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Publié le 13 janvier 2020 Mis à jour le 13 janvier 2020

Persévérance : éviter le décrochage scolaire

Prendre en compte l'individu, travailler en réseau et accompagner un projet

Le décrochage scolaire apparaît comme un énorme gâchis. Il est parfois perçu comme une fatalité. On se résigne à cette idée que des enfants ne sont pas « faits pour l’école ». D’autres le voient comme un gage de qualité : un examen ou un parcours où tous réussissent est suspect. Mais les pouvoirs publics prennent conscience du coût de ces décrochages qui pénalisent lourdement l’accès à l’emploi. Le poids financier est le plus visible. Il accompagne souvent un coût humain, lié à la perte d’image de soi, de confiance en soi et en les autres.

Les acteurs de l’éducation font de la lutte contre le décrochage une priorité. En France, un rapport a été rédigé sous la direction de Anne Armand, Inspectrice générale de l’éducation nationale. De son côté, le Fonds social européen finance des expériences de prévention innovantes.

Quelles que soient les réponses pédagogiques et éducatives, elles prennent en compte l’élève et son histoire, son projet, et son environnement social et familial.

L’élève, son histoire et son parcours

un processus long, et des événements déclencheurs


Il y a autant d’histoires de décrochage que de personnes concernées. Le décrochage est un processus long, qui se nourrit de facteurs externes (situation sociale, éloignement géographique, environnement humain) et internes.

Pour autant, les récits des jeunes font souvent état d’événements déclencheurs. Anne Armand insiste sur le fait que l’école produit elle-même du décrochage. Ainsi, l’orientation est souvent conjuguée à la voix passive : « j’ai été orientée ». Elle est vécue comme un choix fait par d’autres que l’on subit. Elle cite également le décrochage cognitif, le climat de la classe et les situations de harcèlement.

Quand l’école contribue au décrochage


L’inspectrice donne quelques exemples qui peuvent effriter l'assiduité des élèves :

  • L’enseignement est centré autour de programmes. Il faut terminer le programme, voire être en avance sur le programme. Les enseignants sont pris dans une course qu’ils finissent quasiment seuls, et parfois fiers lorsqu’ils ont commencé à aborder les notions de l’année suivante. Cette tension pour gagner ou rattraper du temps ne permet pas de s’arrêter en équipe pédagogique autour d’un élève qui perd pied. Pas question cependant de porter un discours culpabilisant pour les enseignants.

  • Elle insiste aussi sur l’importance des notes et sur la façon dont elles sont communiquées. Que les copies soient rendues par ordre de notes ou par ordre alphabétique ou même de façon aléatoire, les commentaires et la note sont souvent donnés oralement, face à l’ensemble du groupe. Anne Armand observe que dans certains pays, l'évaluation  est rendue en face à face, dans le bureau de l’enseignant. L’élève choisit ensuite la manière dont il souhaite communiquer son résultat au groupe, il en fait son histoire.

  • Anne Armand évoque également l’exclusion de la classe. Elle est souvent la solution de secours lorsque le comportement d’un élève empêche le fonctionnement de tout un groupe. Elle invite à donner du sens à l’isolement forcé. L’élève exclu de la classe est encore un élève, et c’est de la responsabilité de l’établissement qu’il puisse apprendre alors qu’il n’est pas avec les autres... Elle suggère des travaux de recherche, des préparations d’exposés, qui peuvent convenir dans certaines disciplines.

Énergie jeunes, ouvrir l’école pour lutter contre le décrochage


Des structures indépendantes, orientées vers le monde de l’entreprise proposent des actions pour redynamiser les élèves. Parmi elles, Énergie Jeunes s’appuie sur de nombreux bénévoles, une intervention calibrée à partir de supports, de vidéos et d’histoires inspirantes.

Le constat de cette association est que les inégalités s’accroissent pendant la scolarité.  Alors que seuls 4 % des enfants de cadres ou d’enseignants quittent le système scolaire sans le baccalauréat, ils sont 54 % parmi ceux dont les parents sont inactifs.  Elle prend le parti d’aller à l’encontre des discours fatalistes et déterministes, que les jeunes ont tôt fait d’intérioriser (« ce n’est pas fait pour moi »). Elle invite au contraire chaque enfant à découvrir la richesse et le potentiel qu’il a en lui. 

