Quand vient le moment de parler d’éducation, les débats sont courants sur de nombreuses facettes : approches pédagogiques, évaluations, objectifs de cours, etc. Pourtant, un thème reste quelque peu tabou, celui de la place du corps à l’école. En effet, les recherches sur le sujet sont plutôt rares et très peu abordées dans les médias, spécialisés ou non. Pourquoi ce rapport trouble au corps en éducation?
L’Institut français de l’Éducation (IFÉ) a décidé, en novembre 2018, de consacrer un dossier à ce sujet sensible que tous semblent vouloir glisser sous le tapis. Pourtant, s’il y a un endroit où le corps se transforme petit à petit aux yeux du corps professoral, il s’agit bien de l’école. Alors, qu’est-ce qui justifie ce malaise?
En fait, comme l’explique le document, les écoles jusqu’à l’entre-deux guerres ont surtout été pensées avec l’hygiène en tête. Il fallait que les établissements soient des lieux aérés et aient des ouvertures sur l’extérieur afin de susciter des environnements propices à l’apprentissage. Or, vers les années 2000, l’importance du bien-être des apprenants est devenu une préoccupation et on a constaté que la conception des écoles françaises imposait davantage au corps des élèves qu’elle ne leur laissait l’espace pour s’épanouir.
Ils doivent ainsi apprendre à grandir dans des corridors plus étroits, des salles de cours restreintes et, aussi, des milieux de vie pas toujours salubres. Par exemple, nous avons tous entendu des histoires de toilettes sales dans les écoles. D’ailleurs, un tiers des élèves se retiennent d’aller à la salle de bain de leur établissement. Cela a un effet sur le corps de ces apprenants (crampes, incontinence, infections urinaires, etc.) et, surtout, montre bien le tabou des écoles quand le sujet des besoins de base s’avère gênant.
L’EPS ou la mise au pas du corps
Ce qui ressort du dossier de l’IFÉ est la méfiance par rapport au corps des apprenants. L’école en est consciente mais elle veut absolument le dresser et s’assurer qu’il devienne obéissant. Particulièrement dans un contexte où il doit être passif une grande partie de la journée.
L’éducation physique et sportive (EPS) a alors désiré apporter un aspect où ce corps est mis en action et « cassé » aussi. Parce que si l’éducation physique offre des bienfaits pour l’autonomie, l’estime de soi, la gestion des émotions et la santé, cette matière ne sert pas vraiment à ce que les élèves apprivoisent leur corps. Au contraire, dans certains cas, elle crée des complexes chez ceux n’ayant pas la « forme optimale ».
La chercheuse Isabelle Queval écrivait en 2011 que particulièrement le poids corporel à l'école, qu’il soit léger ou lourd, devenait un synonyme de tout : de la bonne santé, de la beauté, etc. Or, cette approche se veut malsaine dans un contexte où les adolescents grandissent et passent par toutes sortes de changements physiologiques. Le dossier de l’IFÉ montre également le malaise des enseignants qui ne désirent pas vraiment prendre en compte et aborder ces transformations corporelles avec les jeunes. Une attitude qui accentue les problèmes de perception de soi chez les apprenants.
En conclusion, le document rappelle que si la France a beaucoup misé sur l’aspect intellectuel de l’école, il serait peut-être temps qu’elle se mette aussi à s’intéresser au corps des élèves. Si les cours d’EPS aident à s’en servir, il faudra une réflexion sur l’architecture, la salubrité et l’espace afin que le corps serve à plus d’une occasion.
Cela voudra dire penser une pédagogie où les apprenants sont mobiles et demandent de bouger leurs membres. Cela pourrait se manifester, par exemple, par des ateliers et laboratoires de type « fablab » qui exigent à la fois de se mouvoir pour effectuer des mouvements techniques tout en restant concentré sur une tâche.
Illustration : Sangudo 2017-11-03 VB | KU Eagles vs Augustana Vikings via photopin (license)
Références
Gaussel, Marie. « Que fait le corps à l’école ? » Ifé — Veille Et Analyses. Dernière mise à jour en november 2018.
http://veille-et-analyses.ens-lyon.fr/DA/detailsDossier.php?parent=accueil&dossier=126&lang=fr
« Le Sport à L’école : C’est Bien, Mais Pour Quoi Faire ? » Salto Magazine. Dernière mise à jour : 27 avril 2018.
https://www.saltomag.com/sport-ecole-pourquoi-faire/
Tourret, Louise. « Tout Le Monde Se Fiche Depuis Toujours Des Toilettes Scolaires (et C’est Un Problème). » Slate.fr. Dernière mise à jour : 31 janvier 2019.
http://www.slate.fr/story/161788/probleme-toilettes-ecole
Voir plus d'articles de cet auteur