Scénario pédagogique d’écriture collaborative en ligne par les élèves***
Un projet mis en oeuvre par les enseignants de 14 classes d’élèves, âgés de 9 à 12 ans et basés aux différents coins du monde.
Publié le 04 mars 2019 Mis à jour le 04 mars 2019
L'expression "conduite du changement" est désormais assimilée à une pratique linéaire descendante et hiérarchique à l'occasion de laquelle un petit nombre de dirigeants expliquent à la masse des collaborateurs qu'ils résistent aux évolutions en cours et que cela est inutile, car de toute façon, "le progrès", "les concurrents", "les clients", "les nouvelles technologies", "le marché", "l'intérêt général" n'attendent pas.
Choisissez l'épouvantail qui vous plait. Créez de l'urgence et du stress pour changer de la sorte et vous récoltez ce que vous semez. Parfois des consultants bien intentionnés convoquent la courbe du deuil pour faire passer la pilule amère. Mais les étapes identifiées dans un contexte de disparition d'un proche : choc, déni, colère, peur, tristesse, acceptation, pardon, renouveau, croissance sont-elles vraiment adaptées au contexte des organisations ? Cette vision psychanalytique semble de plus en plus contestées. Les sociologues disaient dans les organisations il n'y a que trois postures possibles : subir, fuir ou combattre. C'est aussi le titre d’un ouvrage d'Henri Laborit "L'éloge de la fuite" dont l'étude sur le comportement de rats soumis à des stress intenses fait écho au système de défense immunitaires des mammifères.
Mais, la bonne nouvelle est que les acteurs des organisations ne sont pas des rats. Ils sont plutôt des souris, ils cliquent le monde. Ils inventent une autre posture que les 3 postures bien identifiées. Cette quatrième posture est multiforme et elle est transgression, force d'inertie, subterfuge, déviance positive. Elle explose avec internet et les réseaux sociaux. En apparence tout est conforme, les ordres sont respectés mais en profondeur l'adhésion à l'injonction de changement est faible, les interprétations des consignes multiples.
Apprendre à se transformer est exploration. Apprendre à conquérir les cœurs est une tâche ardue, bien plus difficile qu'imposer un schéma organisationnel, un nouveau LMS ou une nouvelle doxa pédagogique. La pratique du change-management impose de l'humilité, de la souplesse et de l'empathie et quelques tours de main...
Incarner une vision, des postures, des valeurs
C'est la base. Sans vision, sans orientation incarnée dans des valeurs, le porteur de changement n'est qu'un bavard ou un carriériste de plus. C'est l'humilité de l'action et des échecs et réussites paisiblement assumés et partagés avec les autres qui construisent la vision. La vision est le fruit de boucles réflexives mêlant l'imagination à une transformation du rapport au monde. Ce qui compte vraiment et qui engage apparaît plus nettement dans l'action. La vision est moins le sens sorti d'un chapeau de dirigeant qui doit ensuite le porter qu'une construction collective.
Agir dans les interstices pour offrir des modèles ou des processus relationnels à imiter
« Je suis toujours prêt à apprendre, bien que je n'aime pas toujours qu'on me donne des leçons » aurait dit Churchill.
L'influence véritable est portée par et dans l'action. Inutile de discourir, il suffit de profiter de chaque moment pour expérimenter à la vue de tous la pratique que l'on imagine profitable. Si celle-ci est vraiment plus efficiente, elle sera adoptée simplement par un mécanisme d'imitation. En exposant les autres à des comportements ou en leur proposant de petites expériences, ils goûtent sans risques aux transformations visées et cela sans effort ni conflit. Ils adoptent ou rejettent l'idée comme bon leur semble. Le stress est inutile. C'est point par point, petite touche par petite touche que la trame d’ensemble se révèle. Les plus réticents rejoindront le mouvement un peu plus tard.
