Les ressources éducatives en libre accès (REL) (ou ouvertes - Open content) représentent un paradoxe dans les esprits des professeurs et des administrateurs d’institutions éducatives : «donner» libre accès à son contenu, le noyau des activités éducatives, apparaît presque suicidaire.
Dans les faits, l’effet pratique est l’inverse : il favorise le rayonnement de l’institution et de ses professeurs et facilite le recrutement d’étudiants.
Une pyramide à base élargie
Les étudiants qui poursuivent des études universitaires jusqu’au diplôme ne constituent qu’une minorité de la population, une très petite minorité à l’échelle mondiale. L’accès ouvert aux contenus démontre qu’en dehors du pays de départ, ce sont les pays du Sud qui en profitent le plus.
Sans priver l’institution hôte, ce sont des milliers de personnes qui la connaissent et qui autrement ne l’auraient jamais connue, et de ce nombre, plusieurs aboutiront à l’institution.
La base de recrutement pour une institution s’élargit radicalement.
Des cours véritablement populaires
Alors qu’un cours traditionnel universitaire ne profite guère qu’à plus d’une centaine d’étudiants par année, sauf exception, les cours ouverts sont consultés par des milliers et dans plusieurs cas, des dizaines de milliers de personnes qui travaillent avec et communiquent aux auteurs leurs commentaires.
De ce fait, la reconnaissance des professeurs s’en trouve accrue ; ils sont cités dans des endroits et des contextes auxquels ils n’auraient même pas rêvé et surtout ils sont enrichis par les apports pertinents et attentionnés de beaucoup de personnes.
Dans le cas précis de Grenoble-Open CIM, ce sont 46 % d’utilisateurs de France, mais aussi 38 % d’utilisateurs de l’Afrique, utilisateurs qui n’auraient vraisemblablement jamais connu cette institution autrement.
Des incitatifs à produire des ressources ouvertes
La clé est évidemment de proposer des ressources de qualité dans un contexte où les principaux acteurs, les professeurs d’université, sont valorisés pour leurs recherches et non pour leurs productions éducatives.
Justement, les ressources ouvertes peuvent changer ça, dans l’intérêt de la carrière même des professeurs.
Évidemment que ça prend du temps pour produire des ressources en ligne, mais sans valorisation, qui perdra son temps aux dépends de sa carrière ?
Ce sont les visiteurs qui constituent la principale valorisation : à la fois par leur nombre, la diffusion et la reconnaissance qu’ils impliquent ainsi que la valeur de leur rétroaction. Ils étendent largement la réputation d’un professeur et sa reconnaissance comme chercheur même, par la couverture médiatique collatérale aux activités de ces milliers d’étudiants.
Dans «Ressources éducatives en libre accès pour la formation au management : leçons tirées de notre expérience» (en anglais) par Cécile Rébillard, Jean-Philippe Rennard et Marc Humbert tous trois Professeurs à l’École de Management de Grenoble, on détaille les résultats d’une enquête auprès des professeurs sur les raisons qui les inciteraient à produire des ressources éducatives ouverts, par ordre d’importance :
- Que son groupe ou son département soit financièrement valorisé pour l’utilisation des REL
- Être reconnu comme le créateur de la ressource quand elle est utilisée
- Être reconnu comme le créateur lorsqu’elle est adaptée ou transformée par quelqu’un d’autre
- Connaître les changements apportés à la ressource
- Obtenir une revue-évaluation de la qualité de la ressource
- Savoir comment la ressource est utilisée
- Savoir qui utilise la ressource
- Être personnellement récompensé pour l’utilisation de la ressource
Les barrières à produire des ressources éducatives ouvertes sont encore plus éclairantes :
- Pas de système de valorisation pour les membres du personnel qui donnent du temps et de l’énergie
- Pas de support au niveau administratif
- Manque de temps
- Manque d’intérêt envers l’innovation pédagogique parmi les membres du personnel
- Manque de modèle d’affaires pour les initiatives de contenu ouvert
- Pas de royautés
- Manque d’habiletés
- Manque d’équipements
- Manque de logiciels
- Manque d’accès aux ordinateurs
Par un judicieux dosage d’incitatifs et de support, on peut en arriver à une production substantielle de ressources éducatives, pour le plus grand bien du plus grand nombre.
Open Educational Resources for Management Education: Lessons from experience
Marc Humbert, Cécile Rébillard and Jean-Philippe Rennard
Grenoble Ecole de Management
Grenoble-Open CIM