Dissonances
Dissonance
est un ensemble de chambre qui se passe de chef d’orchestre. Il n’y a pas de
chef d’orchestre mais ce sont les musiciens qui s’accordent sur des partitions
pour donner une couleur à l’œuvre. La métaphore ressassée du chef d’orchestre-leader
prend l’eau avec une vision si horizontale de la compréhension d’une symphonie.
Le génial porteur de la vision en cède un peu au clarinettiste, violoniste ou
saxophoniste qui assume un leadership tournant. Ce que nous dit cette métaphore
musicale, c’est que si coopérer est affaire de synchronisation, les façons de
créer une ambiance collective change.
Sur les territoires il est possible de
discerner trois niveaux de coopération au sens de Desjeux (2004). Les exemples
à suivre illustrent 3 façons de coopérer pour les individus (micro-social), les
organisations (méso-social) et les territoires (macro-social).
Le niveau micro
l’Institut des territoires – Anne Beauregard
La coopération est à la mode, mais
attention à l’injonction à la coopération, et au vocabulaire en vogue holacratie ou sociocratie. On mutualise des
compétences, des savoirs faire, mais c’est différent de la coopération. La
mutualisation ne développe pas forcément la coopération entre les personnes.
L’exemple de l’Institut du territoire est initié par un
couple, un homme-une femme premier maillon de la coopération. Anne Beauregard l’une
des cofondatrices de l’institut définit la coopération comme « être coopérateur
d’une œuvre commune ».
Cela passe par partager le stylo pour écrire un
projet. De manière centrale la vision générale est commune mais l’objectif
singulier n’est pas forcément commun. On peut coconstruire si on partage les
objectifs, mais l’œuvre commune dépasse les objectifs de chacun. Le processus de
la coopération est implicite, il se produit « entre les plis ». La
coopération entre personnes est première à la mutualisation. C’est quelque
chose de joyeux.
Dans l’idée de « l’observatoire
de l’implicite » que développe l’Institut du territoire, il s’agit de
sortir de sa zone de confort pour coopérer au-delà d’un temps de formation
créatif. Il s’agit de se mettre en chemin, au sens propre du terme, de digérer
puis de réutiliser les nouvelles approches coopératives découvertes par les pérégrinations.
Le cheminement de personnes différentes
intègre la pensée complexe d’Edgard
Morin :
« en mélangeant on crée du système on prend en compte le
complexe (complexus), ce qui est tissé ensemble ».
La coopération est
l’expression sociale de la complexité. On ne peut plus faire l’économie de
faire des liens. Ce sont des singularités qui s’expriment dans le collectif qui
est toujours inscrit dans un territoire matrice de l’action. Le territoire est
multidimensionnel c’est un milieu. L’Institut des territoires coopératifs
cherche à mailler le « je » le « nous » et le « dans »
pour comprendre l’implicite de la coopération sur les territoires.
En
traversant un territoire en équipe, il s’agit de réhabiliter des temps longs, d’aller
à la rencontre de ceux qui savent : « c’est celui qui fait qui sait ».
Si on ne prend pas le temps on est incapable de repérer l’implicite de la
coopération. Il faut repérer l’implicite de la personne, du collectif et du
territoire qui se crée avec lenteur. Il faut identifier les récursions pour
comprendre ce qui nous échappe.
La récursion c’est la boucle génératrice et
régénératrice. Comprendre les boucles c’est toucher la compréhension humaine ce
que vit autrui dans une situation, identifier les signaux faibles
compréhensions intellectuelles et humaines. Les fondateurs de l’Institut des
territoires se vivent comme des praticiens chercheurs partant s’appuyant sur une
approche phénoménologique, en entrant en coopération avec les personnes. Ils se
positionnent comme chercheurs qui aident les personnes à s’auto-observer elles-mêmes.
L’itinérance se fait à pied et rend disponible à l’écoute des personnes
rencontrées à l’occasion de traversées de territoires de 300 à 400 kilomètres.
Ce temps de rencontre avec des habitants permet d’observer ses implicites de
coopération. L’itinérance est une expérience fort différente d’une prestation
de diagnostic ou de conseil. Il n’y a pas de rapport d’itinérance mais corédaction
avec les participants.
C’est une logique de recherche action. L’itinérance aide
à passer de la vision d’un administré à la rencontre d’habitants. En résumé la
maturité coopérative ne se prescrit pas mais se vit. L’apprentissage se fait
sur un chemin.
Caminante, no hay camino
(Toi qui marche, il n'existe pas de chemin).
Antonio
Machado
Le niveau méso
Liberty living lab – Thomas Cottinet
Pour Thomas Cottinet du Liberty Living Lab, la coopération
c’est un écosystème et il s’agit de la seule voie pour relever les défis de
société et de politique publique avec un esprit entrepreneurial. Le Liberty
Living Lab est un espace d’invention de nouvelles façons de concevoir des
projets. Toute l’idée est de mélanger des thématiques, des publics, des
disciplines, des méthodes, des énergies etc. au service du bien commun
- Réflexion technologique : Learn and joy –
civic techs open source politics – open data
- tech
for good (Entrepreneuriat technologie d’intérêt général).
- Coopération : académique – corporate et
acteurs publics – principe d’hybridation et fertilisation croisée de centre
d’intérêts.
- Recours au design, à la technologie et aux
sciences humaines. La façon de faire vivre l’expérience est déterminante, elle
nécessite de la préparation soigneuse.
- Réflexion technologique : Learn and joy – civic techs open source politics – open data - tech for good (Entrepreneuriat technologie d’intérêt général).
- Coopération : académique – corporate et acteurs publics – principe d’hybridation et fertilisation croisée de centre d’intérêts.
