Faut-il chercher à être le prof idéal?

Nous rappelons souvent aux enseignants leur vocation. En effet, pour se lancer dans l’enseignement, il semble de plus en plus nécessaire d’être appelé par une mission de transmission des savoirs. Parce que le portrait qui en est fait par les médias et ceux qui le pratiquent ne donne pas nécessairement envie aux hésitants. Le prof doit jongler avec les idéaux des parents, des directions et même des gouvernements successifs. Le tout sans demander plus puisque, généralement, les budgets scolaires demeurent plutôt stables. Enfin, il doit être en mesure de répondre aux besoins de tous dans sa classe.

La charge mentale des profs

Pas étonnant que certains finissent par s’épuiser et abandonner le métier. Et ce, malgré un amour sincère de l’enseignement, le cadre ne leur convenait plus. Ils n’arrivaient plus à aider tous les élèves avec des problématiques sans aide additionnelle, entre autres. Ce qui a mené à leur épuisement professionnel.

Le métier n’a plus l’auréole qu’il pouvait avoir autrefois ou dans d’autres pays comme la Finlande où l’enseignement est contingenté. La France, le Canada et plusieurs autres pays vivent les mêmes problèmes de reconnaissance et de batailles de pédagogies. En effet, entre partisans d’approches plus conservatrice et celles plus centrées sur les besoins de l’élève, l’enseignant est balloté dans ce débat sans fin. Comme le rappelle cet essayiste et professeur de classe préparatoire, la vérité se situe peut-être entre les deux.

Sans compter toutes les responsabilités que se mettent les professeurs sur le dos durant une année. Ce qu’on appelle la charge mentale contient différents éléments comme la recherche de solutions dans son enseignement, les situations non réglées, les différentes communications à faire particulièrement avec les technologies de l’information et de la communication, etc. En effet, si les outils numériques permettent de bâtir des liens hors des murs de la classe, il peut être difficile pour un enseignant de ne pas répondre, de se donner un droit de repos. Après tout, « qui sait si un élève n’a pas un besoin urgent? »

Or, cela pèse beaucoup sur les professionnels de l’éducation. Et même ceux en devenir comme les finissants de l’Espé (renommée Inspé depuis la rentrée 2019). Certes, les stages leur ont permis de percevoir les réalités et leur ont appris à développer de la flexibilité. Néanmoins, en obtenant un diplôme, ils ne savent pas dans quel type de classe ils se retrouveront, quel cours ils donneront, etc. Ainsi s’ajoutent la précarité et l’incertitude des jeunes enseignants qui sont souvent catapultés là où les besoins sont criants. 

Apprendre le lâcher-prise

Devant cette longue liste de côtés négatifs, beaucoup de potentiels enseignants pourraient se sentir découragés. Néanmoins, peut-être faut-il rappeler qu’un « prof idéal » se veut surtout quelqu’un qui possède une curiosité naturelle et capable de la partager aux autres. Ainsi, il n’existe pas à proprement parler de recettes miracles pour réussir avec tous les élèves. La passion suscite celle des autres.

Et pour arriver à partager cette soif d’apprendre, le corps enseignant doit être en mesure de se libérer de sa charge mentale. Accepter de lâcher prise de temps à autre n’est pas un signe de mauvais pédagogue. Au contraire, se donner du temps pour se ressourcer peut même permettre de mieux trouver des solutions à des problèmes en y revenant plus tard.

Cela signifie aussi se débarrasser, entre autres, d’injonctions que tous se partagent intrinsèquement mais qui contribuent à l’épuisement professionnel. Par exemple, celle d’avoir une classe calme en tout temps, de se faire apprécier constamment des élèves, de s’adapter à tous, etc. Il ne faut pas ignorer les problématiques d’enfants et ne pas trouver de solutions. Or, pourquoi se mettre une pression éléphantesque pour ajuster son enseignement à chacun? Là-dessus, d’ailleurs, les approches technologiques proposent des modules adaptables dans lequel le prof fait figure d'accompagnateur de chacun dans son processus.

Il est possible d’être un bon enseignant sans être ce modèle idéal que tous cherchent. Au contraire, ces imperfections rendent le corps professoral plus humain et donc plus accessible pour les élèves, y compris les plus récalcitrants. Une plus grande reconnaissance des instances publiques et de la population envers ce rôle serait un plus non négligeable. Les professionnels de l’éducation feraient donc mieux d’apprendre, par moments, à lâcher prise s'ils ne veulent pas finir par laisser tomber l'enseignement.

Illustration : NeONBRAND sur Unsplash

Références

Canard, Erwin. « Une Année à L’école Des Profs : “J’ai Peur Pour L’année Prochaine”. » L’Etudiant. Dernière mise à jour : 12 juillet 2018. https://www.letudiant.fr/etudes/3es-cycles-et-masters/une-annee-a-l-ecole-des-profs-j-ai-peur-pour-l-annee-prochaine.html.

« Comment Ne Pas être Un Prof Idéal Et éviter Le Burn-out. » Vocation Enseignant. Dernière mise à jour : 3 mai 2019. https://vocationenseignant.fr/comment-ne-pas-etre-un-prof-ideal-et-eviter-le-burn-out/.

« Délaisser Ses élèves Ou Sa Santé, Le Dilemme Malheureux De Bien Des Enseignantes. » Radio-Canada.ca. Dernière mise à jour : 29 octobre 2018. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1132629/enseignants-classes-eleves-primaire-epuisement-travail.

« La Charge Mentale Des Enseignants. » Espaceprof. Dernière mise à jour : 12 mai 2019. http://www.espaceprof.com/la-charge-mentale-des-enseignants/

Lemoine, Laurence. « Qu’est-ce Qu’un Bon Prof ? » Psychologies.com. Dernière mise à jour : 6 mai 2019. https://www.psychologies.com/Famille/Grandir/Scolarite/Articles-et-Dossiers/Qu-est-ce-qu-un-bon-prof.

« Sois Prof Et Tais-toi ? » France Culture. Dernière mise à jour : 24 avril 2019. https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/sois-prof-et-tais-toi.

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