Article par Ismaël BERKOUN, journaliste sur la Thématique 2: Nouvelles formes de pédagogie: évolution ou révolution? - Colloque CANES 2013
La scène se passe dans un des amphis de l’Université de Grenoble. Le professeur s’installe au bureau et questionne ses étudiants : « Combien d’entre vous ont leur smartphone allumé ? » Les étudiants, munis à 90% de smartphones, tablettes, et autres notebook, le sortent rapidement pour l’éteindre. Le professeur ajoute : « Surtout, vérifier qu’ils sont bien sûr ON, car on va en avoir besoin pour le cours d’aujourd’hui ». En effet, les petits appareils sont bourrés de notion de physique ou de chimie. En l’occurrence pour ce cours, d’un accéléromètre, élément essentiellement utilisé en physique expérimental.
Cette scène pourrait sonner comme pure fiction aux oreilles des habitués des amphis. Pourtant, l’arrivée massive et la démocratisation des nouvelles technologies obligent le corps enseignant à s’adapter, évoluer. Alors même que les professeurs pointent du doigt les soucis matériels, les difficiles organisations de TD… la technologie permet d’avoir dans la poche de véritables outils de laboratoire ! Le tout est de trouver la bonne manière, et surtout que les professeurs aient le soutien et la formation nécessaires à l’insertion des nouvelles technologies dans les salles de classe.
La nécessaire « transition technologique »
Évoluer et remplacer d’anciens outils pédagogiques par de nouveau est tout à fait normal. Comme le rappelle François Taddei, « l’invention du micro a permis d’atteindre un grand nombre de personnes lors des assemblées. Le numérique aujourd’hui le permet pour encore plus de gens ». Ce que reprochent certains enseignants, c’est le changement trop rapide, dans transitions claires. « On est passé du tous dans l’amphi au plus personne dans l’amphi grâce au numérique. Sans transition, sans connaitre les effets à moyen terme ou proposer des axes d’améliorations », rappelle un professeur.
Pour Jean-Marc Broto, président de la Conférence des doyens et directeurs d’UFR scientifiques, le
« changement est normal » dans l’enseignement. Et tout est question de son amplitude et de sa vitesse. Il y a 30 ans, dans son laboratoire de physique, il mesurait la vitesse et la trajectoire d’un objet en prenant des photos Polaroïd des courbes, puis les copiait sur papier calque pour calculer à la main les résultats. « Il y a 20 ans, la table traçante a révolutionné les laboratoires, car elle permettait un tracé direct sur papier millimétré, se souvient-il. Aujourd’hui, tout peut être simulé directement sur ordinateur, et donner instantanément des résultats d’expériences qu’on ne pourrait concrètement pas réaliser en laboratoire faute de place ou de moyens ».
Chaque changement, chaque nouvelle technique et technologie apporte son lot de petites révolutions au sein d’un labo. Et puis, avec du recul et du temps, ces nouveautés seront vues comme simple évolution.
Utiliser Wikipedia à des fins pédagogiques
La licence Frontière du vivant à Paris expérimente de nouvelles formes de pédagogie, en y incorporant au maximum les nouvelles technologies. Le responsable, Antoine Taly, assure que les 18 étudiants de la promotion apprennent à les utiliser efficacement, tout en acquérant des connaissances. Un exemple concret ? Wikipedia. « Avant, quand on faisait une recherche, on ne se limitait pas à une seule info : on consultait plusieurs livres, des articles, on recoupait… Ce sont des méthodes héritées de l’« avant internet » » explique-t-il. Or, aujourd’hui, les étudiants vont sur Wikipédia, sans développer ou sans chercher à aller plus loin.
Alors pourquoi ne pas utiliser leur propre technique pour les aider à apprendre de leurs erreurs et que celles-ci aient de répercussions positive sur les autres ? Les étudiants de cette licence