Tout le monde peut-il devenir Bill Gates ?

Au delà des 10 000 heures de pratique , comment devenir un expert ?

Les visages de l'expertise

Un conte chemine chez les coachs. Un jour un plombier est appelé pour réparer une chaudière. Il observe la chaudière ajuste un coup de marteau et réussit la réparation en moins de 3 minutes. Il tend la facture de 300 euros au client qui s'étouffe. «Pour 3 minutes mais c’est excessif vous avez juste donné un petit coup de marteau !». Le plombier refait sa facture et la détaille :

donner le coup de marteau 1 euros
savoir où donner le coup de marteau 299 euros

L'idée de l'expertise est toute entière dans ce conte. Elle réside pour une large part dans un iceberg invisible de savoir. Parfois si invisible qu'il est difficile de la valoriser. Dans une société de la connaissance et des services intellectuels, les savoirs invisibles deviennent prédominants. Il y a bien eu des tentatives de mettre le savoir en base de données mais vient toujours le moment où il s'agit de prendre contact avec celui qui sait, car nombre de détails et de circonstances échappent au numérique.

Reconnaître un expert parmi la masse

Dès lors puisque peu de choses se voient et qu'une part de l'expertise se cache si bien comment reconnaître les experts ? On dit d'un expert qu'il détient une expertise, et celle-ci est probablement plus que l'étalage d'un ensemble de données repérables sur Internet. Mais qu'est-ce qui distingue un sachant, d'un érudit, d'un professionnel, d'un maître ou d'un sage ?

Le sachant

Le sachant est celui qui dispose de savoir que d'autres n'ont pas. Il a mémorisé de nombreuses données qu'il est capable de restituer. Sur un domaine précis il sait répondre à une variété de questions. Il impose son autorité parce qu'il sait et détient une légitimité pour le faire savoir. Cependant le mot est parfois utilisé de façon péjorative pour se gausser d'une prétendue élite intellectuelle quand bien même le mot nous rappelle le grand sachem des westerns.

L’érudit

L'érudit pousse ses lectures jusqu'à connaître le moindre détail et les plus subtiles nuances sur les versions d'un sujet. Les ouvrages, les auteurs qu'aucun autre que lui ne connaît font sa science. Il dispose d'un grand nombre d'anecdotes pour capter l'attention, ou parfois il nous fatigue de surdétail. Un terme Yiddish : "Le maven" popularisé par Malcolm Gladwell lui donne en plus une connotation d'envie de partage.

Le professionnel

Le professionnel non seulement connaît son affaire mais sait aussi la conduire jusqu'à bonne fin. Il a expérimenté de nombreuses méthodes et techniques dans une variété de situations ce qui lui permet de trouver un chemin singulier pour les problèmes complexes rencontrés. Le professionnel dispose d'une palette d'outils car il se réfère à un autre dicton "Si le seul outil dont on dispose est un marteau alors tous les problèmes auront une tête de clou".

Le maître

Le maître est un professionnel confirmé mais en plus il a conscience du devoir de transmission qu'il doit à des élèves. Le maître ne s'appartient pas complètement, une part de lui passe dans la plus haute visée de sa discipline qu’à force de pratiquer il finit par incarner, si bien qu'on ne sait plus très bien qui est le produit de l'autre. L'image du maître en art martial nous rappelle toute la discipline qui s'impose pour garder vivant un savoir-faire.

Le sage

Le sage en sait plus qu'il ne sait dire. Il sait qu'il sait et cela suffit. Il se nourrit de questions et il évite d'assommer les autres de sa science. Il préfère les aider à trouver en eux plus qu'il n'y a. Il aide les autres à grandir dans la communauté plus qu'il ne cherche à être grand lui-même. Il porte plus que tout autre figure de savoir le visage de l'humilité. Il dépasse les facultés ou dispositions de la nature humaine, tant en ce qui concerne la connaissance que l'action.

L’expert

Et alors l'expert dans tout cela? Probablement a-t-il intégré une maîtrise théorique et pratique de son sujet. Certainement qu'il a poussé suffisamment sa discipline pour en simplifier la restitution à un tiers. Il est capable d'apporter le juste nécessaire sans jargon, sans fausse modestie. Il use d'images, de métaphores et rend accessible le complexe. Les vrais experts sont précieux ils sont parfois révères comme des trésors humains vivants de la connaissance.

Puis je devenir Bill Gates ?

Inutile de se mettre martel en tête pour trouver d'imparables critères de détection d'experts. Les productions en ligne, les banques de données d'experts, les recommandations croisées, les shows télévisés ne donneront que des indices du talent.

À moins d'accorder du crédit à cette enquête du psychologue Anders Ericsson qui affirme qu'il faut 10 000 heures de travail sur 10 ans à raison de 20 heures par semaine pour exceller dans une discipline. Il est ainsi possible de relater le cas du fondateur de Microsoft, Bill Gates qui dès l'adolescence, aurait programmé durant sept mois, et aurait consacré 1575 heures sur son ordinateur, environ 8 heures par jour, 7 jours sur 7. Donc il s’agirait de repérer les gros travailleurs pour s’approcher d’une expertise.

Expert en son royaume

Pour conclure rappelons-nous la sagesse populaire qui affirme qu'au royaume des aveugles les borgnes sont rois. Nous pouvons être expert dans un contexte pour un public donné et un ignorant dans un autre. Mais gare à l'expert dont l'étendue du savoir peut le rendre pédant à tel point qu'il oublie de se mettre au service de son auditoire pour satisfaire l'illusion de briller par ses connaissances.

Le véritable expert sert sa communauté et pas seulement sa carrière. Les traces qu'il laissera abondant les communs de la connaissance seront sa plus belle reconnaissance. Visitez la maison des outils et de la pensée ouvrière des compagnons du devoir vous y trouverez des marteaux aux formes stupéfiantes qui ont permis de façonner les plus beaux chefs d'œuvre de l'art gothique. Et si l'expert était un bricoleur capable de détourner le plus petit outil au service de toute la communauté ?

Sources

Le Boterf agir en professionnel compétent et éthique https://journals.openedition.org/ethiquepublique/2934

Huffington post Il suffit de 10 000 heures de travail pour devenir un maître
https://www.huffingtonpost.fr/maxime-coignard/il-suffit-de-10000-heures-de-travail-pour-devenir-un-maitre_b_9130212.html

Wikipédia érudition https://fr.m.wikipedia.org/wiki/%C3%89rudition

Huffington post https://m.huffingtonpost.fr/didier-pourquery/juste-un-mot-les-sachants_b_5842666.html

Michel Violle qu'est-ce qu'un sage? http://www.volle.com/opinion/sagesse.htm

Cairn qu'est-ce qu'apprendre
https://www.cairn.info/qu-est-ce-qu-apprendre--9782130583066-page-118.htm

Michael Polanyi and tacit knowledge https://infed.org/mobi/michael-polanyi-and-tacit-knowledge/