Publié le 16 décembre 2019 Mis à jour le 16 décembre 2019
«Faire du sport» : la résolution que l'on prend chaque année et que peu de nous tiennent. Comment se motiver et apprécier en continu le fruit de nos efforts ? Les objets connectés nous apportent des réponses. Ils suivent nos pulsations, calculent notre masse en os ou en graisse, apprécient l'évolution de notre poids, comptent nos pas, affichent les calories brûlées et prodiguent conseils et encouragements...
Mais toutes ces promesses ont leur revers, comme en témoigne le héros de notre histoire !
Les montres connectées sont un marché très convoité, qui met en oeuvre des stratégies marketing concurrentielles. Apple est le leader du marché, avec 50% des ventes en 2018, mais Fitbit arrive second et connait une croissance rapide, suivi par Samsung et Garmin.
Catastrophe, ma balance connectée, pardon, mon impédancemètre vire au rouge... Rien ne lui échappe, ni mon poids, ni mon équilibre sur mes deux pieds, ni ma masse graisseuse. Et comme elle connaît l'évolution de ces différents paramètres, elle me met en garde. Il faut se ressaisir ! Et justement, les fêtes arrivent, et parmi les idées de cadeaux qui se déversent chaque jour dans ma boîte mail, les montres connectées tiennent une bonne place. Serait-ce la solution ? Je tente !
Connectée à une application, ma nouvelle montre est un véritable coach sportif. Elle connait tout de mes progrès, de ma tonicité, de mes évolutions. Elle peut me conseiller au mieux. Elle va même jusqu'à surveiller la qualité de mon sommeil pour m'en faire un compte-rendu au réveil . Et pourtant, beaucoup de montres terminent dans des tiroirs à côté des podomètres, des tamagochis et
autres gadgets qui nous ont tant fait envie... et nous paraissent inutiles
après quelques semaines d'usage.
Vais-je tenir plus de quelques semaines ?
On regarde l'heure des dizaines de fois dans la journée, on consulte son portable des centaines de fois... Alors s'impatientent les fabricants de montres connectées, comment faire pour que les propriétaires de ces objets vérifient leur pouls trente fois par jour et les kilomètres qu'ils ont parcouru dès qu'ils font dix pas ? L'espoir repose dans les techniques de ludification, que l'on prononce "gamification" si on fait du marketing.
Ma montre me renseigne sur mes exploits, mais elle me fait aussi savoir quand je suis légèrement en dessous de mes performances. Elle m'encourage à faire la petite centaine de mètres supplémentaires pour être dans les moyennes que je me suis fixé. Parfois, j'aimerais protester comme je le ferais avec un vrai coach : il pleut, j'ai eu une rude journée, mon sac est lourd. Mais ma montre est sourde à toutes les justifications.
Je développe progressivement un sentiment de maîtrise, de connaissance de moi, mais également le sentiment diffus d'être surveillé en continu et, graduellement, le plaisir de la marche laisse la place au devoir de brûler des calories. La motivation s'estompe. La marche représente un moment avec moi-même, propre à une flânerie mentale voire à la méditation. Si un souci de performance vient se superposer et si des motivations extrinsèques viennent prendre le relais, le piéton que je suis depuis des années est tenté d'abandonner !
Le marché des montres connectées pèse plus de 20 milliards de dollars. Pas question de laisser les consommateurs abandonner ces nouveaux réflexes d'auto-contrôle. L'engagement peut être stimulé par un groupe d'appartenance. L'application a repéré plusieurs personnes qui utilisent le même système et qui font partie de mes réseaux plus ou moins éloignés.
Les données et les résultats sont en partie partagés. Nous découvrons qui sont les plus performant.e.s et celles et ceux qui progressent le plus rapidement. Un relâchement se sait rapidement et nous nous félicitions entre nous de nos avancées. Certains de mes amis ne me demandent plus "comment ça va ?" quand ils me croisent. Ils le savent déjà. Ils commentent mon dynamisme comme s'ils étaient devenus expert de ma santé !
Nous le répétons, le marché des montres connectées est soumis à de gros appétits. Fitbit a été racheté en novembre 2019 pour 2,1 milliards de dollars par Google, avec toutes les inquiétudes que cela peut faire planer sur la confidentialité des données. Facebook était d'ailleurs aussi sur les rangs pour racheter cette entreprise.
Si cela inquiète, c'est que ces montres collectent des informations sensibles sur notre dynamisme et notre état de santé. Les informations, que nous acceptons librement de communiquer à des entreprises et à leurs partenaires, sont une vraie richesse; plus encore que les sommes qu'il faut payer pour acheter ces biens jolis objets !
Illustrations : Frédéric Duriez
Ressources
Marine Protais - l'ADN - Google rachète Fitbit - Pourquoi les GAFA veulent à tout prix nous soigner ? - publié le 4 novembre 2019 - consulté le 14 décembre 2019
https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/data-big-et-smart/google-rachete-fitbit-pourquoi-gafa-nous-soignent/
Wired - Robbie Gonzales - Science says fitness trackers don't work - wear one anyway - publié le 25 décembre 2017, consulté le 14 décembre 2019
https://www.wired.com/story/science-says-fitness-trackers-dont-work-wear-one-anyway
Matt.O sur Towardsdatascience.com The Gamification of Fitbit - 10 novembre 2018, consulté le 14 décembre 2019
https://towardsdatascience.com/the-gamification-of-fitbit-how-an-api-provided-the-next-level-of-training-eaf7b267af00
Vikram Biyani (NetApp Inc.)Gregory Corrado (Google Inc.)Stacie Hibino (Samsung)Damian Tompkin (Yahoo Inc.)Chris Wayne (Yahoo Inc.)
The Coming Gamification of Fitness publié le 12 avril 2015, consulté le 14 décembre 2019
https://ikhlaqsidhu.files.wordpress.com/2015/08/fitness-gamification-paper.pdf
Les sites des principaux acteurs :
Apple : https://www.apple.com/fr/watch/
Garmin : https://www.garmin.com/fr-FR/
Fitbit : https://www.fitbit.com/fr/home
Applications Fitbit : https://www.fitbit.com/fr/app
Samsung : https://www.samsung.com/fr/wearables/
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