Comment prévoir et même améliorer l'efficacité d'un groupe ? S’ils sont cinq, vont-ils produire cinq fois plus qu’une seule personne ? Y a-t-il plutôt une baisse de l’efficacité ou au contraire une augmentation ? Les observations de terrain et les recherches nous donnent quelques pistes et quelques explications pour que les groupes travaillent mieux ensemble.
1 + 1 + 1 ça fait zéro
On feint parfois de l’oublier. Toutes les dynamiques de groupe ne sont pas positives. Parfois, les personnes s’opposent, se méfient les unes des autres. Des ambiances tendues n’incitent pas à se mettre à découvert en faisant des propositions ou en exprimant des idées. Un esprit de compétition empêche aussi de travailler ensemble. Sans même qu’il y ait d’inimitié entre les participants, chacun peut craindre que sa contribution soit diluée et qu’il ne bénéficie pas de reconnaissance.
Si j’ai une bonne idée et qu’on me demande de l’exprimer au sein d’un groupe, il peut être urgent... de me taire. Je pourrai ainsi attendre d’être dans un espace où j’aurai davantage de visibilité pour la présenter et obtenir ainsi la reconnaissance que j'espère !
Enfin, il ne suffit pas de réunir des personnes pour que leur attention se focalise autour du thème qu’on leur propose. Si les participants sont mobilisés par une autre échéance, un autre projet ou des problèmes à régler très rapidement, ils ne pourront pas se concentrer longtemps sur l'objectif commun que vous proposez.
1 + 1 + 1, ça fait un
Les groupes sont parfois composés d'individus très proches, qui se ressemblent. 5 personnes qui ont suivi les mêmes parcours scolaires, universitaires ou professionnels produiront-elles 5 fois plus d’idées qu’une personne sélectionnée parmi elles ? Rien n’est moins sûr. Dans un article qui rassemble une dizaine de conseils adressés aux animateurs de remue-méninges, Joshua Johnson incite les facilitateurs à encourager les expressions divergentes et à inviter au moins un.e participant.e éloigné.e de la problématique...
Mais certaines observations montrent aussi que si les personnes sont très différentes, elles mettront un moment à se sentir suffisamment en confiance pour exprimer leurs idées librement... Et certains auteurs préconisent en conséquence une certaine homogénéité... Le choix des participants a son importance, tout comme les activités que l’on propose et le cadre rassurant et bienveillant dans lequel ils sont accueillis.
Réunissez plusieurs salariés dans un contexte de management autocratique... et chacun tentera d’anticiper les réponses et les idées du manager et censurera ce qui pourrait lui valoir des critiques. Sans aller jusqu’à cette situation, l’équipe de Mindtools parle de pensée de groupe. Elle prend forme lorsque les participants se censurent pour ne pas risquer d’entrer en opposition avec d’autres,ou de devoir s'engager dans une longue argumentation. L’harmonie du groupe et sa propre tranquillité sont alors prioritaires par rapport à la confrontation des idées.
1 + 1 + 1, ça fait moins que trois
Une première raison concerne la paresse sociale. Dans un jeu de tir à la corde où plusieurs personnes s’unissent pour tenter de tirer une corde à eux, certains participants ne donnent pas le maximum d’eux-mêmes. Persuadés que leur effort ne sera pas décisif, ils font juste les gestes et limitent leur contribution.
A cela s’ajoute la peur d’être jugé. Et si trop d’homogénéité peut nuire à la production d’idées, trop de diversité, si on n’a pas pris la peine de construire le groupe, peut inhiber certains participants. Le rôle de facilitateur est essentiel pour prendre les détours nécessaires, décontextualiser puis recontextualiser certaines questions, apporter un sentiment de sécurité et fluidifier les contributions.
Certaines réunions fonctionnent avec une méthode de tour de table. Dans ce cas, les participants gardent en tête l’idée qu’ils n’ont pas exprimée et bloquent l’arrivée de nouvelles idées... Nous avions eu l’occasion de présenter des résultats de recherche sur ce phénomène. Passer par l’écrit et par des outils comme Klaxoon, Wooclap, Kahoot ou Slido permet sans doute de se rapprocher, voire de dépasser le trois !
Dépasser trois
Perte de temps ou moment indispensable ? Les réunions qui visent à produire des idées et des solutions sont sans doute les deux et les recettes qui ont fait leurs preuves dans un contexte sont incertaines dès que la situation change. Il est plus facile de lister ce qui fait échouer la réflexion d’un groupe.
Un article de Pavel Kukhnavets nous donne néanmoins quelques pistes
La méthode de l’escabeau part du principe qu’il est parfois difficile d’intégrer un groupe dans un travail de production d’idées.
- Tous les participants sont informés des détails de la question avant l’échange d’idées. Ils ont du temps pour se faire une opinion et réfléchir aux techniques de résolution.
- Un groupe de deux personnes est formé. Ils échangent sur la question
- Une troisième personne vient s’ajouter au groupe. Elle présente ses idées au binôme, et ensuite, elle écoute le résultat de la discussion des deux autres. Ils débattent ensuite entre eux.
- Une quatrième personne vient alors s’ajouter, avec le même processus, puis une cinquième, etc.
La méthode Delphi, qui s’appuie sur l’anonymat et une distribution de rôles (animateur, expert, analyste) tente aussi de lever les inhibitions, les freins et les influences dans la production d’idées, tout en faisant émerger un consensus. Cette méthode éprouvée fêtera ses 70 ans en 2020.
Dans un registre plus scolaire, et en vue du produire un cours, Jean-Pierre Costille, formateur en histoire géographie, organise des « groupes-puzzles ». Dans un article du journal le Monde, il détaille sa méthode. Il alterne les rythmes, les temps de travail en groupe et les temps où chaque élève devient expert de la partie du cours sur laquelle il a spécifiquement travaillé. Des groupes de trois élèves se partagent les thèmes et les documents correspondants. Sur la guerre froide, l’un aura des éléments sur les forces militaires en présence, l’autre des textes et documents sur la conquête de l’espace et les compétitions sportives et un troisième s’intéressera aux idéologies.
Dans un deuxième temps, les élèves qui ont travaillé sur un thème se retrouvent et complètent leurs connaissances. Ils rejoignent alors leur premier groupe. Ils deviennent l’expert de leur thème. Ils proposent une synthèse à l’oral, puis à l’écrit. Chaque groupe produit sa synthèse, fait de trois parties collées avec un adhésif de manière artisanale.
Et surtout, Jean-Pierre Costille reste très attentif à la dynamique des groupes, au besoin qu’ils peuvent avoir d’une intervention de sa part. Il est disponible et s'adapte aux productions qu’il obtient. S’il est difficile de donner des recettes, la présence et le travail du facilitateur ou du professeur apparaissent essentiels, que ce soit en entreprise ou dans les établissements scolaires.
Illustrations : Frédéric Duriez
Ressources :
Pavel Kuhknavets - Hygger Blog : « Must have or time wasting ? 10 rules for efficient brainstorming in IT companies » — consulté le 5 octobre 2019
https://hygger.io/blog/how-to-arrange-an-effective-brainstorming-in-it-company/
Mindtools — « avoiding groupthink » — consulté le 5 octobre 2019
https://www.mindtools.com/pages/article/newLDR_82.htm
Joshua Johnson - « 10 tips for effective brainstorming » consulté le 5 octobre 2019
https://designshack.net/articles/business-articles/10-tips-for-effective-creative-brainstorming/
Medium : "Brainstorming is not dead" - consulté le 29 septembre 2019
Voir plus d'articles de cet auteur