Dans un pays comme la France la lecture progresse. Mais, prenons-nous encore le temps de lire paisiblement et intensément un texte qu'il soit imprimé sur du papier ou bien sur un support électronique ?
Cette image du lecteur paisiblement installé dans un fauteuil au coin du feu ou à l'ombre d'un arbre n'est-elle plus qu'une peinture fanée du XIX siècle ? Des empreintes de main sur les parois des grottes à l'alphabet cunéiforme, le lecteur est ensuite passé au papyrus, puis aux lettres cursives sur velum. Ont suivi les textes imprimés sur des feuilles de papier avec les lettres mobiles en plomb et la presse de Gutenberg, pour en arriver à la machine à écrire et l'ordinateur. En quelques milliers d'années notre écosystème d'écriture et de lecture s'est complètement transformé et nos connexions cérébrales en même temps. Avec internet c'est tout l'écosystème de nos pensées qui se numérise : de leurs émergence à leur diffusion et leurs effets. Nous pensons en miettes.
La façon de trouver des auteurs s'enrichit avec les moteurs de recherche
Les grandes bibliothèques, les conseils d'un ami, les apports d'un professionnel sont mis en concurrence avec des moteurs de recherche, des signets sociaux ou des flux RSS. Le moteur de recherche Google accapare une grande part d'audience (90% de la part de marché des moteurs de recherche) et nous sature de publicité en Occident pendant que Baidu filtre en Chine ce à quoi il est bon d'accéder et ce qui est soupçonné d'être une sédition. Les moteurs de recherche influencent et orientent des milliards d'investigations chaque jour. Les signets sociaux (Diigo, Pearl Tree) et le repérage par des pairs dans des veilles (scoop it) de ce qui compte est aussi une façon de trier et trouver une source fiable. Nos amis en ligne apportent leur lot d'influence et de recommandations et nous rassurent dans nos navigations. Les flux RSS sont un moyen de veiller à nos thèmes d'intérêt de pousser vers nous les lectures les plus adaptées. Les intelligences artificielles diagnostiqueront nos lectures.
L'intermédiaire et le lieu de stockage changent de nature
Non seulement l'intégrité des œuvres est atteinte, on en découvre des bouchées au gré de nos navigations mais les médiations culturelles et le sens qu'elles revêtent changent de sens. Les livres papier se voient concurrencés par bouquets de service en ligne. Ce qui importe est moins la possession d'une œuvre physique que l'accès ergonomique et pertinent à mon objet d'intérêt. Les rayons des bibliothèques sont remplacés par une informatique en nuage. Le médiateur est invité à être aussi un navigateur et à connaître les balises.
Lieux de lecture
Tous les lieux deviennent potentiellement des bibliothèques et espaces de lecture. Mais lire dans son bain, dans un transport public, en voyage était déjà possible avec un livre papier. Ce qui change c'est le soutien de vidéo, c'est l'apport d'audio, c'est la possibilité de libérer ses mains pour d'autres occupations. Tous les lieux sont investis.
Temps de lecture
Les textes ont des formats tellement morcelés qu'ils peuvent être lus selon des tranches de temps choisis. Tout se passe comme si l'expérience de connexion continue permise par les bornes de transmission du wifi engageait une expérience de lecture continue. Les murs peinent à arrêter les ondes, des flux d'information passent et la tentation de l'actualité est forte. Que font mes proches ? Que se passe-t-il dans le monde ?
Signes à déchiffrer
La lecture écran stimule des zones plus variées du cerveau. La gamme de couleurs proposée en lecture est quasi infinie. Les surgissements (Pop-up), les images, les vidéos, les signes, délinéarisent le fil de lecture. C'est à dire que les chaînes de caractères alternent avec d'autres signifiants. La sémiotique analyse un message comme la combinaison entre signifiant (le moyen d'exprimer le message, par exemple un texte ou une photo), le signifié (le concept) et le référent (la chose réelle). L'hypothèse est celle d'un déséquilibre de ce triptyque en faveur du signifiant mis en position dominante en défaveur des concepts et du réel.
