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Publié le 04 février 2019 Mis à jour le 01 février 2024

Collaboration numérique et visibilité professionnelle - pratiques collaboratives - [Thèse ]

Un nouveau paradigme de collaboratif numérique

La thèse «Collaboration numérique et nouvelles formes de visibilité professionnelle» de Bernard Lombardo-Fiault, montre qu'une nouvelle forme de visibilité induite par le partage, qui fonde la collaboration numérique, peut être un frein ou un levier à l'adoption de la collaboration numérique et qu’il convient de l’objectiver dans la démarche de mise en place de plateforme sociale.

La thèse approfondit la connaissance du paradigme collaboratif, en propose une typologie des usages fondée sur leur valeur intrinsèque et sociale, une méthodologie d'adoption orientée vers la transformation locale des pratiques professionnelles quotidiennes ainsi qu'un indicateur de la « valeur » du comportement collaboratif, qui prend la forme d'un indice déterminé selon des modalités algorithmiques.

Des activités susceptibles de gain de productivité

La thèse rappelle les enjeux tout d’abord 50% de la productivité d'un employé dépend aujourd'hui de son environnement de travail digital, par ailleurs les pratiques collaboratives et sociales numériques sont une source potentielle de gains de productivité de 20 à 25%, en particulier pour des activités hebdomadaires que sont la lecture et la réponse aux e-mails, la recherche et la collecte d’informations, la communication et la coopération interne.

Des études montrent que le déploiement des pratiques collaboratives permettrait d’éliminer ces temps improductifs et d’augmenter la productivité des agents. Il s’agirait de construire un nouvel « allant de soi » au sens de Garfinkel (Garfinkel, 2007) sur le terrain des pratiques de la coopération professionnelle, considérer le nouveau « socle d’habitudes » comme un déterminant direct du comportement d’adoption imprégné d’activités visibles et partagées.

Une questionde de visibilité et d'entendement

La thèse s’efforce de mesurer la pertinence d’un indice collaboratif qui figure le comportement collaboratif digital d’un individu dans sa relation de production à l’organisation qui l’emploie. Il fonctionne comme un service de monitoring dans le domaine de la santé en donnant aux utilisateurs du service un retour réflexif sur l’évolution de leurs pratiques.

Ce faisant l’indice collaboratif renforce une visibilité des actions de chacun. La « visibilité » étant définie dans la thèse comme l'exposition manifeste à la vue, à l'entendement d'autrui. La visibilité est au cœur du brouillage des sphères personnelles et professionnelles. Dans le même temps internet favorise l’expression de comportements narcissiques mêlés à la volonté de définir soi-même les frontières de sa « vie privé » ; il s’agit pour chacun d’arbitrer « entre vie privée et sécurité ou entre vie privée et efficacité du service.

Le croisement entre visibilité et coopération et collaboration se pose puisque l’objet est de rendre visible l’effort collaboratif. C’est pourquoi une part du cadre théorique est consacré à distinguer les formes coopératives et collaboratives, contributions individuelles au travail juxtaposées ou fusion d’un travail à une réalisation collective. L’auteur de la thèse précise que « la « coopération » apparaît comme un terme générique recouvrant trois niveaux différents de « rapport à l'autre », la coopération, la collaboration, la codécision. La coopération apparaît quand des actions individuelles contribuent aux actions des autres et vice-versa. La collaboration est le fait de travailler ensemble dans l'exécution d'une certaine action, générant une compréhension commune et une connaissance partagée. Le résultat est ainsi imputable au groupe tout entier. La codécision concerne les décisions de groupe ou sont inspirées par le groupe, les acteurs étant soit indifférenciés, soit dotés de statuts particuliers ».

Le logiciel comme aide à l'intelligence

Par ailleurs le travail collaboratif se déroule par le moyen de groupware dont les principales fonctionnalités sont : l'interaction individuelle, le couplage, faire-défaire, trouver des différences dans les versions indépendantes d’un objet, combiner des version indépendantes d’un objet unique, le contrôle d’accès, le contrôle de concurrence, la gestion du processus du déroulement d’interventions et d’actions (workflow), la conscience de l’autre, la gestion de session. En outre plusieurs rôles se combinent pour activer toutes ces fonctionnalités tels que : rédacteur, éditeur, conseiller et éditeur. L’idée d’un travail collaboratif rendu visible est celle d’un travail à haute voix qui va pouvoir bénéficier des contributions volontaires d’auditeurs. La visibilité est la condition du partage, c’est aussi une exposition, une prise de risque d’une transparence absolue (cf Big Brother ou le panoptique de Bentham et Foucault).

