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Publié le 14 mai 2013 Mis à jour le 14 mai 2013

Focus Pédagogie #2: Les projets pédagogiques ne s'improvisent pas!

2e article de Focus Pédagogie: 2e article de Focus: petit tour d'horizon de l'apprentissage par projets. Quid des résultats...

Date: 14 mai 2013 au 09 mai 2017

Par Catherine REVERDY, Chargée d’étude et de recherche au service Veille et Analyses, Institut français de l’Éducation (ENS de Lyon)

Apprendre avec les projets est devenue une pratique répandue dans l’enseignement supérieur. C’est une méthode pédagogique dite active (les apprenants sont en position d’activité) qui est définie plus précisément par deux points essentiels : un problème qui sert de fil directeur aux activités réalisées pendant le projet, et un produit final auquel ces activités aboutissent et qui apporte la solution au problème.

L’apprentissage par projet est habituellement classé comme un type de démarche d’investigation (dont un exemple est le programme « La main à la pâte » mis en place en sciences à l’école primaire). Il en existe d’autres types, comme l’apprentissage par la résolution de problèmes (problem-based learning, d’abord utilisé en médecine), lors duquel les étudiants explorent toutes les solutions possibles d’un problème complexe à résoudre. Il existe également l’apprentissage par l’étude de cas (case-based learning) ou l’apprentissage par la conception (design-based learning), davantage centré sur la réalisation technique du produit final et utilisé par exemple en architecture.

Les avantages de l’apprentissage par projet sont nombreux d’après la recherche portant sur le sujet : construction des connaissances et des compétences par tâtonnement et en situation, ce qui favorise leur acquisition sur le long terme ; prises de décision collectives par échange avec les pairs ; engagement des étudiants dans la tâche ; développement de leur autonomie ; maturation d’un projet professionnel, etc.

Pour savoir si ce type d’apprentissage a un impact sur l’apprentissage des étudiants, plusieurs études (comme en astronomie en premier cycle, voir Barab et al.2000, ou en filière d’ingénieurs, voir Galand & Frenay, 2005 ; voir aussi les revues de littérature de Barron & Darling-Hammond, 2010 et de Helle et al.2006) indiquent que les résultats des étudiants sont parfois meilleurs dans la ou les disciplines étudiées, mais qu’il n’y a pas d’effets négatifsde l’apprentissage par projet sur les apprentissages « classiques » des étudiants. Les compétences transversales (comme résoudre un problème, exercer sa créativité ou son esprit critique) ou les sentiments comme la confiance en soi sont améliorés par ce type d’apprentissage.

Helle et al. (2006) ajoutent cependant que les études qu’ils ont passées en revue se limitent la plupart du temps à des descriptions de mise en place de projet sans cadre théorique solide, sont rédigées souvent par les concepteurs des projets et non des chercheurs en éducation et sont loin d’être précises sur les conditions méthodologiques utilisées (montrer l’efficacité d’une pratique pédagogique sur une autre implique nécessairement des difficultés d’ordre méthodologique, voir par exemple Proulx, 2004).

L’apprentissage par projet demande de la part des étudiants un engagement important, à maintenir sur le long terme. Leur motivation et le soutien de l’enseignant sont donc nécessaires à la réussite de leur projet. De nombreuses recherches ont montré que l’apprentissage par la résolution de problèmes avait un effet positif sur la motivation, mais peu d’études montrent rigoureusement le lien entre motivation et apprentissage par projet, même si la motivation intrinsèque des étudiants semble augmenter grâce aux projets (Helleet al., 2007).

Une étude à grande échelle (Bédard et al.2012) s’est intéressée à l’engagement dans la tâcheet la persévérance de 480 étudiants de premier cycle en médecine et en filière d’ingénieur à l’Université de Sherbrooke, filières incluant des apprentissages par la résolution de problèmes, et des apprentissages par projet en plus pour la filière d’ingénieur. Des quatre types de variables classiquement utilisées (auto-efficacité, stress, connaissances méta-cognitives, croyances et conceptions), celui qui prédit le plus l’engagement dans la tâche n’est pas l’auto-efficacité comme on pourrait le penser, mais le stress. De même pour la persévérance des étudiants, mais dans une moindre mesure. Pour réduire ce stress, les étudiants apprécient l’autonomie qu’on leur accorde lors de l’apprentissage par projet, les temps d’échange avec les pairs et la mise en place d’une évaluation formative avant les évaluations finales.

