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Publié le 03 février 2020 Mis à jour le 21 février 2024

L'étude de cas. Quels choix pédagogiques ?

Conception, organisation, animation. Des idées pour varier une situation d'apprentissage classique

Situation d’apprentissage classique dans la formation à la gestion d’entreprise, dans le domaine médical ou social, l’étude de cas peut prendre des formes multiples.  Dans cet article, nous présentons quelques-unes des étapes principales de la conception d’une étude de cas et les options qui s’offrent au formateur.

Fixer les objectifs

La conception de l’étude de cas commence par la fin. Que vise-t-on ? Quels objectifs souhaite-t-on atteindre et que devront maîtriser les participants à l’issue de l’exercice ? L’étude de cas permet de développer et d’évaluer les niveaux de compréhension situés en haut des taxonomies de Bloom et Krathwohl. Il ne s’agit pas juste de retenir, mais d’utiliser et d’articuler des connaissances dans un contexte. Les apprenants mettront en relation des éléments épars et le plus souvent, ils devront adapter, voire inventer une solution.

Pour mémoire, le schéma ci-dessous compare les deux pyramides. Notons cependant que la hiérarchie que cette forme implique est remise en cause.



Les objectifs transversaux sont particulièrement importants dans une étude de cas et encore davantage lorsqu’on y associe des activités de groupe. Parmi les objectifs régulièrement formulés en lien avec cette situation d’apprentissage :

  • chercher l’information
  • sélectionner l’information pertinente
  • organiser l’information
  • établir un diagnostic
  • identifier des alternatives
  • apprécier l’impact et les conséquences de ces alternatives
  • sélectionner et argumenter
  • tirer des leçons du cas, qui pourraient être pertinentes dans un autre contexte, et être généralisées
  • et puis aussi présenter, mettre en scène, gérer son temps...

Sélectionner le type d’étude de cas


Lorsque les objectifs sont clarifiés, le formateur va se confronter à d’autres choix. Une étude de cas, soit, mais de quelle nature ? Quelques typologies aident à envisager des options qui permettront de rendre l’exercice plus motivant et plus cohérent avec les objectifs.

Parmi les typologies, celle de Guilbert et Ouellet présente l’intérêt de proposer différents niveaux de choix.  Chacun de ces choix peut à son tour se décliner dans des options différentes, et se combiner. Ainsi, l’enseignant peut communiquer toute l’information dans le cas, la donner au fur et à mesure de la progression des participants, ou seulement à la demande, pour susciter des questions pertinentes (technique de Pigors). Enfin, il peut ne transmettre qu’une partie de l’information, pour que les apprenants se positionnent dans un environnement incertain.



Bruno Poellhuber
propose une typologie assez proche, illustrée ci-dessous.


Créer un contexte et une histoire

Le contexte est essentiel et sera d’autant plus pertinent que les apprenants s’y retrouveront. Pour qu’il soit concret, certains enseignants demandent à des entreprises de venir témoigner pour lancer les activités. Irvin Scott, de la Harvard Graduate School of Éducation nous dit :

« [Dans une étude de cas], il y a des personnages et des décors. On y trouve des conflits et des dilemmes. Et enfin, il y a des occasions pour les étudiants de présenter des solutions et des stratégies. Existe-t-il meilleure façon d’apprendre et de se motiver en même temps ? »

Un contexte proche du vécu augmente l’ancrage mémoriel, les liens avec l’expérience et la motivation. Il peut aussi faciliter le hors sujet, faire dévier la réflexion ou les échanges du groupe sur des thèmes annexes, liés aux contextes, mais très éloignés des objectifs.

Animer l’étude de cas

Les études de cas se présentent souvent en plusieurs étapes, qui sont autant de situations d’apprentissage différentes. Recherches individuelles, synthèse, élaboration des solutions en groupes, présentations orales...  Michelle Schwartz nous propose quelques situations d’animation qui pourront enrichir le cas, et permettront d’aborder d’autres objectifs.

Le journal du cas :

À la fin de chaque période de travail, les étudiants résument leur travail, ce qui a fonctionné et ce qui a moins réussi. Ils formulent ce qu’ils ont appris. L’enseignant peut créer un modèle avec quelques phrases de démarrage ou mettre un questionnaire en ligne pour que l’exercice soit plus rapide.