Pour identifier les conditions de visibilités professionnelles qui favorisent la collaboration la recherche se situe entre 4 pôles : épistémologiques (approche compréhensive quantitative et qualitative), théoriques (théorie du panoptique, analyse institutionnelle, approche socio organisationnelle et cybernétique, ethnométhodologie), techniques (entretien exploratoire et de prospective, groupes de formation, atelier de suivi, tables rondes, enquêtes sondages et calcul de l’indice collaboratif), morphologiques (plasticité des hypothèses, transaction sociale).

L’auteur identifie 12 variables clés à tester dans le modèle d’indice collaboratif proposé.

  1. Mettre l’utilisateur en situation de mesurer l’avantage relatif ou l’utilité perçue des technologies collaboratives, lui permettre de calculer le coût relatif aux bénéfices attendus;
  2. Démontrer la compatibilité, ou favoriser la perception de la facilité d'utilisation;
  3. Démontrer les résultats, considérer que l’évaluation est fonction des valeurs attachées aux résultats espérés;
  4. Favoriser la perception du contrôle du comportement ou la perception du degré de facilité ou de difficulté que représente la réalisation du comportement - collaboratif attendu en vue d’accomplir les tâches quotidiennes avec plus d’efficacité et augmenter sa performance individuelle;
  5. Considérer le nombre de « canaux de communication » pour exprimer les types et les quantités des interactions entre les utilisateurs de l'innovation;
  6. Considérer l’image comme un déterminant de l’attitude qui se construit sur la perception des conséquences et sur l’avantage relatif de l’utilisation de la technologie;
  7. Identifier deux niveaux d'adoption, primaire (l’entité, le groupe) et secondaire (l’utilisateur);
  8. S’assurer de l'adéquation entre le besoin de l’organisation et la solution technologique ou le degré avec lequel une fonctionnalité répond à un besoin spécifique;
  9. Considérer l'environnement organisationnel comme facteur d'adoption;
  10. Considérer que l’habitude et les conditions facilitant l’adoption ainsi que la perception des conséquences, notamment l’attente de résultats comme le sentiment d’auto efficacité, sont des déterminants directs de l’intention d’adopter les nouveaux outils et les nouveaux usages en vue de maintenir un niveau de performance compatible avec les objectifs professionnels assignés;
  11. Considérer que les normes subjectives réfèrent aux croyances normatives multipliées par la motivation de l’individu à respecter les règles, à se conformer à l’opinion des personnes ou des groupes de référence;
  12. Enfin, tenir compte de la perception d’un risque notamment lié à la visibilité susceptible de constituer un frein à l'acceptation et l'adoption des nouvelles pratiques.

La recherche est effectuée sur un terrain à deux parcelles : un établissement public et un comité d’entreprise qui illustre une approche panopticiste et une approche gestionnaire.

Pas envie de s'afficher sans raison

Les résultats montrent que la visibilité imposée rebute les collaborateurs qui butent sur le principe de l’adoption c’est-à-dire l’acceptation du paradigme et de ses règles, au-delà de l’appropriation des outils. La collaboration numérique s’inscrit dans une démarche de production d’information plus agile et moins structurée que celles des systèmes d’information de la génération précédente ; elle articule des concepts comme la confiance, l’intelligence collective ou la wirearchy ; cette approche déplace la problématique de la visibilité induite par les pratiques collaboratives dans le champ de la cognition sociale et impose la définition d’un modèle, d’une « théorie de la collaboration numérique », d’un paradigme spécifique qui prenne en charge les activités et les enjeux liés aux nouvelles visibilités, et assure un rôle de médiation qui favorise l’adoption des nouvelles pratiques. Il devient alors possible de « quantifier » les pratiques visibles, et d’analyser le nouveau phénomène de visibilité « calculée ».

D’un point de vue opérationnel la méthode testée a garanti plus de 80% de transformation des usages pour des groupes de 25 à 100 personnes et plus de 60% pour des groupes au-delà ; elle a permis de mesurer la progression de l’adoption des usages collaboratifs à toutes les étapes d’avancement, tant sur le terrain de la maîtrise des outils que sur celui de la compréhension et l’acceptation des règles et des usages, ainsi que le gain d’efficacité individuel et collectif, valorisé en ETP (équivalent temps plein) fonctionnel.

 

Consulter la thèse

«Collaboration numérique et nouvelles formes de visibilité professionnelle -
Proposition d’une méthodologie et d’un dispositif réflexif » - Bernard Lombardo-Fiault
https://www.theses.fr/2017PA080097.pdf

 

Wirearchy https://www.duperrin.com/2008/05/05/hierarchie-vs-connectarchie/


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