Le Q.I et le Qi

L'occident et l'orient : deux façons de voir le monde qui se rencontrent

Deux lettres condensent des approches divergentes pour appréhender le monde. D'une part le Q.I ( quotient intellectuel) d'Alfred Binet et Simon, inventé au début du XXème siècle et d'autre part le Qi asiatique (prononcer tchi pour le chinois ou ki en version japonaise), ce souffle vital entoure tout et est présent partout. Ces deux approches nous projettent par le corps tout entier dans l'action.

Le Q.I ou quotient intellectuel occidental

Il est possible de mesurer le quotient intellectuel. Tout d’abord, qu'est-ce qu'un quotient ? C'est le résultat de la division d'un nombre par un autre. Il s'agit en 1905, pour Binet et Simo, d'étalonner une population pour en améliorer l'éducation. Le QI est le rapport entre l'âge mental résultat d'un test psychométrique divisé par l'âge chronologique et multiplié par 100. Ainsi un enfant de 10 ans obtenant un âge mental de 15 ans obtient un QI de : (15 / 10) × 100 = 150.

Le calcul d'un âge mental étalon correspond aux individus du même groupe d'âge ayant réussi les mêmes résultats que l'échantillon. Le Q.I d'un individu est donc une comparaison avec la distribution des résultats au test d'un même groupe. Le quotient intellectuel est alors un indice de l'intelligence et de la prédiction de réussite dans les études scolaires d'un enfant. Par extension et sans la précaution de faire passer le test par un évaluateur professionnel, le Q.I s'est vu paré du pouvoir de distinguer l'intelligence des individus.

Le concept d'intelligence est alors réduit aux productions mesurables du cerveau. Cette construction du monde consacre la séparation du corps et de l'esprit. C'est l'idée qui provient du moyen-âge de l'homoncule, manipulant un corps réduit à l'état de marionnette. Ce corps occidental intouchable, suspect de saleté ou de dérives sexuelles, porteur de tabous, est imaginé coupé de notre esprit raisonnable, avec une vie à part. La religion et le péché originel des chrétiens a renforcé cette vision du corps.

Le Q.I c'est surtout la mesure par un test psychométrique et le classement des individus entre eux. Cette idée positionne les intellectuels en haut de l'échelle de désirabilité sociale et relègues-en bas les travailleurs manuels, renforçant les arguments justifiant les salaires élevés pour un travail noble au détriment d'un travail vil, alors même que chaque travail contribue au bien-être de tous. Essayons de nous passer quelques jours des professionnels qui nettoient les lieux d'aisance ou les rues pour nous en convaincre.

Le Q.I s'inscrit bien dans le raisonnement logico-déductif, la méthode analytique qui examine finement les faits et la logique du passage de cause à effet. C'est l'hémisphère gauche qui prime les chiffres, les données, les mesures. C'est le cartésianisme à la française qui produit et classe dans le même temps des ingénieurs et mathématiciens brillants mais dénigre systémiquement le travail manuel. Tout au plus des théories des intelligences multiples se développent des théories de l'intelligence collective ou encore de l'intelligence émotionnelle avec l'idée de QE : Quotient émotionnel

Le Qi souffle oriental

Dans la perspective asiatique les liens corps et esprit sont naturels. La scission est impensable. L'énergie circule par le corps et par l'esprit et selon la théorie des méridiens issue de la médecine chinoise; la circulation de l'énergie opère via des lignes d’énergie qui traversent le corps avec pour centre le Dantian (un point à proximité du nombril). Le Qi fait l'objet d'une attention particulière dans la médecine chinoise. Par des pratiques et des exercices réguliers alliant respiration et mouvement, la circulation du Qi favorise un niveau d'énergie et de santé.

Ce Qi est une alliance du « et » et du « ou ». C'est la danse du Yin (principe féminin, ombre, courbe, douceur, bas, nuit) et du Yang (principe masculin, lumière, ligne droite, dureté, haut, jour) qui se mêlent, se déséquilibrent et s'équilibrent constamment. Cette pensée est une pensée systémique, holistique, non duale qui accueille le mouvant, l'incertain, la constante mobilité des idées. La part de l'invisible à l'intérieur de notre corps (méridiens, point remarquables d’acupuncture) et à l'extérieur est primordiale. Dans cette philosophie la lumière de notre regard éclaire le monde. Les arts énergétiques internes : qi gong, tai chi, Kung Fu, massage Tuina nous sensibilisent à la circulation du vivant. En permanence il y a composition et circulation plutôt d'opposition. Il y a moins un découpage entre hémisphère droit et hémisphère gauche de notre cerveau mais alliance et mouvement.

La mesure et le subjectif

Rien de nouveau dans cette description déjà très ancienne opposant une mesure à un concept spirituel. Aujourd'hui une autre façon de penser le monde qui, par besoin de renouvellement et d'innovation, cherche moins de dichotomie et plus d'exploration. Avec le Q.E quotient émotionnel on est soit face à une poursuite du Q.I sous d'autres moyens soit face à la possibilité d'intégrer plus de sensibilité dans nos façons d'appréhender le monde.