Interview université : Pierre Mongin, cartes mentales un jour, cartes mentales toujours

Cette série d'interviews présente des personnalités selon le même angle de vue sur le thème de l’université.

Pourquoi avoir choisi de mettre en avant Pierre Mongin ?

L’histoire de Pierre et la mienne se croisent et se recroisent sans jamais avoir eu la possibilité de passer un temps ensemble. Pierre, c’est le papa du Mind Mapping sur MOOC GdP. C’est un des premiers exercices que l’on donne aux étudiants et moi j’ai coordonné 3 ans la fin de MOOC GdP avec l’exercice appliqué sur projets réels du GdP-Lab. Plus tard, il m’a envoyé l’édition du dernier de ses livres.

Avec cette interview c’était l’occasion de le connaître un peu plus et de découvrir qu’on avait plus d’un point commun dont celui d’aider les projets de nos alumni africain, les technologies… Je remercie Pierre, aussi rédacteur chez Thot Cursus d’avoir bien voulu répondre à mes questions.

En général, une thèse c’est le point d’orgue d’environ 10 ans de parcours universitaire étudiant, avant de devenir Maître de conférence puis professeur. Toi, tu n’as pas fait de thèse pourtant tu as été professeur associé à l'université et aujourd’hui tu enseignes à des professeurs d’université alors que tu es en retraite. Peux-tu nous expliquer ton parcours ?

La vie est une succession d’événements qui ne sont pas forcément programmés. Après une carrière de directeur d’Office d’HLM (logements sociaux) où le système m’avait demandé de devenir fonctionnaire en 1984, lors de la « privatisation » de l’Office en 1990, on m’a demandé de repasser au privé, je suis resté fonctionnaire. Je  suis rentré dans l’organisme de formation de la Fonction Publique Territoriale.J’ai repris des études de consultant de la Fonction Publique à l’Université d’Aix Marseille et ai mené une carrière d’ingénierie pédagogique en même temps que professeur associé à l’Université de Lille. Il est possible d’enseigner à mi-temps avec les diplômes que je possédais.

2. Tu n’as pas publié de thèse pourtant tu as publié plusieurs livres ?  Peux-tu nous en dire quelques mots ?

Lors d’une mission à l’étranger en 1992, j’ai découvert le mind mapping et j'ai écrit ou co-écrit depuis 19 ouvrages sur le sujet (voir www.mindmanagement.org) Certains sont traduits en japonais, coréen, vietnamien, espagnol, italien …Leur thème central est le mind mapping (ou encore cartes mentales, idéateurs au Québec, ou cartes heuristiques). C’est une représentation visuelle de l’information mimant le fonctionnement en réseaux des neurones de notre cerveau. Ils ont tous pour but d’aider à lutter contre l’infobésité croissante de notre monde envahi par ces lianes électroniques qui nous ligotent de plus en plus .

3. Certains sujets sont plus polémiques que d’autres,certains contextes professionnels plus tranquilles que d’autres ? Peux-tu nous en dire plus sur tes rapports avec des profs qui ont produit leurs thèses, sur tes anciens employeurs qui peuvent donner un éclairage différent par rapport à un parcours professoral classique ?

L’objectif du recrutement des professeurs-associés à l’Université est de créer des passerelles entre le monde professionnel et l’Université pour coller à l’évolution des besoins en formation des entreprises au fur et à mesure du temps. C’est une manière d’apporter de la diversité à l’intérieur de l’Université, basée essentiellement sur des recrutements de docteurs dont les thèses datent de leur embauche. Ce qui dans la plupart des domaines nécessitent des ajustements continus.

4. Aujourd’hui, l’image que l’on a de toi est d’être un homme qui a bien réussi sa carrière professionnelle. Quelle est la place qu’a joué ta non-thèse dans ta réussite ? Est-ce que cela t’a ouvert des portes ? Ou au contraire, est-ce que cela t’a cantonné dans une voie ou une localisation plutôt qu’une autre ?