- Recours au design, à la technologie et aux sciences humaines. La façon de faire vivre l’expérience est déterminante, elle nécessite de la préparation soigneuse.
Le Liberty Living Lab crée et accueille
une effervescence d’ateliers de transformation. Le Living lab est un terrain
d’expérimentation. Il offre des moments d’apprendre à faire de la politique et
du management autrement. Il promeut des méthodes permettant d’accélérer la
coopération. Il s’inscrit dans une dynamique et un label « entreprise à mission ».
Les entreprises à mission
répondent à une triple pression
- Les lois et attentes des collectivités,
- Les attentes très fortes des consommateurs vers
plus d’intérêt général
- Les entreprises qui peinent à fidéliser leurs talents
et attendent plus d’intérêt général
Le coopératif déborde du monde
public avec les AMAP, l’habitat associatif et une démultiplication
d’initiatives privées. Ces nouveaux entrants esquivent les marchés publics et
la commande publique et les logiques politiques pour répondre à des enjeux
sociétaux non satisfaits.
L’idée est de faire émerger de nouveaux services sur
les territoires et parfois d’aider à la production de « collectivités
plateformes ». Le travail de coconstruction avec les cadres et les
habitants secoue les habitudes de la commande publique et la règle qui veut que
l’on commande par avance et dans le détail la prestation à réaliser.
Le niveau macro
DG Ville de Mulhouse Jean-Luc Imbert
Le niveau macro est celui du
territoire. C’est un espace de légitimité politique ou se nouent et se dénouent
les grands enjeux sociaux économiques et environnementaux. L’exemple de la
redynamisation des friches industrielles de Mulhouse, une ville de 300 000
habitants proche de la frontière suisse et Allemagne très dynamique, très
stimulée par ses voisins, montre la dynamique de coopération au niveau macro.
Jean
Luc Imbert en est le Directeur Général des Services (DGS), pour lui le métier
de DGS évolue de la fonction de gestionnaire à celle de développeur. Il sera
amené à représenter le sens de l’action. Au niveau macro la coopération se
produit entre les institutions. La coopération entre les institutions c’est être
capable de se mettre d’accord entre communes (ici toutes les communes en
proximité des friches industrielles) dans des collectivités, procédures
contractuelles, stratégies qui doivent concilier les intérêts.
La mutualisation est un aspect
facilitateur de la coopération. Elle consiste à un partage de méthodes de
travail pour créer du consensus autour de politiques publiques. Le moteur de la
coopération c’est la qualité de la relation de l’individu avant même la tenue
de sa fonction. On met du co partout et cela facilite les choses, coworking,
colunching etc. mais la relation à l’autre prime.
Dans l’exemple de la rénovation
des friches industrielles de la ville de Mulhouse l’enjeu c’est le maintient d’une
population industrielle dans le bassin d’emploi, soit 6 000 salariés dans les
années 70 à 76 salariés fin 2000 puis 3000 attendus en 2020. Cette reprise d’emploi
s’est produite par l’engagement de 5 entrepreneurs locaux qui se sont emparés
de la 4eme révolution numérique et se sont efforcés de créer une dynamique
entrepreneuriale.
Les acteurs publics locaux soutiennent la dynamique par la création
d’un écosystème d’acteurs, par exemple l’accueil d’une école
42 destinée à fournir des développeurs performants. L’investissement public
favorise la coopération mais celui-ci est aussi discuté au sein d’un comité de
pilotage du projet intégrant les chefs d’entreprises, président d’université,
élus et cadres territoriaux avec de l’envie partagée de donner une nouvelle vie
à un site
En parallèle la ville a créé un
service de la participation citoyenne avec 8 agents pour associer les citoyens
pour traiter des aménagements de la ville à la place de conseil de quartier.
Les collaborateurs vont sur site et demandent l’avis des habitants « comment
avez-vous envie de vous sentir dans cet espace public ? ».
L’idée est
d’aller à la rencontre des gens et de collecter de souhaits et d’idées. La
réponse permet d’éviter les lacunes d’une société du zapping ou l’on passe d’un
sujet à l’autre. L’expérience de l’aménagement de Mulhouse c’est qu’il est
possible de trouver des solutions en coconstruisant mais on ne connait pas par
avance là où on va aller. C’est en coopérant que l’effet boule de neige se
crée. C’est en copilotant que les effets se produisent. La logique échappe au
déterminisme. Le stade final est inconnu par avance.
Pour réussir à coopérer, il faut
résister au poids des habitudes, savoir remettre en question le pouvoir et
accueillir d’autres avis. Il faut aussi réussir à modéliser de nouvelles
pratiques.
Sources
Intercoop https://instercoop.fr/
Dissonances https://www.telerama.fr/musique/sans-chef-et-sans-reproches-des-dissonances-a-l-unisson,138582.php
Liberty living lab https://www.liberte.paris/
Observatoire de l’implicite https://instercoop.fr/presentation-de-lobservatoire-de-limplicite/
Wikipédia Living lab https://fr.wikipedia.org/wiki/Living_lab
Toupie – Dictionnaire - Holocratie http://www.toupie.org/Dictionnaire/Holacratie.htm
Sociocratie http://www.sociocratie.net/
Wikipédia – Edgard Morin https://fr.wikipedia.org/wiki/Edgar_Morin
Entreprises à mission - https://www.entreprisesamission.com/
CEREMA Collectivité plateforme https://smart-city.cerema.fr/comprendre-smart-city/formes-contractuelles-smart-city
Ecole 42 https://www.42.fr/42-lance-42-network-son-reseau-international-de-20-campus-partenaires/
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