver son ennui, on évoque le fait de prendre du temps pour soi, sans fixer son attention sur une tâche immédiatement utile et cadrée. C'est laisser libre cours à son imagination et à la rêverie. Il n'est pas question de cette forme d'ennui qui pousse à ruminer !
"un acte de résistance"
« À condition de ne pas rechercher la performance ni de viser un but, la marche est une activité inutile, opposée à la vision utilitariste du monde." La marche nous rappelle qu'on est vivant, elle va à l'encontre d'une culture de la stimulation et de l'agitation. Elle est pour David Le Breton "un acte de résistance"
Walt Whitman s'inquiète de son côté d'une société qui condamne la flânerie et à applaudit à la destruction de notre bien commun qu'est la nature !
Cette résistance prend encore plus de sens dans un monde numérique. En 2014, Yves Citton nous avait alertés sur "l'économie de l'attention". Le numérique, les réseaux sociaux et Internet ont transformé notre attention en "nouvel horizon du capitalisme". Et pour gagner cette attention, les entreprises nous stimulent, nous interpellent et nous interrompent régulièrement.
Deux conséquences : la première est que nous croyons que nous pouvons vivre intensément en continu, et la seconde est que notre capacité d'attention prolongée a fondu. Se déconnecter, éteindre le téléphone, lever les yeux au dessus de nos écrans sont devenus des actes de rébellion contre un modèle économique qui se fonde sur la réduction du temps à soi.
Un tremplin vers la créativité
Roger Teboul, cité précédemment nous invite à distinguer l'ennui qui permet l'accès à des moments intérieurs avec soi-même et les signes de dépression qui doivent alerter. Sophie Marinopoulos, psychologue nous le rappelle aussi dans cette courte vidéo du site Yapaka.be.
Les neurosciences à la rescousse !
Andrew Smart est l'auteur du livre non encore traduit «L'art et la science de ne rien faire». Spécialiste des neurosciences, il s'oppose à tous les best sellers qui nous expliquent comment mieux gérer notre temps et être plus efficace. Et il a des arguments. Dans les moments où notre attention n'est pas fixée sur un objet, des réseaux neuronaux se construisent entre des zones parfois éloignées du cerveau et c'est ainsi que naissent les idées et les inventions. C'est le réseau du mode par défaut.
Le mode par défaut est évoqué par Marcus Raichle en 2001. Il explique que très longtemps, on s'est intéressé au
cerveau dans ses activités conscientes, de concentration et d'attention.
Ses travaux changent le paradigme et partent du constat que
l'activité du cerveau reste très importante quand il n'est concentré sur
rien. Le cerveau se met alors en "mode défaut". Ce mode défaut est en partie inhibé dès lors que nous menons une activité qui demande
une forte concentration.
Ce scientifique a observé que la consommation d'énergie du cerveau quand nous sommes concentrés sur une tâche n'augmente que de 5%, et que le cerveau est toujours en activité. Le mode "par défaut garde une vigilance quand le cerveau n'est plus focalisé. Il permet de se tourner vers soi-même et de trouver des solutions alternatives. Le réseau du mode par défaut est fragile, il doit être préservé. Il est aussi sollicité dans des activités conscientes et est important dans la relation à soi, aux autres et au temps.
Si l'ennui n'est pas un état chronique, qui conduit à l'apathie et éloigne de l'action, il faut admettre qu'il fait partie de notre équilibre. Les temps de rêverie, de rencontre avec soi-même dont Sénèque, Montaigne et Pascal nous disaient déjà l'importance sont des moments de plus en plus précieux.
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