L’image d’avoir réussi sa carrière est quelque chose de très relatif. L’important est d’avoir contribué au bien commun et non précisément à sa carrière. L’approche systémique en formation est fondamentale alors que le découpage en disciplines universitaires doit être complété par des passerelles entre les « silos ». La formation distincte de la psychologie en faculté de sciences humaines et celle du corps en facultés de médecine est un exemple connu.

Le mind mapping est précisément une méthodologie transversale qui m’a permis d’enseigner dans différentes universités et dans différentes disciplines. Cela m’a ouvert de nombreuses portes à cause du caractère un peu universel de cette technique visuelle et des gains de temps apportés en créativité, veille, et rédaction.

Certains de vous connaissent les concours de présentation de thèse en 180 secondes : https://threeminutethesis.uq.edu.au/  les vainqueurs utilisent très souvent les cartes mentales ou conceptuelles pour réussir à faire passer leurs messages.

5. Si tu pouvais recommencer à zéro ou choisir un autre sujet, quel serait-il ?

Je ne changerais pas de sujet tellement les cartes mentales sont, pour moi, un patrimoine de l’humanité ! Elles apportent un changement de forme aussi considérable que le passage des chiffres romains aux chiffres arabes (qui a pris 17 siècles ). En effet, pour faire une multiplication en chiffres romains il fallait avoir un sacré niveau, (par ex : 888 en chiffres arabes nécessite 12 caractères en chiffres romains) , alors qu’avec les chiffres arabes, un enfant de 10 ans peut effectuer des multiplications importantes. C’est la forme qui a changé, pas le fond, il faut toujours compter des quantités. La représentation en arborescence des idées ressemble à la manière dont notre cerveau et Internet fonctionnent.

6. Si tu as un conseil à donner à quelqu’un qui doit choisir un sujet de thèse, quel serait-il ?

Utiliser les cartes mentales pour collecter tout au long du temps de la thèse, toute la documentation nécessaire est aujourd’hui une bonne idée. Ensuite classer hiérarchiquement les idées ou les résumés en paragraphes attachés à une idée, avant de l’exporter en document texte d’un seul clic. Chaque nœud de branche peut recevoir une image, des liens hypertextes pointant vers n’importe quelle page du web, ou fichier de votre ordinateur (traitement de texte, classeur, questionnaire,vidéo …)

Les cartes mentales ont ceci de magique, c’est de pouvoir se concentrer plutôt sur le fond que sur la forme. Le confort apporté par l’exportation vers un traitement de texte, en deux clics et votre thèse sort paginée, est incomparable.

Il faut aussi  transmettre à nos doctorants l’idée qu’un bon vulgarisateur est un bon chercheur. Le physicien Richard Feynman, par exemple, prix Nobel en 1965 pour sa contribution majeure dans le développement de l’électrodynamique quantique, était aussi très bien connu pour refuser toute invitation à des séminaires et colloques de recherche, focalisant son effort de transmission au profit du « grand public », lors de conférences destinées à des non-spécialistes ou de livres passionnants, pleins d’humour, magnifiquement écrits : http://www.student.uwa.edu.au/__data/assets/pdf_file/0007/1919239/How-to-write-a-thesis-A-working-guide.pdf

7. Si tu devais résumer le tout en une phrase, quelle serait-elle ?

“Cartes mentales un jour, cartes mentales toujours”

8. De ton point de vue à la fois de professeur et de non thésard, comment le modèle ou les système des thèses pourrait être amélioré pour correspondre aux nouvelles possibilités techniques et sociales ?  

J’entends souvent les doctorants et les enseignants se plaindre de la non prise en compte de leurs contributions à des MOOC ou à leurs travaux publiés en ligne, puisqu’ils sont plutôt jugés sur leurs publications dans les revues papier existantes, même s’ils ont des versions Internet. Ce serait déjà une amélioration.

Source image : Stock Adobe par happyvector071 - Licence Virginie Guignard Legros

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