Créer des objets organisationnels décloisonnants
Les changements les plus profonds bougent les habitudes, les croyances et les routines. Mais il est difficile de se dessaisir de ce que l'on croît nous être consubstantiel : moi. Mon identité professionnelle est construite pour une part sur de la prévisibilité et de la maîtrise de tâche et d'événements. C'est pourquoi la création d'objets organisationnels obligeant plusieurs services, direction ou métier à collaborer pour aboutir à une définition ou un langage partagé, participe d'un décloisonnement et d'une exploration mutuelle.
Un objet organisationnel c'est un projet radical, une innovation de rupture, un service impossible, quelque chose d’hybride qui n’existait pas jusqu’alors dans l’organisation. S'y confronter ensemble et dépasser des épreuves renforce le sentiment d'efficacité collective qui nous grandit tous.
Transformer par les espaces
L’espace de travail ou d’apprentissage est un de ces objets organisationnels. Nombre de repères, de manière de travailler et in fine de procédures sont engrammés par la disposition des lieux. Le bureau du chef, la salle de réunion, les lieux de convivialité sont des symboles d'un ordre établi. La transformation des espaces est une des façons de transformer en profondeur les architectures invisibles (déterminants invisibles de non comportements) qui s'adossent aux circulations humaines bien visibles.
Pour s'en convaincre il suffit de visualiser des vidéos accélérées de situations, elles pointent le rôle de l'espace sur les comportements humains, déplacement, convivialité, coopération. Un changement de l'architecture visible modifie subtilement les architectures invisibles, ce qui se passe sous la couche d'épiderme de chacun.
Susciter des groupes de pionniers
Certains aiment avant les autres adopter de nouveaux usages. Ce sont les pionniers. Accueillons cette envie. Les réunir, les faire coopérer, leur lancer des défis génère une énergie collective ou le tout possède un effet d'entraînement plus grand que la somme des parties. Ils sont des graines de transformation, des laboratoires d'idées, des bulles de contamination pour les autres. Alimenter et encourager ces foyers en continu produit un effet d'embrassement. Les cadres de l'action de demain seront recrutés parmi eux.
Passer des logiques panoptiques (réseau centralisé en étoile) à des inspirations holoptiques (réseaux décentralisés)
La conduite d'un changement piloté à partir du sommet hiérarchique vers la base se heurte à la mécanique des réseaux de communication. L'information circule mal de façon linéaire et centralisée. Souvenez-vous des échecs de l'omni-planification de l'union soviétique. Le centre est vite engorgé par une masse d'informations dont il ne sait que faire et les lignes de communication descendantes perdent de leur efficacité loin de l'émetteur.
L'inspiration holoptique se défait de l'illusion de tout régir. Elle s'emploie à propager et entretenir l'envie et laisse l'initiative aux acteurs. Favoriser l'holoptisme permet à de multiples points de communication de s'établir.
Créer des cadres à enfreindre pour générer de l'autonomie
Vous connaissez l'injonction paradoxale suivante. "Sois autonome" dis le chef. "À vos ordres chef" réplique le subordonné. Le paradoxe de l'apprentissage de l'autonomie peut être résolu. Il faut pour cela créer des cadres d'action et de référence. Ceux-ci seront enfreints la plupart du temps car la nature humaine comporte certes une part d'obéissance grégaire, mais surtout une part encore plus grande d'envie de liberté. Misons sur la liberté.
Parfois un cadre inachevé poussera à l'initiative individuelle et collective. La forme inaboutie porte en elle l'énergie de la finaliser. C’est comme le tracé inachevé d’un cercle dont on pressent la forme finale. C'est comme de l'énergie cinétique. Je tiens une balle dans ma main. Tant que je ne lâche pas la balle, elle dispose de tout son potentiel de mouvement. De même pour un dispositif d'apprentissage, tant qu'il paraît inachevé il génère des dispositions à apprendre. Rien à voir avec l'énergie mono-directionnelle d'un cours tout fait qui vous surplombe.
