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Publié le 06 octobre 2019 Mis à jour le 06 octobre 2019

Intelligence collective : l'empathie et les tisseurs de liens

Des conditions nécessaires à la chimie des relations et des idées.

Les tisseurs de liens

Dans une équipe on parle souvent des leaders, des charismatiques, des moteurs, mais aussi des suiveurs, des collaborateurs toxiques, des raleurs, des casseurs d’ambiance, mais qu'en est-il de ceux qui sont les tisseurs de liens, de ceux qui maintiennent la cohésion du groupe.

Souvent silencieux, pratiquement toujours inconnus des tableaux de récompenses, les tisseurs, ceux qui créent la cohésion, la bonne santé, l’ambiance positive dans un groupe, ceux-là restent invisibles jusqu’à ce qu’ils soient licenciés et là, l’équipe s’effondre ou éclate et personne, ni les RH, ni la direction de l’entreprise n’aura compris ce qui s’est passé.

Lorsque l’on cherche des sources sur les typologies de membres dans une équipe, on ne trouve pas grand chose. J’en appelle donc à votre mémoire. Avez-vous déjà vécu l’expérience suivante ? Vous êtes dans un groupe qui fonctionne tant bien que mal et un jour arrive un nouveau membre de l’équipe. Ce membre peut être la nouvelle secrétaire, le stagiaire, un nouveau collègue, voir un nouveau chef et tout d’un coup tout devient simple, clair et lumineux. Et, si vous traîniez les pieds pour venir travailler, maintenant vous y allez avec entrain. Que s’est-il passé ? En fait cette personne est arrivée en créant un lien empathique avec vous et votre équipe. Et, cela a créé un faisceau à la fois matériel et psychique que l’on retrouve dans la théorie du “Monde-Un”, déjà évoqué dans un article sur “Le temps, la science et les hommes”.

Qu’est-ce que le “Monde-Un” ?

“Carl Gustav JUNG et Wolfgang PAULI collaborent pendant un quart de siècle autour du rapport entre la sphère physique et la sphère psychique. Leur exploration conjointe du « problème psychophysique »  les conduit à admettre l'existence d'un arrière-plan au monde phénoménal, arrière-plan « mi-physique mi-psychique ». Cet arrière-plan « commun de la microphysique et de la psychologie dite des profondeurs, écrit JUNG, est à la fois physique et psychique, c'est-à-dire qu'il n'est ni l'un ni l'autre, mais constitue un troisième terme, une nature neutre.

L'arrière-plan de notre univers empirique apparaît en fait comme un «unus mundus», un monde « un ».  Ce modèle, qu'ils établissent à l'aune de la physique et de la psychologie modernes, remet en question la représentation que nous nous faisons de l'inscription de l'homme dans son milieu.  Il suppose, en effet, que l'existence de l'homme, sa présence et son agir en ce monde, s'enracine dans ce plan antérieur où ne vaut ni la flèche du temps ni l'espace comme étendue, ni non plus la séparation entre moi et autrui ou encore la causalité. 

Ce plan constituerait en quelque sorte l'autre face du monde, selon un rapport de symétrie et l'autre face du sujet. Sa présence et sa structure transparaissent notamment à l'occasion de certains états psychologiques lors desquels, le moi étant mis hors circuit, les couches primaires de la psyché peuvent se révéler, comme dans certains rêves de PAULI, ou encore lors de danses extatiques.”. 

Source : https://grandsreves1234.blogspot.com/2016/12/le-monde-un-la-chinoise-et-la-danse.html

En fait, certains niveaux de consciences se révèlent à notre esprit dans des circonstances particulières comme par le fait de danser certaines danses comme les danses bretonnes, les danses indiennes dites Mandala. Lors de ces danses la perception que nous avons du temps et de l’espace peuvent s’amplifier ou se réduire et surtout cela crée le sentiment de faire parti d’un seul tout. Si ces circonstances particulières font apparaître cette réalité, cet espace que Jung appelle espace neutre est là en permanence. Et nos tisseurs de liens sont des amplificateurs de cette réalité physico-psychique.

Et, les études d’intelligences collectives dans tout cela ?

