Quelle est la caractéristique de l’apprentissage par problème ?
Quels en sont les enjeux ? Quelles sont les incidences de cette
démarche sur l’enseignant, sur l’apprenant, sur les
apprentissages ? Prenons le temps d’analyser cette approche
pédagogique pour repérer ses forces et ses exigences.
Nous nous appuierons plus particulièrement sur deux auteurs pour analyser ce sujet.
- Jean-Marie Boilevin d'une part, avec son article « Enseigner la physique parsituation problème ou par problème ouvert» qui propose une analyse
de tout le cycle de vie du «problème», de sa conception à sa
résolution, en précisant l’activité des élèves, des
enseignants et les apprentissages qui peuvent en découler et
- Michel Huber, d'autre part, qui a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet.
Prenons
le temps de parcourir ces différents éléments ...
Comment se déroule
une telle activité ?
Boilevin propose de
découper l’activité en deux temps :
- La
problématisation : « La phase de
problématisation est essentielle. Elle amène les élèves à
participer à la construction du problème au cours des interactions
en classe. »
- La résolution :
« La phase de résolution proprement dite est précédée de
la dévolution (ie. transmission et appropriation) du problème. En
effet, si la situation est bien menée, le problème imaginé par le
professeur va devenir le problème des élèves. La mise en évidence
du paradoxe entre les prévisions et les observations effectuées va
alors créer le besoin de résoudre le problème. »
- La résolution du
problème se déroule en petits groupes puis un temps de mise en
commun permet une confrontation des différents éléments découverts
ou repérés par chacun, c’est la phase de formulation. Le
travail se prolonge par une phase de validation : « Il
s'agit alors de choisir entre les différentes propositions
(hypothèses explicatives) et de recourir éventuellement à
l'expérience pour trancher. L'enseignant joue encore le rôle d'un
animateur. »
- L’activité se
termine, selon Boilevin, par une phase d’institutionnalisation :
« le professeur institutionnalise le savoir, en le
décontextualisant de la situation étudiée. L'enseignant est ici le
représentant de la Physique, le garant de la conformité du résultat
aux savoirs de la Physique. »
Cette approche
détaillée est intéressante, Michel Huber propose de compléter ce
travail didactique par un temps pédagogique de relecture de
l’activité. Une analyse réflexive permet ainsi d’avoir un temps
d’évaluation de la démarche et des apprentissages, disciplinaires
et transversaux.
Quelles sont les
différentes postures pour l’enseignant ?
Pour analyser la
place de l’enseignant et ses différentes postures vis à vis des
apprenants, nous pouvons nous appuyer sur le travail de Dominique
Bucheton. La présentation du déroulement de l’activité par
Boilevin fait explicitement ressortir plusieurs de ces postures :
- Une posture de
magicien lors de la phase de problématisation où
l’enseignant fait émerger le conflit cognitif ;
- Une posture de
lâcher-prise où il laisse aux apprenants la responsabilité
de leur travail et la possibilité d’explorer le problème ;
- Une posture
d’enseignement quand il institutionnalise le savoir ;
- De plus, nous
pouvons imaginer que lors des phases de travail en groupe,
l’enseignant adopte aussi une posture d’accompagnement
pour soutenir les avancées des uns et des autres en apportant une
aide latérale, individuelle ou collective.
Cette diversité de
postures enseignantes, caractéristique de pédagogies actives,
favorise le développement de l’autonomie et de la réflexivité
chez les apprenants. La proposition de Michel Huber d’adjoindre un
temps pédagogique pour conscientiser et formaliser ce développement
de compétences transversales de haut niveau prend ainsi tout son
sens.
Ainsi, cette
approche associant pédagogie et didactique permet d’avoir une
progression globale et cohérente visant le développement des
compétences disciplinaires et sociales en s’appuyant sur des
problèmes ancrés dans le réel, en lien avec les disciplines
enseignées, qui fournissent le cadre de travail.
Comment construire
un «bon» problème ?
Michel Huber propose
de mener le travail de conception d’une situation-problème en 3
temps :
Cerner
l’objectif cognitif de l’activité ;
Identifier les
représentations majoritaires chez le public visé ;
Formuler une
situation problème de manière à bousculer ces représentations et
créer un conflit cognitif ;
Documenter la
perturbation.
L’objectif est
ainsi clairement de créer une situation pour faire évoluer les
connaissances des apprenants en s’appuyant sur leurs
représentations qu’ils ont formalisées et partagées. Le problème
se construit alors autour du «poil à gratter» apporté par
l’enseignant. Il est important de noter que l’enseignant, s’il
veut animer sereinement ce travail autour du problème, doit avoir
anticipé des scénarios possibles pour pouvoir répondre aux
sollicitations des apprenants (besoin d’expérimentation, de
ressources complémentaires, prises d’initiatives, ...) ou recadrer
l’investigation pour être toujours aligné avec l’objectif
conceptuel initial visé.
Quelle est la
plus-value de ce type d’approche ?
Nous avons déjà vu
que l’approche par problème permet de travailler conjointement des
compétences et connaissances disciplinaires mais aussi des
compétences transversales de collaboration, de communication et
d’analyse réflexive (pour ne citer qu’elles). Il peut être
aussi intéressant de constater que cette logique de problème
s’enrichit de la diversité des apprenants et permet ainsi de
passer du défi de l’hétérogénéité à une opportunité où les
différences entre apprenant sont une opportunité au service des
apprentissages dans une logique d’enseignement mutuel.
En espérant que ces
éléments vous inciteront à vous appuyer sur des problèmes ouverts
que vous aurez prévus ou qui émaneront des échanges avec vos
apprenants pour vivre de situations d’apprentissages riches et
fructueuses.
Références bibliographiques
-
Jean Marie Boilevin, 2005, Enseigner la physique par situation problème ou par problème ouvert, ASTER N° 40. 2005. Problèmes et
problématisation (pp. 13 à 37)
http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/8854/ASTER_2005_40_13.pdf?sequence=1
- Michel Huber, 2011, (Se) former par les situations-problèmes : des déstabilisations constructives, ed. chronique sociale
https://nantilus.univ-nantes.fr/vufind/Record/PPN156183420/Details
- Dominique Bucheton, Les postures enseignantes
https://nantilus.univ-nantes.fr/vufind/Record/PPN156183420/Details
- Anne Sliwka, 2010, From Homogeneity to diversity in German education, ed. OCDE, http://www.oecd.org/berlin/44911406.pdf
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