La gestion des connaissances (GC) est un facteur clé et déterminant pour la productivité, la performance et l’évolution de toute organisation. Cette démarche englobe l’ensemble des outils, procédés et ressources permettant de produire, conserver ou partager les connaissances circulant au sein-même de l’entreprise, mais aussi d’assurer le meilleur emploi possible des informations provenant de l’extérieur.
En s'appuyant sur l'expérience de gestionnaires des connaissances dans le secteur de la société civile, voici les principales phases dans la mise en place[1] d’un pareil système dans une organisation. Il s’agit notamment du repérage des connaissances, leur préservation, leur valorisation, leur création et leur partage, puis leur actualisation.
1- Identifier les dépositaires et sources de connaissances dans l'organisation
Avec la révolution digitale, les connaissances sont désormais dispersées et disséminées dans des supports, outils et espaces disparates. Des informations précieuses sont désormais disponibles dans des courriels, dans les interactions sur les réseaux sociaux, dans des discussions sur les forums, les blogs… etc. Dans une organisation, les connaissances peuvent aussi se trouver dans :
- L’expérience et les compétences du personnel
Il est essentiel d'éviter que des connaissances ou des compétences importantes soient détenues uniquement par quelques personnes, car si ces dernières s'en vont ou partent à la retraite, cette expertise pourrait être perdue pour l'entreprise. La performance de toute organisation dépend principalement de son personnel et non des technologies ou ressources financières disponibles. Pour devenir une organisation apprenante, il est capital de valoriser les employés et les encourager à partager leurs connaissances à leurs collègues ou successeurs et ce autant que possible. Il peut s’agir de la connaissance des clients, des partenaires, des particularités du marché ou de l’environnement professionnel. Pa rexemple, à l’Institut pour la Société Civile en Afrique de l’Ouest (WACSI), chaque employé est valorisé peu importe sa position, genre ou âge. Mais pour être efficient, le gestionnaire des connaissances doit identifier les dépositaires clés, ceux là qui disposent de connaissances inestimables pour l’entreprise, puis les encourager à partager par exemple à travers des séances de remue-méninges.
- Les conceptions et processus concernant les biens et services de l'entreprise.
Par exemple, la recherche et le développement (R&D) représentent une source vitale de connaissances pouvant aider à créer de nouveaux produits ou services innovants.
- Les fichiers de documents
Les fichiers, qu'ils soient stockés de façon numérique ou sur papier, contiennent des connaissances que vous pouvez utiliser afin d'améliorer vos produits, services, systèmes et processus[2]. Par exemple, la WACSI dispose de bases de données des Organisations de la Société Civile (OSC) avec lesquelles l’institution a collaboré, cela facilite la communication avec ces derniers lorsque de nouveaux programmes de formation ou évènements sont disponibles. En interne, un politique d’archivage facilite ainsi la conservation de toute publication ou documentation intervenant dans la réalisation des programmes.
- Les plans concernant les activités futures, telles que les idées de nouveaux produits ou services. Par exemple, les expositions et conférences peuvent fournir une façon simple de découvrir ce que font les concurrents et de voir quelles sont les dernières innovations dans votre domaine.
2 - Formaliser et centraliser les connaissances identifiées
Après avoir identifié les sources de connaissance, il est important de les formaliser puis de les centraliser. La formalisation revient tout simplement à trouver des façons formelles de partager les connaissances des employés en ce qui concerne les meilleures façons d'agir. Par exemple établir des directives procédurales basées sur les pratiques exemplaires des employés.
La centralisation quant à elle revient à les organiser dans un seul référentiel ou système pour en faciliter l’accès et la gestion. Cela accélère l'apprentissage et aide l’entreprise à prendre de meilleures décisions. Certaines organisations disposent ainsi d’un système intranet pour faciliter cette démarche.
3- Disposer d’espaces et d’outils permettant la production et le partage des connaissances
Quels sont les moyens et outils favorisant le partage des informations ou idées au sein de l'organisation ? Lorsque chaque membre de l'organisation è été sensibilisé à l’importance de la gestion des connaissances[3], il est important de créer des espaces et prévoir des outils ou occasions pouvant rendre cela possible.
Comme espaces de partage des connaissances, nous avons par exemple :
- les réunions hebdomadaires qui permettent de briefer les employés sur les programmes et activités en cours;
- des « Smart Session » ou tout employé peut partager un savoir ou expertise qu’il possède et juge utile pour le reste des employés;
- Les sessions de remue-méninges, des ateliers sur l’innovation ou même des tableaux blancs sont d’autres moyens pouvant leur permettre de partager des connaissances.
Il peut également être une bonne idée de créer une base de connaissances contenant des informations et des directives utiles sur la façon d'effectuer les tâches clés.
Comme outils, la technologie est essentielle mais pas incontournable. Le meilleur partage de connaissance peut s’opérer à travers une conversation face à face. Les outils technologiques très utilisés sont :
- Des bases de données qui organisent les informations afin que leur accès, leur gestion et leur mise à jour soient faciles. Par exemple, vous pourriez possédez une base de données des clients contenant leurs coordonnées, leurs commandes et leurs préférences.
- Un intranet est un réseau interne sécurisé destiné au seul usage de votre entreprise.
- Un extranet peut s'étendre aux clients et aux fournisseurs en interne.
- Les portails de veille qui sont des plateformes rassemblant toutes sortes d'informations pouvant éventuellement être utiles.