Au tout début des mouvements d’études d’intelligence collective dans lesquelles j’ai participé avec Philippe Olivier Clément, il y avait des exercices que nous faisions faire à des coachs volontaires, une des théories avancées était qu’il y avait 2 sortes de personnes moteurs dans un groupe. D’un côté les faiseurs, les pro-actifs, les rationnels et de l’autre les intuitifs, les empathiques, en fait nos fameux tisseurs de liens. De cette observation résultait plus de tisseurs de liens chez les femmes. Mais, cette observation n'est pas forcement significative, elle peut-être due au formatage des genres où on demande aux petits garçons d’entrer dans l’action plus que d’écouter avec empathie.

“Vous préférez écouter plutôt que de parler. Vous voulez connaître tous les détails d’une situation afin de pouvoir vraiment la comprendre. «Vous vous souciez vraiment des autres et de ce qu’ils disent», dit Stacey Laura Lloyd, auteure spécialisée sur les questions de santé et de relations interpersonnelles et co-auteure de Is Your Job Making You Fat? (Votre boulot vous fait-il grossir?).

«C’est une chose de toujours écouter des autres, mais c’en est une autre d’intérioriser ce qu’ils expriment afin de comprendre leurs sentiments, leurs besoins et leurs motivations.» Pour y parvenir, il faut être aussi réceptif au verbal qu’au non verbal et, bien sûr, rester totalement engagé dans la conversation. «Écouter de manière empathique, c’est donner toute la place à celui qui parle et comprendre vraiment ce qu’il a dans la tête et ce qu’il vit»”

Source : Empathie: 10 signes que vous êtes (trop?) empathique - par Stacey Feintuch - https://www.selection.ca/sante/vivre-sainement/10-signes-trop-empathique/

Qu’est-ce que l’empathie ?

“ ...ne pas confondre avec la compassion ou encore la sympathie, l'empathie - qui fait partie du top 10 des soft-skills les plus recherchés - est l'un des piliers de l'intelligence sociale. A l'exception des psychopathes, nous sommes tous, être humains, naturellement dotés d'empathie plus ou moins développée.

Il s'agit d' écouter de manière active et positive son interlocuteur, sans jugement ni confusion entre lui et soi-même, identifier, reconnaître et comprendre ses émotions et sentiments. En quelque sorte, réussir à se mettre dans la peau de son interlocuteur (même si l'on ne peut jamais totalement se mettre à la place d'autrui) et lui faire sentir que l'on est entièrement disponible et à son écoute. Ceux qui maîtrisent parfaitement ces techniques parviennent littéralement à se synchroniser avec leur interlocuteur et deviennent véritablement leur reflet émotionnel, sans toutefois perdre conscience de leur propre moi.

On distingue 3 concepts au sein du même terme :

  • l'empathie émotionnelle, au cœur de l' intelligence émotionnelle , grâce à laquelle un individu est capable de ressentir pleinement les états affectifs de son interlocuteur. Et ce, de manière automatique et naturelle. 
  •  l'empathie cognitive qui permet à une personne de percevoir et comprendre les états psychiques de son interlocuteur sans jugement. On parle de "mentalisation" ou encore de "théorie de l'esprit".
  •  l'empathie comportementale , élément de la communication non verbale  éprouvé de manière tout à fait naturelle par la plupart de nous et qui consiste à mimer inconsciemment les gestes et postures de son interlocuteur (croisement de bras, façon de se tenir assis, posture debout, etc.)”.

Source : Mettez l'empathie au service de votre communication - septembre 2019 - Raphaële GRANGER https://www.manager-go.com/efficacite-professionnelle/empathie.htm

Pourquoi parler de l’importance aujourd’hui de l’empathie plus qu’hier ?

Hier, nous étions baignés par un management issu d’une éducation strictement hiérarchique, aujourd’hui le monde du management glisse progressivement vers des équipes co-créatives dans lesquelles les équilibres des équipes sont radicalement différentes. Ce n’est pas par hasard si les études d’intelligence collectives sont apparues ces dernières décennies. Cela correspond à un besoin de société.

Par contre si les premiers tests «grandeur nature »mélangeaient les équipiers au hasard, aujourd’hui, on sait que la cohésion du groupe n’est pas le fruit du hasard, c’est une chimie, de la même façon que l’on marie des ingrédients choisis pour créer de bons petits plats. C’est exactement la même chose en intelligence collective : des individus diversifiés mariés à d’autres afin d’obtenir la meilleure des équipes.

