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Publié le 13 mai 2019 Mis à jour le 03 mai 2022

Une micro-ferme au cœur de Versailles. Témoignage.

Une expérimentation agricole, inspirée de la permaculture, sur un site classé au cœur de la ville.

« Manger local » est de plus en plus à la mode, mais l’expression mérite des précisions : si un « circuit court » n’aura pas plus d’un intermédiaire entre le producteur et le consommateur, d’autres appellations comme « local » ou « de proximité » demeurent plus imprécises. En fonction de l’interprétation (propre à chaque distributeur) les produits sur nos tables auront parcouru des distances comprises entre 30 et… 160 kilomètres !

Mais comment fait-on pour produire du « local » au cœur d’une ville ?  L’agriculture urbaine entre difficilement dans des cases. Comme le montre cette vidéo, le terme englobe différentes formes d’activité, dont la mise en œuvre dépendra du contexte local.
(Source CEREMA - Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement)

 A chaque contexte, son projet

Ces quelques mots résument l’échange avec G. Degroote, entrepreneur militant qui, après 15 ans de conseil en responsabilité sociétale d’entreprise, décide d’expérimenter une forme d’agriculture urbaine, une micro-ferme - biologique et inspirée de la permaculture - au cœur du plus ancien quartier de Versailles.

Nous lui avons posé quelques questions.

Pourquoi Versailles ?

A la fin du XVII siècle le jardinier de Louis XIV, La Quintinie, conçoit le Potager du Roi, un jardin fruitier et potager de 9 hectares qui nourrira la table du Roi et de sa cour. La Quintinie est un peu le précurseur de la culture des primeurs : il utilise des techniques novatrices pour l’époque, comme la culture sur couche chaude. Il créera un site productif et beau, tout en participant au progrès dans la connaissance des plantes. Son héritage a fait la renommée des maraîchers parisiens du XIX siècle et inspire même des contemporains (méthode bio-intensive à la française)

Au cœur de cette même ville (où j’ai passé mon enfance) nous avons voulu régénérer un terrain en friche de 3 000 m² sur un ancien bassin d’eau qui alimentait précisément le Potager du Roi.
Un site classé, au cœur de la ville, dans un quartier en pleine rénovation urbaine.

Cultiver au cœur d’une ville, c’est compliqué ?

En ville le premier défi est d’accéder à la terre dans la durée : les sites qui restent non constructibles sont souvent classés ou protégés ou trop pollués. J’ai eu la chance d’obtenir une autorisation du Château de Versailles pour réhabiliter ce terrain…en le cultivant.

Les surfaces en ville sont réduites et il faut apprendre à optimiser l’espace, à associer les cultures et à maximiser les rotations. Les ressources nécessaires peuvent être trouvées aux alentours : ma terre vient du plateau de Saclay à 15 km d’ici, l’eau est récupérée des toitures des immeubles voisins… mais acheminer le tout jusqu’à la ferme s'est avéré parfois compliqué, les engins ne passent pas toujours ! En revanche les bras volontaires ne manquent pas.

La plus grande difficulté reste de trouver le juste équilibre de financement, au moins pour couvrir l’investissement de départ : dans mon cas, cela a été possible grâce à une entreprise qui installe son nouveau siège social juste en face et qui m’a apporté le soutien financier et l’appui nécessaire.

Peut-on vivre du maraîchage sur petite surface en région parisienne ?

Même optimisée, la production agricole ne suffit pas pour générer des revenus suffisants ; j’ai prévu d’organiser des ateliers pédagogiques et de formation, notamment à destination des écoles avoisinantes et des séminaires d’entreprises, pour faire de ce site-jardin un lieu d’innovation et d’inspiration pour la transition écologique.

Toutefois, pour comprendre réellement le modèle économique, il faut s’intéresser aux externalités positives du projet : la captation carbone en est un exemple évident, mais il y en a d’autres. Une ferme peut être un maillon dans la chaîne de recyclage de matière organique issue du tri des déchets. J’envisage, en synergie avec d’autres acteurs locaux (ex. des commerces du quartier) d’investir dans un composteur électromécanique, qui transformera plus vite les déchets organiques du quartier en compost (réutilisé pour nourrir mon sol ou revendu).

Autre exemple : nombreuses collectivités locales réalisent de gros œuvres (coûteuses) pour enterrer des réservoirs de collecte d’eau en cas d’excès de précipitation, pour contrer le risque d’inondation dans un contexte de changement climatique.  Une micro-ferme avec des bassins d’eau devient une zone tampon supplémentaire dans une ville et ce service est potentiellement monétisable.

Trouver la viabilité du projet est l’une des raisons de mon aventure, je veux créer un écosystème durable et démontrer que cela peut être répliqué, même si chaque projet s’adapte aux spécificités du territoire.

Pensez-vous que ces fermes pourront nourrir les villes ?

Je vous donne quelques chiffres de l’Institut de l’aménagement et de l’urbanisme : l’Île de France compte 12 millions de franciliens et 5 000 exploitations agricoles, principalement dédiées à la culture du blé. En 40 ans les deux tiers des exploitations ont disparu, on estime une perte annuelle de 2 000 hectares de terre agricole par an.

Les micro-fermes urbaines ne peuvent pas produire assez. Les exploitations périurbaines sont la clé, comme sur la ville de Rennes. Il faut sanctuariser ces terres à l’extérieur des villes qui peuvent réellement produire en quantité.
Une micro-ferme comme la mienne sert principalement comme pont entre la ville et le périurbain, elle permet une prise de conscience et d’essaimer des connaissances en techniques agricoles.

En Île-de-France, 40% des agriculteurs part à la retraite dans trois ans. Que vont devenir ces terres et qui va les cultiver ?

Illustration : CLAP©

Références

Pour découvrir le projet : La Ferme de Nature & Decouvertes
http://lafermenatureetdecouvertes.fr  et https://clapfrance.com/

Les cahiers de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme n 173. « Une métropole a ma table ».
https://www.iau-idf.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1277/C173_web.pdf (2011)

Pour se former au maraîchage bio intensif : P. et C. Hervé-Gruyer. « Vivre avec la terre. Manuel des jardiniers maraîchers ». Actes Sud.
https://www.actes-sud.fr/vivre-avec-la-terre (2019) (Dernière consultation : mai 2019)


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