Le laboratoire d'apprentissage du CNFPT
Le CNFPT a créé un laboratoire
d'apprentissage notamment pour transformer ses pratiques pédagogiques. Cet
équipement a déjà 3 ans d'expérience. Une capacité d'accueil de 70 participants
en format d'animation socio-numérique (petits groupes inter connectés par
tableaux blancs interactifs et logiciels collaboratif type Yellow).
Il est inspiré par la
directrice de la mission innovation, une designer, un techno pédagogue et une
assistante et soutenu par la direction de l'ingénierie. Il est intégré
dans un réseau de référents innovation et de 18 salles de codesign présentes
sur tout le territoire national. Il est régulièrement pollenisée par des
stagiaires, des doctorants, des membres d'associations diverses ou des
chercheurs de passage.
Gérard Zonberg a été accueilli lors d'un stage long mené
dans le cadre d'un master en sciences de l'éducation de l'Université de Rennes
en 2019. Il a eu l'occasion de filmer ce qui se passait dans des temps
pédagogiques et d'interviewer les formateurs puis de vérifier si la promesse de
déployer une pédagogie active était tenue. Ce texte est le retour d'une
présentation orale restituée à l'équipe du laboratoire.
Réduction de moyens et stimulation pour
apprendre
Tout part de la transformation
des façons de travailler des agents publics liée à une réduction de moyens dans
les collectivités territoriales. Pour les agents territoriaux dont les
collectivités fusionnent, c'est la nécessité de s'adapter dans leur mission,
d'apprendre à travailler différemment entre acteurs publics et plus souvent en
intelligence collective.
C'est une remise en question des collectivités qui attendent
autre chose que des formations basées sur une descente du savoir du maître vers
l'élève. Il s'agit de trouver des solutions sur les territoires au moment où
les problèmes se présentent. Il devient nécessaire de travailler sur la forme
des échanges et sur les méthodes pédagogiques qui construisent plus
d'engagements collaboratifs.
Le regard porté sur le
laboratoire est celui d'un tiers lieu qui permet de reproduire des espaces
informels ouverts chaleureux et de mettre en place des situations
d'apprentissages informels. La
salle est agréable équipée de moyens numériques (tableau blanc interactif,
tablettes numériques robot de télé présence, visioconférence), elle est
dotée de matériel de prototypage pour faciliter l'imagination de projets
et la matérialisation d'idées.
La salle est dédiée aux pédagogies actives.
L'observation s'intéresse aux intentions On apprend en faisant. On
s'adapte aux principes de l'andragogie avec un besoin d'utilité rapide.
Les séances s'ajustent avec les stagiaires au moment venu.
Le laboratoire d'apprentissage du CNFPT est un dispositif de
formation
Pour l'observateur un dispositif
est caractérisé par les 3 dimensions identifiées par Albero :
- Tout d'abord un dispositif possède une dimension idéelle, pétrie
d'intentions, de valeurs, de croyances.
- Ensuite il a une dimension "fonction de référence" qui rend compte de
ce qui se passe vraiment
- Pour finir il endosse une dimension vécue, empreinte de singularité et de
subjectivité.
La salle est un actant pédagogique en tant que tel, une ressource pour
enseigner et apprendre.
Les rôles praxéologiques du formateur
Dès la porte poussée, l'observation révèle des formateurs qui avaient des
comportements différents face à une salle inhabituelle : de grande taille,
équipée technologiquement, munie de mobilier sur roulettes, comprenant une
variété d'espaces et de hauteurs d'assises.
Entre le formateur qui recompose un
environnement de salle en U déjà connu, un explorateur qui tente des
expériences, un formateur perdu avec la technique, de nombreuses situations se
présentent. Mais dans la configuration proposée, le formateur n'est pas
forcément placé en figure de sachant.
La scénographie reste à composer. Dans
cet espace c’est la référence au maître
ignorant qui encourage à explorer individuellement et à s'enseigner
mutuellement. Tout se passe comme si la salle incitait le formateur à laisser
des initiatives se prendre. La salle contribue à faire bouger les corps et la
formation et réciproquement.
L'observation filmée montre que des rôles praxéologiques
émergent de la situation. Ces rôles sont ceux de détenteur de contenus,
d’animateur (centration sur les activités), de modérateur (relation), de
facilitateur (garant de la méthodologie), ou d'organisateur (gestion du temps
et matériel).
Courant de l'action située et regard d'ensemble
L'observation de séquences
actives avec des formateurs s'appuie sur le "courant de l'action
située", en partant des rôles praxéologiques (sans jugement, en action) identifiés. La mesure des
activités réalisées en salle montre le réel des formes de médiation.
- Tout d'abord, le rôle centré
sur le contenu avec des phases transmissives est bien présent, y compris dans
les formats d'animation qui se veulent participatifs. Au cours des observations
sur des journées complètes sont ainsi relevés des temps allant de 45 mn à 2h30
d'apports en plénière.
