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Publié le 13 janvier 2020 Mis à jour le 13 janvier 2020

Obstacles non pédagogiques au succès scolaire et au goût de l'effort

L’enseignement évolue avec son époque, mais des facteurs peuvent perturber une évolution positive, lesquels ?

En quelques décennies, l’école a bien changé. Il est normal que l’enseignement évolue avec son époque, mais des facteurs bloquants peuvent intervenir et perturber une évolution positive, lesquels ?

Objectivons la situation sous le prisme des résultats...

1- PISA

Dans chaque évaluation PISA, les lacunes de l’enseignement des pays  apparaissent. On y constate que la France et la Belgique francophone sont les pays ou régions qui ont un système qui affiche le plus d’inégalités.

Par exemple pour la France :

« Mais c’est le pays où les inégalités sont les plus fortes avec une différence de 107 points entre les élèves issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un milieu défavorisé. Cette différence est nettement supérieure à celle observée en moyenne dans les pays de l’OCDE (89 points) ». [1]

On remarque un glissement du nombre d’élèves dans la moyenne vers ce que cette infographie appelle « élèves dans les bas  niveaux ». En France, entre 2000 et 2018, cette part est passée de 15,2% à 20,9%, ce qui est catastrophique !

[2]

C’est pourtant dans ces pays que le discours politique se veut le plus égalitaire et que différentes mesures ont été prises afin de réduire les inégalités.

2- Le redoublement

Des études, telles que "Le redoublement est inefficace, socialement injuste, et favorise le décrochage scolaire" [3], tendent à montrer l’inefficacité du redoublement :

« La plupart de ces études sont de bonne qualité méthodologique et observent soit une absence de bénéfice du redoublement, soit des effets négatifs. L'année redoublée semble bien une année inutile. En conclusion, les implications pratiques des résultats passés en revue sont discutées, notamment la nécessité de promouvoir d'autres façons d'aider les élèves en difficulté.»

Les pouvoirs politiques ayant la responsabilité de l’enseignement obligatoire ont donc mis en place des règles afin de réduire le redoublement.

En France, le redoublement a été quasi interdit en 2014. Interdire le redoublement a t'il du sens si cela se produit uniquement parce que les règles ont été changées sans que le niveau d’apprentissage des apprenants ne se soit amélioré, à l’évidence, non !

En Fédération Wallonie Bruxelles, le taux de redoublants a continué à croître :

[4]

Les facteurs à analyser

Trouver l’origine ou les causes de cette situation semble impossible tant les études et recherches ont été menées afin d’y arriver. Certains facteurs semblent toutefois n’avoir été que marginalement envisagés. En voici quelques-uns qui peuvent valoir la peine d’être approfondis :

  • Le redoublement coûte cher

Les budgets des états sont sous tension [5]. Toute source d’économie est donc la bienvenue. Comme il est établi que le coût d’une année scolaire d’un élève est proche de 8.000€. Le redoublement dans l’enseignement obligatoire de plein exercice engendre chaque année en communauté française de Belgique un surcoût de près de 400 millions d’euros [6].

Les mesures anti-redoublement sont-elles de simples mesures budgétaires ou des actions mises en place afin d’améliorer les apprentissages ? Vu les résultats obtenus par les élèves lors des évaluations PISA, il semble que la seconde possibilité, si elle était celle privilégiée, n’a pas atteint ses objectifs.

  • Le prof, un maillon faible ?

Enseignant n’est plus un métier aussi respecté qu’il ne l’a été et qu’il devrait être.

Des contraintes pédagogiques mais aussi administratives sont apparues au fil des ans. Ces contraintes et le respect de celles-ci ont fragilisé l’enseignant qui peut être pris en défaut pour une raison ou pour une autre. Certaines règles étant peu claires ou  même contradictoires avec d’autres.

Cette surabondance engendre des effets pervers :

  • Elles créent un conformisme de fait où les nouveaux enseignants craignent de se mettre dans une situation hors du champ. Par conséquent, ils agissent par mimétisme. De ce fait, peu d’initiatives peuvent apparaître.
  • Elles permettent de cibler individuellement, dans des processus de harcèlement, des membres du corps enseignant car, en cherchant, il est toujours possible de trouver matière à redire.

Le prof est aussi devenu le suspect habituel. En cas de situation à problème, il est montré du doigt comme principal responsable.

  • Le système hiérarchique

En théorie, être enseignant est une carrière plane sans, ou presque, possibilités de promotion. Les seuls postes accessibles sont souvent les fonctions de direction ou de sous-direction d’une école.

Les directeurs ont aussi de nombreuses obligations administratives. Par contre, pour ce qui concerne les aspects pédagogiques ils ne sont soumis à aucune obligation de résultat mais à une simple obligation de moyens.

