Au delà de l'individu, l'organisation
L’idée d’organisation
apprenante est souvent évoquée soit comme l’état désirable d’une structure
qui apprend au-delà de son seul effort de formation formelle (les « stages
du service formation » ou les « stages catalogues » externe à
l’entreprise) ou bien comme un processus de dialogue qui permet de construire un
engagement progressif de l’ensemble du corps social pour apprendre à résoudre
des problèmes systémiques et complexes, c’est-à-dire des situations qui
dépassent l’entendement d’un seul individu.
De nombreux auteurs ont planché sur
« l’apprentissage organisationnel » fouillant sous tous les recoins
possibles les façons dont les plus brillantes entreprises s’y prennent pour
maintenir leur avance sur les autres.
Régulièrement les « stars
internationales » sont mises en avant pour leurs pratiques réputées. Elles
disposent d’université interne, de professionnels avertis en matière
d’apprentissage, de campus et de moyens conséquents. La culture
d’apprenance dont savent se doter ces entreprises devient un atout
concurrentiel pour rester force de proposition pour leur client, mais également
pour les administrations publiques qui cherchent à s’adapter aux exigences des
citoyens avec de plus en plus de contraintes et toujours moins de ressources.
Schein, Nonaka, Garvin et
surtout Senge
identifient le rôle de la réflexivité, de la vision, des modèles mentaux, des
collectifs apprenants, des leaders, des processus agiles, des projets porteurs,
celui de l’encadrement, du lien avec leur environnement en grappe (cluster), fournisseur,
qualité du lien aux clients. Ils listent des pratiques de mentorat, de tutorat,
de voyage apprenant, de formation, de formation-action, d’apprentissage en
situation de travail, de tutoriel et de plateforme d’apprentissage en ligne, de
recherche-action, de politique de soutien, d’apprentissage par la carrière. Ils
envisagent des pratiques innovantes d’intrapreneuriat interne, de living-lab,
d’échange en ligne ou des appuis à l’autoformation. Toute la créativité humaine
est déployée pour rendre notre environnement apprenant voire même capacitant et
faire en sorte que chacun soit le principal sponsor de son propre apprentissage.
Mais si l’on se souvient
que l’apprentissage est éminemment social alors identifier la force des liens
sociaux est probablement le meilleur point d’entrée pour promouvoir une culture
d’apprenance.
Nous ne saurions apprendre sans friction avec notre
environnement, sans connexion avec les autres. Actuellement l’expression à la
mode est intelligence collective, le graal recherché par les
organisations qui se veulent apprenantes.
Comment
entrer dans la dynamique ?
L’un des facteurs clé est
donc l’apprentissage en équipe. « Apprendre ensemble » est
probablement l’un des plus puissants moteurs, car cela vitalise les liens sociaux
tout au long desquels circulent les savoirs pertinents pour les
organisations.
Ces liens sont les lignes
de vie desquels se nourrir pour progresser collectivement. Cet « apprendre
ensemble » prend une variété de formes telles que :
Le plus facile pour
entrer dans une logique d’organisation apprenante serait de regarder comment
les collectifs formels ou informels se mettent en mouvement et d’identifier les
façons dont l’organisation peut se mettre à leur service par des formations à
l’intelligence collective, du coaching, de la libération de temps ou la mise à
disposition d’espaces.
Il suffit d’observer et de laisser pousser la dynamique,
de l’orienter, de lui proposer des buts ambitieux qui consolident l’identité
individuelle et l’identité collective. Progressivement ces petits collectifs
transforment la culture d’apprenance.
Le
pouvoir de l’émotion
Nombre de ces dynamiques
de groupe transforment en profondeur les organisations car elles vont bien
au-delà de la simple découverte et acquisition de nouveaux savoirs. Elles vont
au-delà de la dimension cognitive. Elles transforment les liens émotionnels
entre les personnes. Et les gestionnaires l’oublient trop souvent mais les
êtres humains sont avant tout marqués par les relations (dimension affective du
travail) et les transitions (dimension projective et imaginaire du travail) et
pas uniquement par les transactions (travail versus salaire).
L’énergie
émotionnelle délivrée par les collectifs est à la base des plus grandes
réussites, elle permet l’engagement librement consenti, bien plus puissant et
durable que l’obéissance à des ordres, par nature incomplets. Cette énergie
permet aussi de corriger les prescriptions de travail aveugles des points de
vue individuels issus des situations de travail. Les équipes croisent leur
regard pendant qu’un dirigeant isolé se focalise sur un seul point, souvent un
objectif chiffré.