Imaginez créer une équipe avec un employé toxique, un manipulateur, un chef dictatorial alors vous aurez sans doute beaucoup de mal à créer une dynamique d’intelligence collective et encore moins d’avoir des résultats co-créatifs. Beaucoup de groupes aujourd’hui ,en particulier dans les milieux de l’open source et des nouveaux courants de pensées collectives, pensent tout inclusif et donc créent des équipes avec le premier qui s’annoncera sans même savoir qui il est et quelles sont ses compétences relationelles.

Imaginez nos tisseurs de liens qui sont à la base du bon fonctionnement d’une équipe et dont l’extrême empathie leur permet d’évaluer la nature et les potentialités d’une personne. Et, vous leur demandez de travailler avec un collaborateur toxique par exemple. Ce fameux tisseur de lien qui est extrêmement sensible risque de finir en burn out parce que d’un côté il va ressentir beaucoup de distorsions dans le comportement de l'autre qui vont l'épuiser et de l’autre il est une proie facile pour ces collaborateurs néfastes.  

“Vous lisez dans les gens comme dans un livre ouvert, ce qui fait que vous pouvez mieux détecter leurs mensonges. «Être empathique permet souvent de dévoiler la façade derrière laquelle se cachent les gens et de comprendre pourquoi ils l’érigent», signale Cherie Burbach. Vous savez quand ils mentent et pourquoi – peut-être par méchanceté, par ignorance ou pour ménager les sentiments de quelqu’un.

C’est plus qu’une intuition. Vous savez réellement si quelqu’un est franc simplement en l’écoutant parler ou en observant son langage corporel. «Les gens empathiques sentent immédiatement si les choses vont bien… ou pas!» dit la Dre Orloff. Ils se servent ensuite de cette capacité de détection pour faire une chose que les autres ne font pas: «Une personne vraiment empathique va alors essayer de comprendre pourquoi on lui ment, et ne pas se contenter d’étiqueter l’autre comme un “menteur”»…”

CF : Empathie: 10 signes que vous êtes (trop?) empathique

Quelques conseils pour créer une équipe co-créative

  1. Testez vos collaborateurs sur des projets simples : il y a dans notre monde des personnes naturellement co-créatives et d’autres formatées sur le modèle hiérarchique. Les hiérarchiques sont structurés sur le mode compétitif. Par exemple, dans un groupe de 5 personnes si l’une d’entre-elles prend le lead, écarte ses coéquipiers et réclame des honneurs pour son travail. Cette personne est certainement hyper professionnelle mais vous ne cherchez pas un chef, vous cherchez à créer une synergie d’équipe pour obtenir un 3 comme réponse à la formule 1+1=. Alors, il est suggéré d'écarter cette personne de la prochaine phase et l’orienter vers des formations sur l’empathie.

  2. L’objectif est que le résultat collectif soit être au centre des préoccupations. Écarter d’office les égocentriques et les égotiques. Le travail collaboratif nécessite une certain abnégation de soi au profit du collectif. Chaque collaborateur à ses envies, ses ambitions, ses objectifs personnels mais ceux-ci ne doivent jamais prendre le pas sur le bien-être et l’objectif collectif.

  3. Pour favoriser la co-création vous pouvez responsabiliser l’équipe vis à vis de ses équipiers. L’objectif est de lutter contre l’indifférence qui neutralise l’empathie. Un atelier autour de l’empathie, sa définition, sa prise en compte dans les relations inter-collègues peut être très utile pour que l’équipe parte sur un pied d’égalité et pour se créer un vocabulaire commun de restitution des interactions dans le groupe. 

  4. Des actions collectives hors cadre comme d’aller ramasser les déchets le long des rivières ou des sorties de boites annuelles permettent aussi de créer des liens plus élargis et des discussions plus riches. Plus des profils de vos équipiers seront différents, plus ils feront connaissance, plus ils auront confiance et plus les fruits de votre groupe d’intelligence collective seront riches.

  5. Quant à trouver les tisseurs de liens, c’est plus compliqué car il n’y a pas de profil type déterminé aujourd’hui. Mais vous vous en apercevrez lorsqu’un d'entre-eux entrera dans votre groupe. Les choses deviendront plus faciles et votre groupe sera plus communicatif et rayonnant. Attention, il ne faut pas les confondre avec les «chiefs happiness officers» qui viennent avec leurs formation et leurs diplômes. Les tisseurs de liens sont connectés naturellement au monde qui les entoure.

Un tisseur de lien est un trésor souvent ignoré dans une structure de travail. Sachez les repérer et les chouchouter pour le bien de votre organisation.


Source image : Pixabay Blackmachinex


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