Il est donc logique qu’ils se concentrent sur ce qui peut les faire prendre en défaut, l’administratif, au détriment du pédagogique.

L’absence d’obligation de résultats peut aussi engendrer des situations problématiques avec un fonctionnement de type baronnie : le directeur se créant une cour parmi les enseignants qui bénéficieront d’attributions ou d’horaires plus favorables sans que rien d’autre que ce système ne le justifie.

  • Le principe de Peter

Se pose aussi la question de la compétence de la direction d'une école et du maintien des directeurs ayant montré des lacunes. Aucune raison logique n’empêche le principe de Peter de s’appliquer à leur fonction. Pour rappel, voici ce que dit ce principe :

"Principe de Peter : Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’ incompétence.
Corollaire : Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d’en assumer la responsabilité."
[7]

Le directeur incompétent restera donc en place ... jusqu’à l’âge de la retraite !

  • Les procédures

Des élèves, des organisations, les représentants ou les parents ont bien compris que l’enseignant était devenu vulnérable. La logique de la possibilité de recourir à une décision d’un jury ou d’un conseil de classe n’est pas à remettre en cause. Néanmoins, le législateur semble avoir omis d’empêcher l’usage abusif des recours.

L’espoir de gain est donc infini puisque soit le recours échoue et son auteur ne perd rien, soit le recours rencontre le succès et l’auteur gagne. Pour rappel, seule une faible minorité des recours, moins de 1/10, a débouché sur une changement des résultats

"Pour l’année scolaire 2017-2018, 1501 recours externes ont été introduits contre les décisions des conseils de classe dans l’enseignement secondaire ordinaire. En 5 ans, ces recours ont augmenté de 20%. Un dossier sur 5 a été jugé non recevable et moins d’un sur 10 a donné lieu à un changement de résultats." [8]

Par ailleurs, la plupart des enseignants et des directeurs veulent éviter les recours qui sont pourtant en constante augmentation. Ce phénomène d’auto-protection tend à encourager les enseignants à mettre des notes surfaites afin de ne pas s’exposer.

  • La pression sociale

Une classe est un groupe social complexe. En général, la distribution des notes suit une courbe de Gauss et une distribution normale avec un nombre plus élevé d’élèves dans la moyenne et des nombres de plus en plus réduits d’apprenants quand on se rapproche des notes extrêmes. Quand on s'en éloigne, il est facile de montrer du doigt l'évaluateur. C'est une opportunité pour certains adopter des comportements de sabotage.

Autrefois, le premier de classe était un exemple à suivre, aujourd’hui, c’est devenu pour certains de ses condisciples une cible de choix. Il est devenu plus intéressant de vouloir tirer vers le bas les meilleurs afin de réduire le niveau d’exigence général.

En conséquence, dans certaines classes ou école, les élèves qui ont de bons résultats se font insulter « Lèche bottes », « intello », … les élèves qui apprennent bien et ont simplement un comportement que l’on est en droit d’attendre.

Le dernier test PISA a d'ailleurs inclus des questions sur le bien-être à l'école, il en ressort que :

"On découvre que moins d’un élève japonais sur dix souffre de harcèlement, alors qu’en France 20 % des élèves et 25% au Canada" [9]

Un contexte à considérer

Les résultats déficitaires qui apparaissent dans les tests internationaux peuvent en partie être dus à des causes systémiques et organisationnelles plutôt qu’à des origines pédagogiques. Cela mériterait d’être étudié de façon plus approfondie.


Références

[1] https://information.tv5monde.com/info/etude-pisa-quels-sont-les-resultats-des-pays-francophones-335343

[2] https://www.education.gouv.fr/cid54176/pisa-2015-l-evolution-des-acquis-des-eleves-de-15-ans-en-comprehension-de-l-ecrit-et-en-culture-mathematique.html

[3] http://www.aspe.ulg.ac.be/Files/cahiers_aspe_redoublement.pdf

[4] http://www.directionrecherche.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&g=0&hash=295b2a1d544e64e79cf11544e197cc0633481b21&file=fileadmin/sites/sr/upload/sr_super_editor/sr_editor/documents/statistiques/CC2018_web.pdf

[5] https://plus.lesoir.be/231188/article/2019-06-18/la-dette-de-la-communaute-francaise-est-en-train-dexploser

[6] Indicateurs de l'enseignement en Fédération Wallonie Bruxelles en 2015

[7] https://espaces-numeriques.org/wp-content/uploads/2019/01/l36p41.pdf

[8] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_enseignement-tout-savoir-sur-les-recours-contre-les-decisions-des-conseils-de-classe?id=10252497

[9] https://information.tv5monde.com/info/etude-pisa-quels-sont-les-resultats-des-pays-francophones-335343


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