L’équilibre est délicat. À trop dire aux élèves que les cartes sont entre leurs mains, on culpabilise les échecs. À trop insister sur les déterminismes sociaux, on limite l’audace et l’engagement. Et si les témoignages de personnes qui ont réussi sont parfois stimulants, ils peuvent dériver dans un paternalisme stérile si personne n’y prend garde !



Pour que ces interventions soient les plus utiles possible et évitent les écueils cités précédemment, l’association communique sur sa méthodologie. Elle forme ses intervenants, formalise sa méthodologie, multiplie les partenariats et étudie régulièrement l’impact de ses actions.

Une réponse collective


Anne Armand insiste sur la nécessité d’une réponse collective. La lutte contre le décrochage n’est pas la seule responsabilité d’un conseiller d’éducation, ou le combat d’un professeur sympathique et isolé. Tous les acteurs de l’environnement éducatif doivent contribuer et agir en cohérence.



Elle donne l’exemple de la rencontre avec les parents, qui sont souvent convoqués quand la situation est grave. Ce sont alors « deux souffrances qui se rencontrent trop tard », et qui se renvoient la responsabilité du manque de réactivité et de communication.

Daniel Pennac a témoigné sur son passé d’écolier dans son ouvrage « Chagrin d’école ». Il exprime le fait que le décrochage est à la fois lié à la peur, peur de l’élève, des parents, des professeurs, et également au sentiment de solitude qui touche chacun de ces acteurs. « Les enfants portent leur famille dans leur sac à dos », nous dit-il à propos d’une fille qui exprimait en sanglotant qu’elle avait douze ans et demi et qu’elle n’avait encore rien fait...

Il propose d’organiser des projets communs où chacun se retrouve, et où tout le monde est impliqué.

Un site sur la persévérance scolaire : des ressources, et de nombreuses expériences


Le portail de la persévérance scolaire apporte de nombreux témoignages et ressources sur des actions concrètes autour de la lutte contre le décrochage.

Citons par exemple le dispositif Relais et socialisation des apprentissages. Le projet vise la re-socialisation, la confiance en soi, l’image de soi et des enseignants, l’apprentissage de la coopération, la communication avec les familles. Il travaille également sur la re-scolarisation à travers des actions de remédiation et de consolidation des bases, et enfin, il accompagne le projet et l’orientation.

La démarche s’appuie sur un engagement des parents, des collectivités territoriales, de la protection judiciaire de la jeunesse, etc.

De nombreuses autres expériences peuvent inspirer les établissements. Parmi ceux-ci, arrêtons-nous sur Tommy et ses mini-mécanos du collège Marie-Noël de Joigny, en Bourgogne.

Il part d’une sélection de 8 adolescents de 14-15 ans environ, auxquels ils proposent un atelier « réparation de vélos » d’une semaine. Le projet mobilise plusieurs enseignants et un acteur extérieur, spécialiste du vélo. Pendant une semaine, ils vont apprendre toute une série de techniques et de méthodes, en lien avec la réparation et la maintenance, mais aussi la vidéo, la communication, le travail en équipe. Cette semaine permet aux jeunes de développer une autre vision d’eux-mêmes, un autre rapport aux enseignants et un sentiment de compétence. Les enseignants les redécouvrent aussi dans ce nouveau contexte.

Un regret malgré tout exprimé par l’unique fille parmi les huit : la faible mixité du groupe.


Prise en compte des individus, de leur vécu, de leurs perceptions, travail avec l’environnement, les équipes pédagogiques et les parents, définition d’un projet... Ces ingrédients se retrouvent dans chacun des projets proposés. Ils nécessitent du temps, de la volonté, de l’investissement et du soutien. Les sites comme perscol en Bourgogne contribuent à la valorisation des initiatives de groupes d’enseignants ou d’établissements.

Illustrations : Frédéric Duriez

Ressources

Anne Armand  et Philippe Lgermet (coordination): Agir contre le décrochage scolaire, alliance éducative et stratégie éducative repensées. juin 2013  - Ministère de l'éducation nationale - France
https://www.education.gouv.fr/cid74730/agir-contre-le-decrochage-scolaire-alliance-educative-et-approche-pedagogique-repensee.html


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