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Publié le 08 septembre 2019 Mis à jour le 08 septembre 2019

Le gestionnaire des connaissances, ce métier d'avenir pourtant méconnu

Quel est le véritable rôle d'un gestionnaire des connaissances dans une organisation?

<p>Knowledge @ Freepik</p>

Le métier de gestion des connaissances consiste, généralement,

  • à collecter le savoir des personnes de l'organisation par des entretiens ou autres moyens, à le rassembler dans des ouvrages de référence (ex : bréviaires de connaissance) et/ou bases de connaissance[1] ;
  • à mettre en forme et échanger ce savoir par le biais du système de la communauté de pratique ;
  • à diffuser ce savoir au sein de l'organisation.

Jusqu’à présent, très peu de travaux en sciences de gestion ont été publiés sur ce métier. La littérature existante demeure focalisée sur ce que ces gestionnaires sont censés faire (le knowledge management) et non sur ce qu’ils font réellement (le knowledge manager).

Les actions des gestionnaires de connaissances, en charge d’appliquer les concepts ou de développer eux-mêmes ces concepts, sont ainsi totalement oubliés. Or, en l’absence d’une compréhension réelle du travail du gestionnaire des connaissances, les questions de légitimité et de pérennité de ces fonctions se posent en permanence[2] et à terme celle du knowledge management en entreprise le sera également. Pour lever toute ambiguïté, nous allons donc brièvement remonter aux origines de ce métier.

Pourquoi faire de la gestion des connaissances un métier ?

La gestion des connaissances a émergé dans les années 1980 à la suite de plusieurs constats :

  • L'information acquise et accumulée par une organisation n'est ni conservée, ni transmise correctement ; elle n'est donc pas pérennisée ni efficiemment valorisée ;
  • L'information est la principale richesse des organisations modernes, sous forme de compétences, de savoirs, de savoir-faire ;
  • L'information utile est essentiellement détenue par les employés de l'organisation, avec tous les aléas que cela peut comporter (ex : départs, expiration de mandats, indisponibilité, etc.).

Par ailleurs, la nature des informations qui circulent au sein d’une organisation est variée. Il est possible de distinguer trois niveaux d'information :

  • Les données qui représentent des faits et sont souvent quantitatives ;
  • Les informations en tant qu'agrégats de données ; ces dernières sont construites en fonction de règles et nécessitant une intermédiation humaine ;
  • Les savoirs perçus alors comme des informations à forte valeur ajoutée et nécessitant une expertise humaine.

Cette quantité d'informations disponibles pour les membres d'une organisation est trop importante pour qu'ils puissent rapidement trouver les informations pertinentes et utiles. Le métier de gestionnaire des connaissances est donc né de ce besoin de capitaliser[3] et exploiter l’ensemble des connaissances d’une organisation.  

Quels sont les objectifs d’un gestionnaire de connaissances ?

Le but de tout gestionnaire des connaissances est de contribuer à la diffusion et l'organisation de l'information au sein d'une institution ou organisation. Ses objectifs sont :

  • Diffuser l’excellence au sein de l’organisation : en effet le partage des « meilleures pratiques » conduit à la comparaison et par conséquent, à l’attirance vers le haut en termes de savoir-faire ;
  • Informer la prise de meilleures décisions : à l’heure d’une surinformation en termes de données non structurées et du manque d’outils pour analyser finement ces données, le gestionnaire des connaissances est celui qui est en contact direct avec un phénomène observé et permet une analyse pertinente de ces données ;
  • Réduire les cycles de décisions grâce à l’instantanéité de la mise à disposition des « meilleures pratiques » et des connaissances grâce aux outils de partage ;
  • Réduire la subjectivité : la mise à disposition des informations structurées issues des moyens informatiques classiques et des informations non structurées issues des référentiels de connaissances par l’intermédiaire des outils de diffusion permet de réduire la subjectivité et « tracer » toutes les raisons d’une décision ;
  • Développer la capacité organisationnelle d’innovation : avoir à sa disposition l’ensemble des connaissances d’une organisation par l’intermédiaire du référentiel de connaissances et être en contact avec les meilleurs experts par une culture du partage conduit inévitablement à une nouvelle capacité d’innovation. Cette innovation participe à la promotion d’actions porteuses de changements rentables par rapport aux objectifs poursuivis.
  • Développer la capacité d’apprentissage : la formation des nouveaux arrivants dans une organisation est facilitée et accélérée. De même pour les employés, l’accessibilité en ligne des connaissances facilite l’apprentissage à court ou moyen terme.

En action

Analysons maintenant les pratiques des gestionnaires des connaissances (GC) en nous appuyant sur notre pratique et expérience professionnelle dans ce secteur. Et nous allons le faire selon trois phases clés : avant, pendant et après la définition d’une stratégie de gestion des connaissances.

  1. Avant : au niveau du diagnostic des pratiques

Pour réussir une démarche de gestion des connaissances en entreprise, il faudra :

  • Établir un bon diagnostic de la situation de l’entreprise afin de définir des objectifs de gestion des connaissances clairs ;
  • Travailler en amont puis tout au long du projet sur la motivation du personnel ainsi que sur la gestion du changement. La capacité à anticiper et à gérer le changement est ce qui fait d’une institution une organisation apprenante.
  • Lancer un projet pilote dans une unité de travail moindre avant d’étendre la démarche aux autres services ;
  • Prévoir un temps de formation pour le personnel pour qu’il s’adapte aux nouvelles méthodes de travail. En effet, on peut avoir une réticence au changement plus ou moins forte chez le personnel. Une aide au changement adaptée devra donc être dispensée tout au long du projet.
  • Mettre en place un système d’évaluation, aussi bien sur la gestion des connaissances elle-même que son retour sur investissement[4].

