Publié le 12 avril 2020 Mis à jour le 12 avril 2020
Nous sommes plongés dans un monde où le faux peut facilement être produit. Les logiciels de montage photo et vidéo ont trompé autant le grand public que des journalistes chevronnés. Avec la vitesse de l’information, particulièrement sur les réseaux sociaux, les mensonges se partagent plus vite que jamais et plus vite que la vérité, notre propension pour l'extraordinaire y contribuant. Le documentaire pourrait-il être le remède à l’infobésité et aux fausses nouvelles contemporaines ?
Déjà, parce qu’il use d’une autre temporalité. En effet, le film documentaire ne peut se produire en quelques jours. Il prend du temps, souvent un an voire plus. Voilà ce qui fait de lui un meilleur témoin de situations généralement complexes. Ce type d’œuvre peut s'attarder aux questions sous tous les angles, donner la place à différents avis, etc. Conséquemment, il devient un document plus véritable et capable d’avoir un effet sur les spectateurs.
Même si cela reste une création audiovisuelle, il cherche plus qu’à divertir, contrairement à un long-métrage. Que ce soit sous forme de film ou de série, le documentaire veut surtout éveiller les consciences de ceux qui le regardent et, éventuellement, des décideurs. Ce sont eux qui peuvent modifier les lois ou changer les pratiques avec des règlements, des surveillances, etc.
Cet article donne l’exemple de « Demain », une œuvre de 2015 de Cyril Dion et Mélanie Laurent, qui a été diffusé à la COP 21 de Paris et est un devenu un accélérateur d’idées et même un outil pédagogique.
D’ailleurs, l’organisation non gouvernementale Greenpeace, habitué aux actes chocs pour défendre la cause environnementale, croit aussi fermement aux potentiels du documentaire pour conscientiser le public à ses habitudes et à les transformer. Des organismes comme Good Pitch travaillent à arrimer les conclusions d’œuvres avec des ONG pour améliorer le monde. Par exemple, le film américain « Bully » a focalisé son regard sur la situation du harcèlement scolaire et obligé les établissements et États à œuvrer sur des stratégies pour diminuer et, potentiellement, éliminer l’intimidation à l’école.
Évidemment, un documentaire ne change pas toujours entièrement le monde. Ainsi, le film « Super Size Me » de Morgan Spurlock a averti le public sur les dangers de la surconsommation de malbouffe. Toutefois, cela ne veut pas dire que les chaînes de restauration sont devenues plus « santé ». D’ailleurs, le réalisateur en est conscient et a produit une suite à son documentaire marquant. Néanmoins, comme il le dit à la blague, cela a obligé les marques à prendre un virage marketing promouvant les légumes, de la salade, etc.
Même chose pour le documentaire québécois « L’erreur boréale » de Richard Desjardins qui pointait du doigt l'exploitation forestière qui s’en permettait beaucoup au Québec. 20 ans plus tard, il reste encore des problèmes de coupe à blanc et de mauvaise gestion selon son réalisateur mais le Québec a quand même été contraint d’améliorer sa règlementation sur l’industrie et sur des initiatives de reboisement.
Le documentaire « Trafic » de Catherine Proulx a aussi eu des impacts sur la question du proxénétisme qui cherche des jeunes filles. Le film sert d’ailleurs dans les interventions auprès des adolescents et l’équipe a même été invitée à une commission parlementaire sur l’exploitation des mineurs.
Bref, le documentaire bien réalisé peut avoir des répercussions sur le public et sur les décideurs. Évidemment, rien n’est parfait et certaines habitudes sont plus longues à modifier que d’autres. Il faut donc avoir des attentes réalistes quand sort une telle œuvre.
Néanmoins, au fur et à mesure que sont financées des réalisations marquantes partout dans le monde, il est permis de croire que le changement viendra. Par exemple, un documentaire australien envisage la vie en 2040 avec des approches vertes et durables. De quoi aurait alors l’air notre planète? L’accumulation de productions du genre et autres mènera, souhaitons-le, à une réflexion globale et surtout des actions concrètes.
Illustration : DrMAURO de Pixabay
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