Si vous faites partie d'une génération
d'étudiants à jamais dégoûtés par les bibliothèques
d'université, de cette catégorie de personnes qui ne dénichent pas
grand chose dans leur bibliothèque municipale, de ce genre de
surfeur indépendant qui a trouvé en internet la réponse adéquate
à ce qu'il cherchait depuis longtemps, pourquoi iriez-vous
aujourd'hui pousser la porte d'une médiathèque ou encore d'une
grande bibliothèque universitaire ou consulter leurs catalogues ?
Car il fut un temps où un grand nombre
de bibliothèques universitaires étouffaient par leur silence, où
le moindre grincement de chaise faisait lever les yeux, où l'on
ouvrait de profonds tiroirs pour fouiller dans des fiches couvertes de signes
cabalistiques, où l'on allait tendre ses fiches à un employé de
fort méchante humeur qui boitillant s'en allait chercher vos livres
au fond de grandes rangées grises. Il fut un temps où l'accès au savoir
ressemblait à une description de Balzac.
Car il fut un temps et pas si éloigné
où les bibliothèques municipales étaient la vitrine de la mairie,
avec les choix culturels qui les accompagnent. Si dans quelques
villes une véritable politique d'information auprès du public
s'organisait autour d'expositions mettant en valeur les collections et
exerçait une mission légitime de démocratisation du savoir et
d'animation culturelle, dans d'autres villes la priorité était
accordée aux bâtiments (architecte prestigieux, surdimensionnement
des équipements, matériaux luxueux) et les collections restaient négligées,
l'accompagnement ignoré. Il fut un temps où l'accès au savoir ressemblait à
une plaquette publicitaire.
Avons-nous vraiment oublié la laideur
des moteurs de recherche de bibliothèques, leur cruelle raideur qui
mettent vos stratégies de lecture et vos capacités de compréhension
à l'épreuve, vous signifiant définitivement votre nullité
dans ce vaste monde de la connaissance ? Le Web 2.0 et ses nouveaux outils
faciles d'accès jetteraient-ils aux oubliettes tous ces vieux
traumatismes et permettraient-ils à chaque usager d'être au centre
des préoccupations ?
Il semblerait que oui, qu'a la fois sur
terre et dans la noosphère, on respire. L'accès aux ressources dans les
bibliothèques désormais « hybrides » fait l'objet de
multiples initiatives qui privilégient les personnes, que ce soit
les lecteurs ou les professionnels des documents. En voici quelques exemples, parmi des centaines :
- Le blog Bibliobsession 2.0 montre
comment les équipes se mettent en scène et font de la communication tout à fait convaincante : derrière cette volonté d'accueil
personnalisé on trouve une certaine idée du métier liée à la
formation. La campagne de la BU d'Angers, « Conduite accompagnée », fait bien la différence dans le titre de sa
publication entre scolarisation plus ou moins imposée et
apprentissage de l'autonomie.
- L'accompagnement à la recherche se
fait beaucoup plus proche, comme dans ce diaporama proposé en formation à
l'UBO de Brest :Trouver une revue dans le catalogue. Le visiteur, l'étudiant ont en effet
davantage besoin de réponses précises que de connaissances
procédurales ou de savoirs généraux sur les moteurs de recherche,
sur les données documentaires.
- Les lieux de lecture et de rencontre
sont aussi conçus de façon de plus en plus intimistes : les choix
d'éclairage et de mobilier sont particulièrement soignés pour que
chaque usager y trouve l’ambiance qu’il recherche et bon nombre
de projets sont aériens, comme ici cette bibliothèque brésilienne
Mais si on creuse un peu plus la
question, on se dit que le chantier est encore énorme et que les
bibliothèques n'ont pas encore pris la mesure des changements à
accomplir : un billet de B. Majour en commentaire de l'article Le catalogue 2.0 ou le mythe de l’usager participatif ? sur le blog La bibliothèque apprivoisée l'explique très bien.
C'est tout le modèle de la préconisation, largement utilisé par Amazon par exemple, qui fait le succès du web 2.0, qui entre en concurrence avec l'organisation plus lourde des bibliothèques. Gageons que le défi stimulera les amoureux du livre, qu'il soit numérique ou en rayonnages et que l'essentiel, le lien social qui permet de ne pas exclure, soit préservé.
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