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Publié le 08 décembre 2019 Mis à jour le 08 décembre 2019

Repenser la littérature jeunesse avec l'évolution des pratiques et des possibilités

Comment passer du monde des catégories à celui des compétences ?

Image Pixabay

Des enfants différents

Il y a une dizaine d’année, j’ai eu 2 enfants complètement différents. L’une est née avec une surdité aléatoire et l’autre est haut potentiel et dyslexique. Aujourd’hui les deux lisent pour le grand bonheur de l’une et la grande difficulté de l’autre. Nous approchons Noël et des cadeaux, dont le choix de l’achat de livres.

Ma fille dévore les livres. Elle peut lire un gros pavé en deux jours. Elle est centrée sur l’amour, l’aventure, les univers… le midi, elle réserve des DVDs genre “Titanic” à la bibliothèque de son école qu’elle regarde par tranches un peu tous les jours avec une copine.

Mon fils lui a le cerveau qui va à 100 à l’heure, mais une capacité de lire pour l’instant de l’ordre de la tortue. Alors, après avoir écumé les documentaires TV et sur Youtube de pourquoi les ponts peuvent s’effondrer avec des vibrations à comment fabriquer du goudron en passant par les molécules, il s’est enfin mis à lire des Mangas.

Pas d‘ouvrages stimulants

Ce n’est pas parce qu’il n’avait pas envie de lire, au contraire. Mais, les ouvrages de vulgarisation sur les technologies sont rares surtout quand on a un niveau de lecture de débutant. Au début, les livres d’images étaient suffisants, mais très vite, tout est devenu trop simple. Il n’y a pas longtemps nous sommes allés à deux chercher des livres en bibliothèque.

On n’a rien trouvé d’intéressant pour lui, à part un livre créé par un youtubeur.

Déjà une première chose. Dans cette bibliothèque comme dans bien d’autres, les livres sont classés par âges. Mais, est-ce réellement pertinent ? Si on exclut les sujets touchants à la violence et au sexe, il n'y a pas grand dommage pour un enfant d'avoir un livre dans les mains.

Finalement est-ce grave d’emprunter un livre qui est hors de sa classe d’âge ? Le risque principal est l’ennui quand le niveau est trop bas et la non compréhension d’un sujet si le niveau est trop haut. Et, c’est une façon d’évaluer son niveau réel par l’erreur ou le renforcement dans le fait de faire des choix justes.

Passer des catégories aux compétences

Notre monde est en bonne part structuré par catégories, comme on trierait des billes. Par tranches d’âges par exemple ou par typologie de sujet, voire par niveau scolaire pour les livres, les DVD, les jouets… C’est une façon de faire qui a fonctionné plus de 150 ans, mais qui aujourd’hui atteint ses limites. De la même façon que l’élève d’hier était catégorisé par sa tranche d’âge.

Mais, aujourd’hui, le modèle du calibrage atteint ses limites et nous voyons arriver dans les écoles plus d’inclusions avec des élèves ayants des handicaps comme la trisomie 21, les autistes, les aspergers, les hyperactifs, les haut potentiels, les dyslexiques… Une bille ne ressemble plus beaucoup à une autre, comment systématiser les différences ?

Si on regarde le marché du travail, les recrutements se font moins sur la base des diplômes et plus sur les compétences. Ce glissement naturel d’une situation à une autre mérite d'être exploré. Lequel a inspiré l’autre ?

Quelle est la différence entre une catégorie et une compétence ?

Une catégorie c’est un état, cela s’évalue sur la forme. Les billes sont bleues, vertes, rouges, en terre, en verre, avec des formes d’araignées… La compétence ne s’évalue pas que sur la forme, mais aussi sur la capacité à créer un résultat. Une capacité ne se voit généralement pas sur quelqu’un et elle est compétence quand elle arrive à un résultat.

Une capacité est un potentiel. Un jeune homme avec une musculature harmonieuse aura peut-être la capacité d’être un grand sportif. Ceci deviendra réalité si il met en oeuvre ses capacités de bonne façon pour atteindre un résultat souhaité. La façon la plus simple d’évaluer la compétence est sur le résultat obtenu.

Ce n’est pas une catégorie, principe de simplification, alors que la compétence tient à la complexité car c’est un agencement de plusieurs facteurs simultanés et imbriqués. Cela correspond à une réalité sociale.

Pourquoi un tel changement ?

“Penser dans un monde complexe... L'affaire n'est pas simple, et pourtant nécessaire pour tout décideur. En effet, la quatrième révolution industrielle apporte son lot d'incertitudes et de défis : économiquement, l'adoption rapide de nouvelles technologies (Internet sur mobile, intelligence artificielle, big data et cloud) conduit à repenser les modèles d'affaires et les formes de l'emploi ; socialement, l'évolution du travail et le développement rapide des réseaux sociaux d'information conduisent à repenser nos modèles politiques et sociaux ; écologiquement, l'urgence climatique implique une métamorphose des modes de production...

Penser dans un tel contexte nécessite donc quelques changements indispensables”.

Source : Dix principes pour penser dans le "monde complexe" d'Edgar Morin
par
Ousama Bouiss - janvier 2019
https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/dix-principes-pour-penser-dans-le-monde-complexe-d-edgar-morin-802548.html

Quel effet sur les bibliothèques et les archives ?

Sans doute, l’effet sera le même que pour internet. Pierre Levy, le père des premiers écrits en Intelligence Collective, a mis au point avec son équipe un logiciel de rangement des informations dédié aux bibliothèques universitaires. Prenons l’exemple de la recherche sur le web qui est le plus simple à comprendre.

Lorsque vous vous cherchez des informations sur quelqu’un sur LinkedIn et que vous tapez son nom de travers, vous ne le trouverez pas. Si vous faites d’erreur sur Google, le système vous proposera plusieurs choix autour d’orthographe dérivées du nom. Ainsi si vous aurez une chance de retrouver dans la liste de recherches votre bonheur.

Pierre Levy a lui imaginé un nouveau système de classement nommé l’IEML. Ainsi, lorsque vous tapez le mot Chat, le moteur de recherche va vous proposer tout l’univers autour du chat et non plus seulement les éléments dérivés du mot “Chat”. On pourra y trouver toutes sortes de choses dans toutes les dimensions. On pourra appeler cela des recherches en 3D.

Comment assembler compétences et moteurs de recherche en 3D ?

Comme la catégorie tient du diplôme, du métier, la compétence tient du profil et surtout de la décomposition de ce profil en une multitudes de compétences imbriquées, on a une complexité face à une autre complexité. Je pense qu’autant les catégories tenaient du ressort du cerveau humain, la compétence sera plutôt gérée par la machine.

Comme un jeu de clefs asymétriques dans un système blockchain, d’un côté ouvrent la clef de vos données et de l’autre permet de nourrir le contenu des données. Le demandeur va venir avec son profil qui va permettre à la machine d’ouvrir des portes de savoirs adaptées au lecteur, au spectateur en fonction de ses capacités et du résultat attendu.

Est-ce que cette technologie est opérationnelle ? Non pas encore. Mais c’est un besoin donc ça va venir. Pour l’instant, on à la clef pour remplir la recherche avec l’IEML. Il manque maintenant à développer les système du côté du demandeur qu’il faut nourrir de culture, d’informations, de savoirs faire, de savoir être et de savoirs théoriques.


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