Nous serions tellement embués de médias que nous perdrions l'essentiel. Les irruptions publicitaires mettent l'attention à vive épreuve. Comment rester concentré sur le fonds quand une publicité personnalisé nous parvient ?[1] Quand une vidéo bruyante se déclenche ? Comment le fil de ses idées s'imprègne-t-il de ses bruits et chuchotements continus ?
Des aides pour une lecture enrichie
La lecture en ligne s'enrichit d'aides multiples. Un dictionnaire en ligne donnera le sens de mots abscons. Des mots étranges au sens perdus pourront être immédiatement traduits, voire des pages entières. Des lexiques et des hyperliens pour aller plus loin seront encore des ressources utilisables.
Interactions horizontales
La lecture numérique introduit des possibilités d'interactions. Avec le texte il est possible d'associer des notes de lecture manuscrite, audio ou vidéo. Le griffonnage sur le papyrus par un relecteur est démultiplié. Mais plus encore, avec les autres lecteurs il est possible de partager son opinion et d'échanger. L'œuvre se transforme en un objet qui ouvre les débats permet de la confrontation d'idées.
Support de lecture
Ils sont très variés. Les écrans d'ordinateurs, de télévisions, de tablettes numériques, de liseuses, de smartphones et d'une variété d'objets connectés offrent des tailles, des conditions de luminosité, une maniabilité, des durées d'autonomie, des options d'interconnexion, des informations complémentaires qui s'ajustent à des contextes allant bien au-delà de la lecture dans une chaise assis dans une salle.
En changement
Si l'empan de lecture se rétrécit avec un petit écran (celui d’un téléphone) est-ce à dire que le cerveau est moins stimulé pour voir large et loin ? Les phrases appréhendées d'un seul coup d'œil sont limitées à un sujet un verbe et un complément. Est-ce à dire que la compréhension est de plus en plus hachée ? La démultiplication d'interactions et de possibilités de lecture engendre-t-elle une fatigue ou bien autorise-t-elle l'apparition de sens nouveaux ? Nous sommes en train de réapprendre à lire et cela nous fait penser d'autres manières. Si notre attention est mise à l'épreuve, une intention nouvelle plus curieuse plus impliquée pourrait bien apparaître.
Sources
Lecture écriture numérique qu’est ce qui change ?
http://www.ressources.univ-rennes2.fr/cultures-numeriques-dans-l-enseignement/plateforme/1-collaboration-est-apprentissage/1-1-titre-1/
Comment internet change nos habitudes de lecture
http://www.lefigaro.fr/sciences/2009/08/26/01008-20090826ARTFIG00236-comment-internet-transforme-les-habitudes-de-lecture-.php
La lecture change, nos cerveaux aussi
https://www.science-et-vie.com/archives/e-book-internet-smartphone-la-lecture-change-nos-cerveaux-aussi-41029
Bâtir un écosystème de lecture - http://jiminy.chapalpanoz.com/batir-un-ecosysteme-de-lecture/
10 plus grandes bibliothèques - http://blog.infotourisme.net/top-10-des-plus-grandes-bibliotheques-du-monde/
Dispositifs de lecture numérique - Pearl Tree
http://www.pearltrees.com/u/38747968-dispositifs-lecture-numerique
Lecture et écriture d’un texte numérique - Diigo -
https://groups.diigo.com/group/lecture-et-criture-du-texte-numrique
Blog du modérateur – Chiffres Google 2018 - https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-google/
Usine digitale - Baidu - https://www.usine-digitale.fr/baidu/
Scoop it - https://www.scoop.it/t/litterature-jeunesse-et-numerique
Eduscol - L’empan de lecture
http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/archives/hypermedia/impact-sur-lecture-et-ecriture/lire
Wikipédia - Sémiotique - https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9miotique
France TV Info – Les français lisent de plus en plus mais manquent de temps consacré à la lecture
https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/les-francais-lisent-de-plus-en-plus-mais-manquent-de-temps-consacre-a-la-lecture_2107922.html
Lexique - http://www.lexique.org/
Qualitexte - Dictionnaire en ligne - https://www.qualitexte.fr/meilleur-dictionnaire/
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