L’étude très complète de l’efficacité du programme Candis 2000 à la Faculté des sciences appliquées de l’Université catholique de Louvain (concernant 380 étudiants de première année en septembre 2000, voir Galand & Frenay, 2005) nous renseigne sur les difficultés et les réussites de la mise en place d’un apprentissage par problèmes et par projets dans des filières universitaires d’ingénieurs. Les auteurs de cette étude notent des changements positifs dans les habitudes de travail des étudiants, des gains de compétences en résolution de problèmes et en connaissances théoriques. Ils notent également une modification des pratiques enseignantes qui se traduit par une plus grande contextualisation de leur enseignement, par un soutien accru des étudiants et par une collaboration entre les disciplines. Une concertation permanente entre chercheurs en éducation et praticiens (notamment pour redécouper et réorganiser le curriculum, ce qui n’a pas été facile), la mise en place d’outils d’évaluation communs, le rôle affirmé et central d’un leadership intermédiaire sont parmi les facteurs importants de réussite.

Pour aider les enseignants à mettre en œuvre une démarche de projet, des plateformes en ligne se sont développées, comme celle de la Georges Lucas Foundation, Edutopia (voir sarevue de littérature actualisée sur l’apprentissage par projet), ou comme le site du Buck Institute for Education et ses ressources pour les enseignants (voir aussi son ouvrage de2012).

Pour Parmentier (in Romainville & Rege Colet, 2006), il existe des leviers institutionnels qui permettent d’améliorer la qualité de l’enseignement universitaire, en prenant appui sur ce qui a été réalisé à l’Université catholique de Louvain. Il préconise d’abord une formation de qualité soutenant et accompagnant les enseignants (voir également Barab et al.2000 et Marxet al., 1997) ; un soutien institutionnel et financier réservé aux innovations pédagogiques (voir également De los Ríos et al.2010, pour la création d’un département de projets au sein de l’Université polytechnique de Madrid), et enfin la mise en place d’un projet commun pour l’ensemble de l’institution.

On le voit, les conditions dans lesquelles se déroule un apprentissage par projet sont particulièrement sensibles pour la réussite des étudiants. Le rôle de l’enseignant est bien entendu central, puisqu’il doit pouvoir à la fois assurer une solide structuration de son projet et accompagner chaque étudiant dans sa recherche d’autonomie et dans son apprentissage. Ceci ne peut se réaliser dans l’improvisation et nécessite un environnement large et bienveillant, s’appuyant par exemple sur un projet d’équipe, dans un cadre propice au travail collaboratif. Beaucoup de défis en perspective.

 

Pour aller plus loin, voir le Dossier d’actualité Veille et Analyses IFÉ, n° 82, paru en février 2013 : Des projets pour mieux apprendre ?, dont la bibliographie complète est disponible en ligne.

Bibliographie

  • Barab Sasha, Hay Kenneth E., Barnett Michael & Keating Thomas (2000). « Virtual solar system project: Building understanding through model building ». Journal of Research in Science Teaching, vol. 37, n° 7, p. 719-756.
  • Barron Brigid & Darling-Hammond Linda (2010). « Perspectives et défis des méthodes d’apprentissage par investigation ». In CERI (dir.). Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique. Paris : OCDE, p. 213-240.
  • Bédard Denis, Lison Christelle, Dalle Daniel et al. (2012). « Problem-based and project-based learning in Engineering and Medicine: Determinants of students’ engagement and persistance ». Interdisciplinary Journal of Problem-based Learning, vol. 6, n° 2, p. 7-30.
  • Buck Institute for Education (2012). L’apprentissage par projets au secondaire. Guide pratique pour planifier et réaliser des projets avec ses élèves. Montréal : Chenelière Éducation.
  • De los Ríos Ignacio, Cazorla Adolfo, Días-Puente José M. & Yagüe José L. (2010). « Project-based learning in engineering higher education: Two decades of teaching competences in real environments ». Procedia. Social and Behavorial Sciences, vol. 2, n° 2, p. 1368-1378.
  • Galand Benoît & Frenay Mariane (dir.) (2005). L’approche par problèmes et par projets dans l’enseignement supérieur : Impact, enjeux et défis. Louvain-la-Neuve : Presses universitaires de Louvain.
  • Helle Laura, Tynjälä Päivi & Olkinuora Erkki (2006). « Project-based learning in post-secondary education – theory, practice and rubber sling shots ». Higher Education, vol. 51, n° 2, p. 287-314.
  • Helle Laura, Tynjälä Päivi, Olkinuora Erkki & Lonka Kirsti (2007). « “Ain’t nothin’ like the real thing”. Motivation and study processes on a work-based project course in information systems design ». British Journal of Educational Psychology, vol. 77, n° 2, p. 397-411.
  • Marx Ronald W., Blumenfeld Phyllis C., Krajcik Joseph S. & Soloway Elliot (1997). « Enacting project-based science ». The Elementary School Journal, vol. 97, n° 4, p. 341-358.
  • Proulx Jean (2004). Apprentissage par projet. Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec.
  • Romainville Marc & Rege Colet Nicole (dir.) (2006). La pratique enseignante en mutation à l’université. Bruxelles : De Boeck.

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