L’esprit d’équipe offre
le soutien aux besoins humains essentiels qui permet à chacun de s’augmenter de
l’intérieur par le collectif. Il offre un espace protégé d’apprentissage en
proximité avec des pairs avec des prises de risques possibles à la hauteur de
ses possibilités. Si un individu apprend
quelque chose seul, il se voit reconnaître la maîtrise de ce savoir par les
autres. Cela le conforte et le stimule pour aller plus loin.
Une des formes les plus
transformatrices du collectif réside probablement dans les attitudes des
collectifs de gouvernance ou de la façon dont un leadership distribué
s’installe. En effet, il ne s’agit pas pour des dirigeants de seulement
proclamer l’importance du collectif, faut-il encore qu’ils en incarnent le
bénéfice pour tous, à commencer par eux-mêmes. Il y a dans chaque collectif un
pouvoir d’influence et de modélisation pour tous les niveaux de l’organisation,
mais le fait que les collectifs de gouvernance soient perpétuellement en vue par
leur fonction de représentation et leur prise de décision leur donne une
importance accrue.
Plus que toute autre équipe, le comportement d’une équipe de
direction joue d’un effet d’entrainement ou bien au contraire révèle une
incohérence du type faites ce que je dis – sous-entendu «travaillez
ensemble » – et pas ce que je fais
– par exemple « être en rivalité pour briller dans un codir (comité de direction), une
convention, un projet pour progresser dans sa carrière ».
Apprendre
ensemble et de façon connecté
Le dernier avatar en date
repose dans le développement des réseaux aussi bien internes qu’externes aux
organisations. Ces réseaux connectés accélèrent encore le pouvoir des petits
groupes. Ces réseaux créent des connexions imprévues par les planificateurs
d’organisation. Ils exacerbent la possibilité de se retrouver par petits
groupes passionnés et de jouer d’une influence informelle dans divers points de
la structure.
Ils fissurent à leur corps défendant le « pouvoir sur »
(des budgets, des temps, des ressources, des décisions etc.) en promouvant le
« pouvoir de » prendre des initiatives, se lier accélérer les
échanges de pratiques et l’exploration d’usages. La littérature avait bien
identifié le rôle des organigrammes informels, affinitaires et personnels.
Parfois elle nommait « capital social » ces liens entre les
individus, véritables atouts pour faire avancer une idée parfois à
contre-courant, mais voilà qu’avec les réseaux en ligne ce n’est plus seulement
quelque cadres plus mobiles ou responsables de leur temps qui peuvent se
constituer un réseau de soutien, mais bien tout acteur capable de coaliser
autour d’une idée un groupe d’autres passionnés.
La logique du statut demeure,
la légitimité hiérarchique perdure, mais elle cède un peu au pouvoir
d’initiative de petits groupes très motivés. Les apprentissages
organisationnels, collectifs et individuels se trouvent démultipliés.
Engagement, connexion, mouvement
Il se pourrait bien que
les organisations gagnent à encourager cette pairagogie
qui maille envie d’agir et apprentissage car elle autorise plus d’engagement
mais également une meilleure connexion et un partage des savoirs tant vertical
qu’horizontal. Les organisations ont probablement intérêt à être vigilantes aux
initiatives collectives et à les encourager, parfois les réguler, plutôt que de
persister à imposer d’en haut des décisions-dictats et se plaindre des
résistances au changement.
Sources
Sol France – La cinquième discipline – Peter Senge
https://www.solfrance.org/la-cinquieme-discipline/
Thot Cursus – Denis Cristol - La pairagogie fruitprometteur du monde du co
https://cursus.edu/10560/la-pairagogie-peeragogy-fruit-prometteur-du-monde-du-co
Thot Cursus -
Organisation apprenante 10 principes et plus encore
https://cursus.edu/11416/lorganisation-apprenante-dix-principes-et-plus-encore
Docendi - Cristol Denis –
Apprenance construire son savoir pour évoluer vers la société 4.0
https://www.docendi.com/blog/apprenance-construire-son-savoir-pour-evoluer-societe-4-0
Journal Open Edition – Fernagu-Oudet - Concevoirdes environnements de travail capacitants :l’exemple d’un réseau réciproque d’échanges des savoirs
https://journals.openedition.org/formationemploi/3684
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