Faire de chaque acte organisationnel : prise de décision, apprentissage, action un acte coopératif
"On se transforme seul mais jamais sans les autres".
Créer une nouvelle culture pédagogique passe par l'établissement de liens nouveaux avec les autres parties prenantes du système. Encourager toutes formes de coopération renforce les liens au sein d'un collectif de la conception d'une ressource, à l'imagination d'un nouveau dispositif de formation jusqu'à son évaluation. Cette philosophie est simple à appliquer. Chaque geste peut porter cette attention à la coopération.
Agir sur les empreintes sensorielles
Avez-vous observé l'effet de la musique sur l'état émotionnel d'un groupe : apaisement, agacement, douceur. Même les personnes les plus insensibles à leurs propres états émotionnels se laissent happer. Imaginez un groupe de cadres rétifs à toute fantaisie. Imperceptiblement dans un séminaire, une réunion, un stage, laissez un filet de notes s'échapper. Sans faire de leçon de développement personnel vous avez subrepticement induit un état émotionnel qui va imprégner la rencontre avec une ambiance plus ouverte.
Créer des opportunités de leadership pour favoriser l'empowerment
Il existe une énergie dans les humains et les groupes qu’il est possible de libérer en laissant des marges d’initiatives. Rendre désirable un changement c’est permettre à ceux qui le souhaitent de prendre des initiatives et d’être co-auteurs du récit.
Être partie prenante de l’histoire est plus gratifiant que faire partie du décor. Toute l’énergie ne saurait être centralisée en un unique point, sinon c’est un déséquilibre ou le même qui « conduit le changement » pousse et tire en même temps.
Transformer une culture pédagogique c’est moins gérer du stress et des courbes de deuil et plus faciliter des courbes d’apprentissage. Cela passe par remplacer la conduite du changement par le développement du potentiel humain qui va permettre de générer des identités professionnelles désirables et sources de satisfaction. Cultiver la sécurité persoennelle en revenant aux sens pour toutes les personnes engagées
Un dirigeant se devra probablement d’alterner le dur (procédures, commandements) et le mou (culture relations humaines), ces deux énergies équilibrées mettent en mouvement un ensemble, font levier et facilitent les émergences. Enfin, utiliser le soft power informatique en réseau, la communication qui explique ce qui se met en place, en revenant sans cesse sur le sens et les bénéfices (réels pas supposés), permet de transformer une culture organisationnelle en douceur.
Sources
Sciences humaines – Combattre, fuir, subir
https://www.scienceshumaines.com/combattre-fuir-subir_fr_25520.html
L’éloge de la fuite http://www.article11.info/?Sur-l-Eloge-de-la-fuite-ou-la
Wikipédia – Henri Laborit https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Laborit
La courbe du deuil
http://www.kolibricoaching.com/le-changement/courbe-du-deuil-ou-courbe-du-changement-resistance-au-changement/
Open edition Le panoptisme horizontal ou le panoptique inversé
https://journals.openedition.org/ticetsociete/2029
Ritimo - Holoptisme https://www.ritimo.org/Holoptisme
Sentiment d'efficacité collective http://jean.heutte.free.fr/spip.php?article100
La transformation des organisations, changement ou métamorphose
http://4cristol.over-blog.com/la-transformation-des-organisations-changement-ou-m%C3%A9tamorphose
Les effets de la musique sur l’homme https://effetsdelamusiquesurlhomme.wordpress.com/
Thot cursus - Les architectures invisibles de formation
https://cursus.edu/12100/les-architectures-invisibles-de-formation
Wiktionaire – Engrammés https://fr.wiktionary.org/wiki/engrammer
Journal du Net - Injonction paradoxale ou le changement comme manipulation
https://www.journaldunet.com/management/expert/58514/l-injonction-paradoxale-ou-le-changement-comme-manipulation.shtml
Wikipédia - Planification en URSS
https://fr.wikipedia.org/wiki/Planification_en_URSS
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