Le Collège de France propose des centaines de cours gratuits en fichiers audio. La littérature constitue un domaine exceptionnellement bien représenté, en particulier au travers des cours d’Antoine Compagnon, titulaire de la chaire de Littérature française moderne et contemporaine.
En janvier 2009, A. Compagnon a inauguré un cours intitulé Ecrire la vie : Montaigne, Stendhal, Proust. Les étudiants en lettres modernes et tous les amoureux de la littérature en tireront le plus grand profit.
Ceux qui apprécient la littérature classique attendront encore un peu pour entendre ce merveilleux professeur évoquer la relation entre l’œuvre et la vie des auteurs mentionnés dans le titre du cours. Les trois premières séances en effet (actuellement les seules mises à disposition sur le site du Collège de France) sont consacrées aux mésaventures modernes et contemporaines de « l’écriture de vie » et à ses démêlés avec la littérature.
La première séance permet à A. Compagnon d’évoquer la formidable explosion de l’écriture de vie, notamment grâce aux outils numériques, les blogues en particulier. De nos jours, toute vie mérite d’être écrite. L’autobiographie, considérée par les puristes littéraires comme un genre légèrement dévalué, est perçue aujourd’hui comme trop « intellectuelle » et battue en brèche par le « life writing » anglo-saxon.
Dans la deuxième séance, A. Compagnon s’attarde sur les critiques faites à la présence de l’individu dans les textes littéraires. Il présente deux positions apparemment opposées : celle de Brunetière d’une part, qui estimait qu’il y avait trop d’individu dans la littérature (à l’époque, le Journal des Goncourt faisait fureur); celle de Blanchot d’autre part, qui affirme l’incompatibilité absolue de la vie (de l’auteur) et de l’œuvre, objet détaché du moi. Les deux positions finalement se retrouvent autour de l’idée selon laquelle tout auteur doit sacrifier sa vie à l’œuvre. Selon les mots de Brunetière, « ce qui est personnel n’est pas encore devenu littéraire ».
Dans la troisième séance, A. Compagnon aborde les auteurs modernes et contemporains, tels que Robbe-Grillet, Sarraute, Duras… tous trois appartenant au courant du Nouveau Roman, qui signait précisément la distanciation extrême de l’œuvre d’avec la vie de l’auteur. Ceux-ci ont finalement, au soir de leur vie, cédé à l’autobiographie. Dans ces années 70 et 80 du siècle dernier, non seulement l’autobiographie a reconquis son statut de genre littéraire à part entière, mais nombreux furent les écrivains à affirmer qu’en écrivant, ils parlaient toujours d’eux-mêmes… pas directement toutefois, et en se méfiant grandement du récit qui fossilise les souvenirs. Mû par la même méfiance, Roland Barthes promulgua le « dire » contre le « raconter », grâce à l’invention des « biographèmes », sortes de mentions inspirées du haïku japonais, énoncés plats, non commentés, comme les meilleurs témoins littéraires de la vie passée.
Le séminaire se poursuit jusqu’au 31 mars 2009. Le Collège de France mettra progressivement en ligne l’intégralité des séances. Il ne nous reste donc plus qu’à patienter encore un peu pour entendre Antoine Compagnon évoquer la manière dont Montaigne, Stendhal et Proust se sont débattus avec leur « histoire de vie ».
Si vous appréciez la limpidité des analyses d’Antoine Compagnon, vous pouvez également écouter son cours de 3e année de Licence intitulé "Qu’est-ce qu’un auteur ?" sur Fabula.org, site dédié à la recherche en littérature.
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