Ces temps donnent parfois lieu à » recréation d'une
salle de classe", car la configuration en îlots de la salle rend mal à
l'aise les participants qui ne savent plus positionner leur corps ni même leur
regard. Mais l'enchaînement des séquences dans cet espace équipé de
matériel et de moyens techniques entraîne des initiatives imprévues qui doivent
être régulées. En cas d'inattendu le formateur a besoin d'être solide dans sa
capacité à garder une cohérence et un cadre collectif qui préserve le sens
commun de l'expérience.
-
Le rôle d'animateur consiste alors à rythmer les séquences
initiées et clore les séquences, à réorganiser l'activité en
fonction des demandes des stagiaires, à gérer les transitions de façon
harmonieuse.
- L'espace favorise le travail en sous-groupe
et nécessite d'activer des rôles de modérateur ou super modérateur de
l'ensemble sur les prises de parole, le volume sonore, les échanges. Ce rôle
est essentiel pour éviter que certains se mettent en retrait pesant que
d'autres manipulent des tablettes ou le kit de prototypage et pour que
les apprentissages des groupes se réalisent.
- Le rôle de facilitateur est
celui de la garantie de la méthodologie. Il y a en effet un risque de perte
d'attention et d'apprentissage en cas de rôle non tenu.
- Il y a enfin un rôle d'organisateur. L'espace, sa technologie et ses
moyens de projection peuvent faire perdre leurs moyens à des formateurs et les
mettre en difficulté face aux groupes quand ils tâtonnent.
La salle accueillant des groupes de 20 à 50 participants conduit à des équipes
d'interventions. Le formateur n'est pas seul. Les rôles sont alors distribués
entre les intervenants, un seul ne porte pas tout, la distribution pédagogique
touche aussi les stagiaires qui sont mis en responsabilité sur des parties du
processus. Finalement l'observation montre des porosités dans les rôles dont le
pivot demeure celui de l'animateur
Les limites de l'observation
Les limites du travail d'observation résident dans le manque d'expérience des
formateurs dans l'appropriation de l'espace, dans les contraintes de temps
(l'équipement est national les séquences pédagogiques tiennent compte finement
des temps de transport des participants qui viennent parfois de loin).
Le
constat est que toute situation dans le laboratoire est source d'apprentissage
à la condition qu'il y ait un temps de réflexivité, ce qui n'est pas toujours
le cas. Selon l’expérience des équipes d'interagir, la typologie de rôle
se met rapidement ou non en place. L'observation est réalisée sur quelques
séquences, elle manque d'entretiens à froid approfondis avec les formateurs et
les participants pour s'assurer de ce qu'ils vivent vraiment. Elle manque
de méthodologie d'analyse des vidéos par exemple pour identifier la place des
objets dans les interactions.
Expérimentation et transformation
La contribution de la salle à des apprentissages actifs est
vérifiée. Elle est commode, agréable, car elle offre des facilités de
mouvement des dégagements et des recoins privatifs. Elle donne l'idée que
l'espace peut être modulé. La phase de réflexivité en fin d’apprentissage manque
souvent.
L'expression des différents rôles praxéologiques des
intervenants est informelle et s'ajuste en temps réel. Il y a parfois des
difficultés des participants de comprendre le sens de la consigne et la
compréhension de leurs besoins d’éclaircissements par les intervenants
dans un environnement quelque peu mouvant. Les outils numériques disponibles
sont finalement peu utilisés dans leur potentiel interactif.
Pour conclure, il y a 3 types de pédagogie selon Albero:
-
Transmission
- Entraînement
- Développement
Ces trois approches sont également présentes dans les pratiques. Mais en plus,
le laboratoire d'apprentissage apparaît comme un outil de transformation du
formé et de l'apprendre. Le laboratoire permet de réapprendre des façons
d'apprendre. Des effets des pratiques sont embarqués dans les autres espaces
extérieurs même moins bien équipés ou conçus par les formateurs qui ont eu
le loisir d'expérimenter et de modéliser de nouveaux comportements et
déplacement. En tout cas c'est ce qu'affirment les formateurs qui sortent de
cette expérience.
Sources
Yellow https://www.getyellow.io/
Le maître ignorant Ranciere https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2005-1-page-81.htm
Albero https://www.cairn.info/revue-francaise-de-pedagogie-2013-3-page-105.htm
CNFPT http://www.cnfpt.fr/
Blog Educ Pro qui sont les 1/3 lieux ?
http://blog.educpros.fr/jean-charles-cailliez/2018/10/15/qui-sont-les-tiers-lieux-comment-peut-on-innover-avec-eux/
Courant de l'action située https://journals.openedition.org/activites/1237
Laboratoire d’apprentissage du CNFPT
http://www.cnfpt.fr/se-former/former-vos-agents/etre-accompagne-ses-projets/linnovation-publique-collaborative/national
Zonberg, G (2019), "La formatrice ou le formateur et le learning lab dans toutes leurs dimensions". Mémoire de Master 2 Université de Rennes
Voir plus d'articles de cet auteur