- Un accès à Internet (réseaux sociaux, forum, blog, moteurs de recherche…) qui est une source puissante de connaissances.
- Un logiciel de gestion des relations avec les clients vous aide à établir un profil de votre clientèle et de les cibler lors des campagnes de marketing.
- L'analyse des fichiers journaux du site Web nous aide à analyser de quelle façon les clients utilisent notre site Web afin d’améliorer son efficacité.
- Des systèmes pour analyser et classer les lettres des clients, les suggestions, les courriels, ce qui vous permettra d'identifier les tendances, d'améliorer le service à la clientèle et de créer de nouveaux produits, services et systèmes.
Quoique la technologie soit une puissante composante dans tout système de gestion des connaissances, il est important de s’assurer qu’ils sont adaptés ou appropriés à votre cible et que vous disposez également des moyens financiers ou techniques pour en assurer la maintenance régulière. Sinon, cela deviendra vite un fardeau.
4- Exploiter les informations collectées et organisées
Les espaces et outils technologiques facilitent la collecte et le traitement des informations mais aussi leur exploitation. Par exemple, une organisation ayant identifié la R&D comme un facteur clé de sa performance peut exploiter les données collectées de ce processus pour améliorer la qualité de leurs produits ou services et conserver une longueur d’avance par rapport à ses concurrents.
Voici d’autres exemples provenant d’une exploitation efficace des connaissances :
- L'amélioration de la satisfaction des clients en raison d'une meilleure compréhension de leurs exigences grâce aux rétroactions.
- Une augmentation de la qualité des fournisseurs, découlant d'une meilleure connaissance de ce que les clients veulent et de ce que votre personnel exige[4].
- La capacité de vendre vos connaissances à d'autres. Si vous disposez d’une expertise dans un secteur, la publication et commercialisation de documentation technique (manuel, guide, magazine…) peut permettre de générer des revenus. Vous pouvez également offrir des services de consultance.
- L'amélioration du rendement du personnel, car les employés sont en mesure de bénéficier des connaissances et de l'expertise des collègues afin de trouver la meilleure façon d'aboutir aux résultats. Ils se sentiront également plus appréciés au sein d'une entreprise dans laquelle leurs idées sont écoutées.
- De meilleures politiques en matière de recrutement et de dotation en personnel. Par exemple, si vous avez augmenté vos connaissances concernant ce que recherchent les clients, vous êtes davantage en mesure de trouver le personnel approprié pour les servir.
5- Valoriser et favoriser les retours d’expériences
Le retour d’expérience ou rétroaction, est un processus de partage de connaissances tacites acquises lors d’une expérience vécue et dont on tire des leçons, afin d’améliorer ou d’optimiser les actions futures. Un retour d’expérience[5] qui a lieu à la fin d’un projet ou après chacune des étapes d’un projet ou d’une activité, permet d’évaluer si les objectifs sont atteints et, s’ils ne le sont pas, de découvrir pourquoi.
Lors des échanges, le dialogue et la réflexion transforment l’expérience en connaissance et amènent une nouvelle articulation des connaissances. C’est une approche efficace dans des situations où il y a peu de marge d’erreur et peu de latitude dans le temps. Cela peut être aussi simple qu'un "pouce levé" ou un commentaire. Quoi qu'il en soit, le retour d’expérience améliore la qualité des services ou produits, et la performance de l'entreprise.
6- Établir une culture valorisant le partage des connaissances
Dans un monde idéal, la création et la mise à jour des connaissances devraient faire partie du travail de chaque membre d’une organisation. Afin de faciliter la collecte et l'exploitation des connaissances dans une organisation, on essaie d'établir une culture dans laquelle les connaissances sont valorisées. À la WACSI, le personnel est sensibilisé et informé sur l’importance des connaissances dans la performance organisationnelle et individuelle, les membres sont encouragés à partager leurs expériences et compétences et à adopter des modes de travail plus agiles et flexibles, centré non plus uniquement sur l’individu mais sur l’équipe. Il est également important de récompenser et encourager ceux qui suggèrent de nouvelles pratiques ou qui adoptent les outils et processus établis. Enfin, toujours évaluer et mettre à jour le système périodiquement
Une approche statégique
En définitive, pour améliorer la productivité et optimiser la performance d'une organisation, l’adoption d’une approche stratégique concernant l’identification, la collecte, l’exploitation et le partage des connaissances, est indispensable. Dans cette analyse, nous avons brièvement présenté une procédure pour intégrer efficacement une telle stratégie, en s’assurant que les membres de l’équipe dirigeante s’impliquent et supervisent l’adoption et l’usage par le reste du personnel de l’organisation. Quoiqu’il en soit, il est important de ne point perdre le capital de connaissances et d’expériences présents dans les personnes, processus et outils utilisés en entreprise et s’en servir avec succès.
Cédric Christian Ngouassi Élongué est gestionnaire des connaissances à la WACSI - West Africa Civil Society Institute
[1] Ehret Fanny, Mettre en place une démarche de gestion des connaissances en entreprise, 2011.
[3] Jean-Louis Ermine et al., « Un état francophone du champ du management des connaissances : la communauté GeCSO », Management Avenir N° 67, no 1 (6 mars 2014): 56‑77.
[4] Monica Mallowan, Vincent Liquète, et Lise Verlaet, « De la gestion des connaissances à l’économie des connaissances », Communication management Vol. 12, no 1 (2015): 5‑12.
Voir plus d'articles de cet auteur