Certains défis existent à ce niveau. Bien que les responsables d’une organisation aient donné leur accord pour la mise en place d’une démarche de gestion des connaissances, il arrive parfois qu’elle éprouve des réticences à laisser le gestionnaire des connaissances monopoliser l’attention d’une unité lorsque celle-ci est soumise à des contraintes financières fortes (un service commercial par exemple). En outre, lors du recueil des données, certains employés peuvent décider consciemment de retenir des informations dans la mesure où partager ses connaissances signifie également en perdre l’exclusivité. Il faut donc insister sur les points positifs d’une telle démarche et surtout leur convaincre de ce que la connaissance ne donne du pouvoir que lorsqu’elle est partagée.

  1. Pendant : le rôle du gestionnaire des connaissances dans la mise en œuvre de la stratégie[5].
  • Identifier et collecter les connaissances et les expériences que les employés (internes) et/ou leurs partenaires (externe) ont acquis dans la mise en œuvre de chaque projet. Le caractère collectif des exercices d’identification des connaissances permet, d’une part, de transférer les connaissances individuelles ou tacites au groupe et, d’autre part, de les valider par la confrontation des points de vue et leur acceptation par le groupe. Cette identification commence par une exploration brute des connaissances suivant des modalités telles que l’analyse documentaire et le brainstorming de groupe. L’identification de ce qui a marché ou n’a pas marché permet d’aiguiller la réflexion.
  • Choisir de façon concertée les thèmes de capitalisation[6] et de valorisation d’expériences puis désigner les personnes responsables pour diriger le processus de capitalisation des connaissances. Les employés chargés de conduire le processus pour chaque thème ainsi que leurs collègues et partenaires/personnes-ressources sont entraînés dans la rédaction de fiches de capitalisation d’expériences, d’études de cas ou de systématisation de bonnes pratiques.
  • Comparer différentes solutions qui ont été mises en œuvre dans la pratique, les évaluer en termes d’objectifs de l’entreprise cible et utiliser ceci comme base pour déterminer quelles sont les meilleures procédures pour aboutir à la réalisation des objectifs.
  • Aborder à la fois l’aspect interne et externe de la circulation de l’information, la dynamique d’échanges qu’elle entraîne et la concertation qui la facilite.
  1. Son rôle après.

Après la définition puis la mise en œuvre de la stratégie de gestion des connaissances dans l’entreprise, le GC doit continuellement veiller, peaufiner ou l’ajuster face aux changements. Pour innover, on a besoin d’apprendre et de transmettre, ce qui ne peut se faire sans une certaine flexibilité. Le gestionnaire des connaissances s’intéresse donc à tester toujours de nouvelles approches, à favoriser la créativité, à innover sans cesse et à développer une capacité d’anticipation sur les événements pour ne pas les subir tout le temps.

Un métier dynamique

La gestion des connaissances est un métier protéiforme dans lequel on retrouve pêle-mêle les outils collaboratifs, l’intelligence économique, l’entreprise apprenante, les réseaux sociaux, etc. Ces différentes facettes se concentrent autour d’une même préoccupation : celle d’une organisation scientifique et rationnelle du savoir détenu par l’entreprise.

Exercer cette profession nécessite donc la mobilisation de compétences à la fois techniques (savoir sélectionner des outils de codification) et sociales (savoir animer un réseau) mais également relationnelles voire rhétoriques (savoir convaincre de la valeur ajoutée du management des savoirs).
 

Notes et références

[1] Les connaissances sont un ensemble précis et circonscrit d’informations, capable d’apporter un changement ou d’inspirer des actions plus efficaces dans un contexte élargi pouvant alimenter un nouvel apprentissage et de nouvelles connaissances. Elles proviennent des expériences et leçons tirées de la mise en œuvre d’activités.
 

[2] Michael J. Earl and Ian A. Scott, « What Is a Chief Knowledge Officer? », MIT Sloan Management Review (blog), consulté le 31 mai 2019, https://sloanreview.mit.edu/article/what-is-a-chief-knowledge-officer/
 

[3] La capitalisation des connaissances est un processus dont l’objet est de constituer un capital à partir des informations ou connaissances disponibles dans une organisation afin de les valoriser par leur mise à disposition auprès d’autres institutions ou acteurs. Elle est conçue pour que l’expérience de chacun ne reste pas confinée au niveau individuel, mais serve le collectif dans un mouvement de partage des connaissances, ce qui lui confère un aspect participatif dans son déroulement.
 

[4] Ngnaoussi Elongue C. Christian, « Développer un système de gestion des connaissances en entreprise », Thot Cursus, consulté le 31 mai 2019, https://cursus.edu/12181/developper-un-systeme-de-gestion-des-connaissances-en-entreprise
 

[5] NORDEY, Patrice. Knowledge management : Stratégie, méthodologie et technologie. BNP Paribas, 2002
 

[6] Selon les organisations, ces thèmes peuvent varier. Le plus souvent, on veut capitaliser les connaissances sur des thèmes comme : l’information et la communication, la formation, la contractualisation de partenaires, le financement, la planification et le suivi-évaluation ou le transfert de technologies.


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