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Publié le 04 octobre 2010 Mis à jour le 04 octobre 2010

De la diversité avant toute chose

Des expressions telles que "d'un simple clic" ou "directement sur vos téléphones portables" laissent penser qu'il est aussi facile d'accéder à Internet que d'ouvrir une porte ou de prendre un bus. Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde. Je pense bien sûr ici aux personnes ayant des besoins spécifiques, et ce dans la très grande diversité de ces besoins. Ainsi, pour faciliter l’accès du web aux personnes handicapées, des directives ont été édictées dès 1999 par W3C[1], une communauté internationale de production de standards. Plus prosaïquement, le net fourmille d’idées pour rendre un site web accessible à tous. Le web a sa propre dynamique mais, in fine, les solutions ergonomiques pour inclure les personnes aux besoins spécifiques profitent à tous les usagers du web. En cela, la solidarité sur le net est parfois bien réelle et reflète un peu l’esprit dans lequel s’est développée la toile à ses débuts.

Mais au-delà des déclarations d’intention et des promesses politiques ou pas, que se passe-t-il réellement sur le terrain ? Sans penser au droit universel au numérique haut débit récemment promulgué en Finlande[2], quelles postures de bon sens adopter pour faciliter l’accessibilité à un plus large public d’apprenants par exemple ? Passage en revue de quelques idées simples mais concrètes.

Premier principe, il faut affirmer la nécessité de diversifier les dispositifs de formation, qu’ils soient à distance ou non. Et y introduire la dose de fantaisie suffisante pour en faire des espaces attractifs et donc accessibles. Dans un document que relaie le portail éducatif marocain Tarbiya (éducation en arabe), on apprendra à développer sa créativité au service de l'accessibilité.

Second principe, il faut disposer de suffisamment d’empathie et d’un minimum de savoir-faire pour se mettre en scène dans la situation du besoin spécifique et créer des outils à la fois performants et simples à l’usage.

Illustration avec deux profils d’apprenants et un double questionnement : comment rendre visible internet aux déficients visuels ? Comment faire de la toile un espace de seconde chance pour les élèves en échec scolaire ou déscolarisés ?

Rendre le contenu du net plus visible

Pour rendre visible le net aux voyants comme aux mal voyants, il y a un double impératif méthodologique et ergonomique. Il faut d’abord savoir organiser les données de façon à faciliter l’accès à l’information que l’on désire et uniquement à celle-ci. Une précaution qui vaut pour tous les usagers.

Il faut ensuite mettre à la disposition des usagers à besoins spécifiques, ici en l’occurrence les malvoyants, des dispositifs de grossissement des caractères et des loupes virtuelles qui leur permettront de naviguer avec le maximum de confort.

L’incrustation, chaque fois que cela est possible, de descriptions orales facilite aussi l’accès des malvoyants au réseau. C’est une des solutions parmi bien d’autres ressources qu’offre le net. Tout cela en plus du nécessaire développement du braille sur la toile. Le braille dont l’usage est facilité par la création d’assistants numériques mobiles de déchiffrement de plus en plus performants.    

Les exclus de l’école sont également à bien des égards aussi des apprenants ayant des besoins spécifiques. L’une des voies de leur réintégration passe par les nouvelles technologies de l'information. Mieux, l’utilisation des TIC dans le cadre d’un projet pédagogique pertinent pourrait anticiper les difficultés scolaires des enfants scolairement fragiles et les remettre, comme le montre l’exemple ci-dessous, dans la cohorte des bons élèves avant qu’il ne soit trop tard.  

Reprendre le chemin de l’école en passant par les TIC

Au Maroc, la généralisation de l’accès à l’école est un objectif constant des ministres de l’éducation. Des progrès incontestables ont certes été réalisés mais, en de nombreux lieux enclavés, la partie est loin d’être gagnée. Les pouvoirs publics, efficacement secondés par les associations[3], tentent de trouver la parade en créant les infrastructures et en multipliant les mesures incitatives. On parle alors d’une éducation pour l’inclusion afin de mieux signifier l’objectif de cette approche : réduire la mise à l’écart du milieu scolaire des élèves démunis ou vivant dans des régions éloignées. L’idée est de combattre en même temps l’exclusion numérique pour faire du net un réservoir de seconde chance pour tous les exclus de l’école.

La diversité disions-nous. Les systèmes informatiques actuels sont conçus pour des usagers en pleine possession de leurs moyens physiques et mentaux. Mais qu’en est-il des jeunes souffrant d’une déficience qui les met en situation d’échec ou même d’abandon scolaire ? Les nouvelles technologies éducatives peuvent-elles être d’un quelconque secours dans ces cas-là ? La réponse est oui avec une illustration pas vraiment académique. Retour sur une expérience de la préhistoire de l’ordinateur à l’école mais dont les enseignements sont encore d’actualité.

Dans le cadre d’un programme expérimental d’intégration des nouvelles technologies de l'information à l’école une recherche menée à Rabat, au Maroc, a  permis de mettre en évidence l’apport de l’informatique dans la réintégration d’élèves en difficulté scolaire. Deux écoles primaires ont été équipées d’ordinateurs à partir de 1982 et l’expérimentation s’est faite autour de Logo, un langage de programmation alors très en vogue[4] développé au Massachussetts Institut of Technology (MIT) par Seymour Papert en collaboration avec le laboratoire de recherche pédagogique de Jean Piaget.

L’objectif initial était d’utiliser Logo pour apprendre la logique et le raisonnement à des élèves du primaire mais ce but fut rapidement abandonné lorsque les chercheurs se sont aperçus, observations à l’appui, que Logo apportait beaucoup à la réinsertion et la remise à niveau des enfants en difficulté scolaire. Des tests ont alors permis de montrer que Logo favorisait le repérage spatial chez les enfants facilitant ainsi le déchiffrement des signes dans le cadre des activités de lecture. Les enfants dyslexiques, nombreux dans une société traditionnelle qui contrarie l’usage de la main gauche, sont ainsi aidés lors du processus de latéralisation, un processus psychomoteur essentiel à la maitrise de la lecture justement. Des scénarios pédagogiques ont été élaborés suite aux résultats de cette étude pour faciliter la réinsertion des élèves en échec scolaire.

Dans ce dossier de Thot Cursus, on découvrira des expérimentations menées en France et au Canada qui s'appuient elles aussi sur l'utilisation des TIC pour encourager la réinsertion scolaire et/ou sociale des jeunes en rupture.

On le voit à travers ces exemples, il n'est jamais vain d'explorer les chemins de traverse et laisser voguer son imagination vers des approches parfois peu académiques mais du coup toujours fécondes.



[1] Pour World Wide Web Consortium.

[2] Qui demeure une utopie pour l’écrasante majorité des pays.

[3] Quand ce n’est pas l’inverse !

[4] Il est difficile d’imaginer aujourd’hui l’engouement que suscitait Logo auprès des enseignants. Ce projet pédagogique très heuristique a suscité des expériences innombrables, une floraison de clubs d’utilisateurs, des rapports et mémoires très nombreux. L’occasion de revenir en détail sur l’expérience menée à Rabat, au Maroc, au début des années quatre-vingt se présentera peut-être sur Thot-Cursus…



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