Interviews :

À l’issue de chaque étape, les équipes se rencontrent et s’interviewent sur leurs avancées et leurs résultats. Elles comparent et mettent en évidence des points d’accord et des orientations différentes.

Stimuler le groupe par des questions

Michelle Schwartz cite Garvin qui a détaillé sa méthode pour concevoir des cas dans un mini site en 2004. La forme date un peu mais il nous propose une série de questions pertinentes pour animer.

  • Changer de point de vue : « Maintenant que nous avons envisagé le point de vue de X, comment Y peut-il percevoir le problème ? Quels arguments aurait Y ? Comment les deux positions peuvent-elles se retrouver ?

  • Changer de niveau d’abstraction : “Quelles sont les hypothèses derrière cette affirmation ? Pourquoi Z pourrait-il avoir ce point de vue ?

  • Faire trouver les bénéfices et inconvénients d’un choix, les conséquences ;

  • Se déplacer dans la chronologie : ‘Que va-t-il se passer’, mais aussi ‘Comment la situation aurait-elle pu être différente ?’, ‘Qu’est-ce qui aurait pu être fait plus tôt pour éviter ?’

  • Relancer : ‘Peux-tu préciser ?’, ‘Peux-tu clarifier ?’, ‘Qu’est-ce que tu entends exactement par ...’

  • Confronter les différences de position

Voter

Pourquoi ne pas organiser un vote sur certaines propositions. On peut imaginer l’utilisation de gommettes ou le désormais classique déplacement le long d’une ligne imaginaire, selon qu’on est plus ou moins d'accord avec une position qui vient d’être énoncée. Les outils d’animation en ligne, qu’il s’agisse de Wooclap, Socrative, Framapad ou Lino seront très pertinents pour échanger sur les solutions envisagées et recentrer les travaux, entre deux étapes.

Et pourquoi pas, le cas inversé ?

Oublions tout ce que nous venons de voir. Dans notre approche, jusqu’à présent, le formateur était un démiurge ou metteur en scène qui organisait l’ensemble... Et si les étudiants créaient eux-mêmes leur étude de cas et leur grille d’évaluation ? Ils la soumettent à leurs pairs ou à leur professeur, qui devient le seul élève de la classe, en s’inspirant de la classe renversée de JC. Caillez... Lorsque les étudiants ont déjà fait quelques stages ou vécu des expériences différentes, ils ont souvent la matière première. Et construire une étude de cas est en soi une bonne approche pour s’approprier les objectifs de formation.

Utiliser les réseaux sociaux, les murs de post-it virtuels

Pour échanger, construire des réponses, et organiser un travail collaboratif, les apprenants peuvent être invités à utiliser des outils numériques comme Trello et Slack. Si la résolution de l’étude de cas se fait en temps réel et limité, ces outils peuvent faire partie de l’étude de cas et apporter des éléments au fur et à mesure de l’avancée.

Imaginons une étude de cas sur la communication de crise ou sur la résolution d’un problème technique ou encore médical. Le groupe n’a qu’une dizaine d’heures pour apporter une réponse. Mais comme dans la vraie vie, ils reçoivent une information partielle et progressive, au fur et à mesure que la journée avance sur une plateforme.

Le déroulement peut encore prendre d’autres chemins qu’il serait difficile d’énumérer de manière exhaustive. Les formats peuvent ainsi s’éloigner largement des cadres vus précédemment. Ainsi, la désormais célèbre nuit de la crise de la Kedge Business School plonge les étudiants six heures dans une situation et une pression réelle dans une ambiance de PC de crise.

Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources

Ryerson University - Teaching Methods from Case Studies - Prepared by Michelle Schwartz, Instructional Design and Research Strategist, for the Learning &  Teaching Office, 2014
https://silo.tips/download/teaching-methods-for-case-studies

Bruno Poellhuber Outil d’aide à la scénarisation — étude de cas — consulté le 1 février 2020
http://aide.ccdmd.qc.ca/oas/fr/node/106

Lalancette, R. (2014). L’étude de cas en tant que stratégie pédagogique aux études supérieures : recension critique Québec : Livres en ligne du CRIRES. En ligne
https://lel.crires.ulaval.ca/sites/lel/files/etude_de_cas_strategie.pdf

Irvin Scott — Case teaching as storytelling — Harvard Éducation - novembre 2019, consulté le 1 février 2020
https://medium.com/@harvardeducation/case-teaching-as-storytelling-4d13712ce78f


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