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Publié le 13 mai 2019 Mis à jour le 13 mai 2019

Identités professionnelles : le cas des apprentis ingénieurs CESI en Apprentissage Actif Par Projets - Thèse d'Alexandra Badets

Mutation identitaire d'une école et de ses éléves

L’objet de la thèse

Le CESI est une école d’ingénieur qui développe l’Apprentissage Actif Par Projets, dite A2P2, pour des apprentis depuis 2015. Le cœur du cursus est la conduite de projets pluridisciplinaires en groupes. Le travail de recherche questionne les « médiations et obstacles vécus par les apprenants dans la construction de leurs identités professionnelles dans ce dispositif »

La pédagogie A2P2 proposée est conçue comme un « théâtre d’expérimentation où jouer des rôles d’ingénieurs ».

Deux hypothèses sont posées

  • La première est que l’A2P2 affecte le développement identitaire des apprenants.
  • La seconde, est que les interactions dispositif/dispositions influent sur leur vécu.

La méthode de recherche est un recueil des données à visée compréhensive sur les 3 ans du cycle ingénieur concerné, soit 31 entretiens qualitatifs auprès d’apprenants et une enquête quantitative avec 587 apprenants.

L’approche est centrée sur le discours des apprenants et est triangulée par un recueil de données auprès de tuteurs et des résultats d’évaluations.  Les résultats confirment la présence d’indicateurs de construction des identités professionnelles imputables au dispositif via la répétition de schémas d’action.

Le cadre théorique

L’A2P2 s’inscrirait dans une pédagogie contingente, expression est utilisée par Philippe Carré pour décrire des dispositifs qui contribueraient « à relativiser emballements technologiques et modes éphémères, et à remplacer la quête permanente du Graal pédagogique par la juste mesure des poids respectifs des dispositions et des contextes d’apprentissage ». Le dispositif innove en même temps qu'il travaille sur l'innovation. La réflexion pour l’action permet d’anticiper les besoins des apprenants, d’ajuster des écarts et de faire émerger des modalités pédagogiques au plus près des interactions dispositifs/dispositions observées.

Les constats formulés

Pour l’auteur, la conception d’un dispositif qui se poursuit au cours même de son usage par le moyen de dialogues entre différents acteurs lors de la conception, de la production et de l’utilisation, est une innovation permettant d’interroger en permanence les buts des apprenants, ce qui favoriserait leur construction identitaire.

Le travail de thèse montre que la réflexivité continue, la clarification des objectifs de chaque outil et situation pédagogique au regard de leur usage réel par les apprenants interroge l’identité même du dispositif et également de l’institution qui le porte. La question renvoyée à l’institution porte sur les synergies entre professionnalisation d’une part, et exigences académiques liées à un niveau de connaissances d’autre part.

L’identité des apprentis se construit en effet entre préparation à une profession et acquisition de connaissances scientifiques. Cette question interroge l’histoire du CESI qui a été d’abord conçu comme un organisme de formation professionnelle et qui cherche à se rapprocher du modèle de grandes écoles plus traditionnelles. À l’inverse d’autres écoles d’ingénieurs qui font le parcours inverse.

Cette tension institutionnelle perçue, traverse les interactions entre apprenants et dispositif et entre différentes dynamiques identitaires d’apprenants, entre l’excellence académique de la grande école et la professionnalisation de la formation. Le CESI, en tant qu’entité dynamique et apprenante, serait aussi en cours de transition identitaire. Par ailleurs devenir ingénieur passe aussi par un « devenir un collectif » d’ingénieurs formés avec un sentiment d’appartenance et de fierté d’appartenir à la même école.

Cette mutation identitaire est le propre d’une école porteuse d’innovation : « faite de la recomposition des attitudes et des pratiques professionnelles » (Cros, 1997,p22), l’innovation de formation passe par « la transformation du rôle de l'encadrement, le décloisonnement entre les services ».

Cette innovation pour se développer s’appuie sur un « laboratoire d’idées » dont les « acteurs bougent », et où les « controverses » peuvent s’exprimer pour être régulées. C’est parce que l’institution serait apprenante que les critères nécessaires à l’enracinement d’une innovation seraient présents.

La pédagogie observée qui consiste à apprendre par soi-même nécessite un effort cognitif ou la transformation de soi-même est souhaitée. Sinon l’alternance peut échouer au développement des identités professionnelles. Le travail de groupe, les interactions permanentes, sont insuffisants sans engagement pour se reconnaitre et se légitimer en tant que futur professionnel. « L’accompagnement par les encadrants comme un outil d’apprentissage sur soi » et la « médiation d’un tiers garant des règles de l’environnement » entre les individus et les groupes et les environnements professionnels et académiques facilitent la confirmation d’identités projetées.

L'école, espace de réflexion et de construction

L’A2P2 peut être considéré comme un « espace social de rapports individuels et collectifs », qui porte un « potentiel de redéfinition des identités ».

À partir du vécu des apprenants l’auteur propose une  pyramide des besoins à combler pour l’engagement dans une transition identitaire en formation; adaptée de Maslow

  • Besoins de légitimation (confiance et reconnaissance des autres)
  • Besoins d'appartenance et d’identification (identité collective)
  • Besoin d’efficacité personnelle (confiance en soi)
  • Besoins de sécurité psychologique (environnement bienveillant)
  • Besoins motivationnels (identité projetée)

Pour l’auteur  les buts attribués à la formation sont les besoins primaires à combler, afin d’enclencher un engagement dans le dispositif.

Il rejoint la question des besoins fondamentaux auxquels répondre pour que les situations d’apprentissage mènent à l’appropriation d’un « répertoire de capacités durables pour agir » (Mayen, 2007).

Trois conditions pour réussir la professionnalisation seraient à réunir

  • une « analyse de l’acte professionnel » en amont par les concepteurs des situations
  • une analyse des buts des apprenants
  • un accompagnement à l’émergence des professionnalités

Il s’agirait donc de ne pas diminuer les écarts entre école et terrain, mais au contraire les cultiver, et de valoriser les espaces de réflexion sur l’action, pour en convertir les ressources.

Une très belle thèse qui nous aide à penser l’alternance et sa réussite.

 

Source

Thèse à télécharger : Médiations et obstacles transitionnels dans les interactions dispositions/dispositifs étayant la construction des identités professionnelles : le cas des apprentis ingénieurs CESI en Apprentissage Actif Par Projets
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02018832

 


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