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Publié le 28 octobre 2018 Mis à jour le 28 octobre 2018

Usages pédagogiques des terminaux mobiles dans les universités au Cameroun.

Des possibilités à développer et à encadrer

Une porte s'ouvre

Selon l’Union Internationale de Télécommunication (UIT), le continent africain est le second marché en termes de taille et de croissance des technologies mobiles, lesquelles ouvrent des possibilités d’apprentissage à distance, interactif, en tout lieu et en tout temps.

Avec la réduction drastique du coût d’achat d’un smartphone, le manque de matériel informatique – qui est le plus souvent évoqué comme étant l’une des causes majeures de la non-utilisation des TIC en éducation – peut ainsi être dépassée. C’est la seule technologie dont la propagation s’est faite à une vitesse aussi vertigineuse. Même dans les endroits les plus reculés du continent, privés d’accès à l’électricité et à d’autre infrastructures essentielles, il n’est pas rare de trouver des utilisateurs de téléphone portable.

L’apprentissage mobile est ainsi plus adapté au contexte africain pour l’amélioration de la qualité de l’éducation, le développement des compétences et surtout l’accessibilité de l’éducation dans les zones les plus reculées ou aux couches sociales défavorisées. Cependant, quel est l’état des pratiques et usages autant chez les enseignants et apprenants dans le contexte de la formation et de l’éducation ?

Facteurs motivants l’usage des terminaux mobiles (TM) dans l’éducation

Les TM opèrent certains effets positifs sur la motivation, l’engagement, l’anxiété ou encore la satisfaction. Les étudiants et les enseignants adoptent les TM davantage pour leur portabilité et la facilité qu’ils offrent à l’accès à l’information. En outre, on peut évoquer la motivation liée à la multiplicité des fonctions multimédias dont ils sont dotés. Enfin ces TM sont utiles pour favoriser une plus grande individualisation du travail, une certaine autonomie des étudiants et offrent des possibilités de développer leur créativité.

Usages pédagogiques par les enseignants.

Les pays d’Afrique francophones ne restent pas en marge de l’utilisation des technologies mobiles émergentes en éducation, notamment pour l’enseignement de la lecture (Ifadem, 2013), à Madagascar (2012), en Côte d’Ivoire (2012), ou au Bénin. Une recherche menée en 2013-2014 dans le cadre du projet SUPERE-RCF[1] (Supervision Pédagogique & Ressources – Recherche Coopérative Francophone) auprès de 35 futurs enseignants d’une filière d’éducation de formation de formateurs a montré que tous ces étudiants possédaient au moins un téléphone portable.

Une autre étude, qui s’est penchée sur les usages du téléphone mobile par des futurs enseignants de mathématiques dans le cadre de leur formation initiale, révèle qu’ils s’en servent pour échanger avec des collègues, des formateurs et des personnes ressources ; mais aussi pour rechercher, stocker et accéder à du contenu pédagogique en tout lieu et selon le besoin.

Une autre recherche s’est intéressée à mieux comprendre les conditions d’utilisation des technologies mobiles sur les dispositifs d’apprentissage et d’enseignement au Cameroun. Elle montre que peu d’étudiants et d’enseignants en milieu universitaire camerounais disposent des terminaux mobiles appropriées pour l’apprentissage et aussi que les étudiants utilisent des terminaux mobiles (TM) pour l’apprentissage. On constate également que les enseignants universitaires au Cameroun se servent davantage des terminaux mobiles comme outils d’apprentissage que comme des objets de conception des cours, car cela exige des compétences techniques qu’ils n possèdent pas toujours et leur impose des contraintes qu'ils ne peuvent supporter.

Par ailleurs, les applications et usages des technologies mobiles sont plus visible dans l’enseignement général que dans l’enseignement professionnel[2]. Par exemple sur Mobile for Education Alliance, qui rassemble près d’une centaine d’application de mobile learning en Afrique, près de 80% des applications concernent l’enseignement général : l’enseignement des langues[3], la lectur et les mathématiques. En dehors des applications d’alphabétisation ou de calcul, il existe très peu d’applications de mobile-learning pour l’enseignement technologique.

Usages des terminaux mobiles par les apprenants

Les usages des téléphones portables par les apprenants varient selon plusieurs facteurs. Ils les utilisent différemment selon qu’ils sont en classe ou non. En dehors des salles de classe, les étudiants exploitent davantage leurs TM à des fins ludiques qu’éducatives. Mais en classe, ils déclarent avoir recours aux TM pour chercher des informations relatives aux notions abordées en cours ou à faire leurs devoirs.

Mais ce discours qu’on retrouvera chez presque tous les étudiants est loin de la réalité. A l’Université de Dschang où nous avons également été étudiant, nous avons pu constater que certains étudiants se servaient aussi de leurs terminaux mobiles pour accéder aux réseaux sociaux, regarder des vidéos, jouer à des jeux et même pour aussi pour tricher[4] pendant les examens ou lors de la rédaction des rapports (plagiat).

Cependant ces pratiques se justifient parfois par la nature pléthorique des amphithéâtres ou le caractère « ennuyeux » de la leçon enseignée. Dans ce contexte de forte expansion des terminaux mobiles en milieu universitaire africain en général et camerounais en particulier, plusieurs règles d’usage ne doivent-elles pas être prises en compte pour leurs intégrations réussies en milieu académique ?

Pour une intégration réussie des technologies mobiles dans le secteur universitaire.

Une enquête réalisée dans 5 pays conclut que l’Afrique doit aller de l’avant dans l’intégration des TIC dans l’éducation (Karsenti et Lessard, 2007). Toutefois cette implémentation se trouve contrariée par plusieurs obstacles. Sehi Antoine Mian (2010) cite :

« les coûts élevés des équipements, les centres d’accès à Internet peu nombreux et inégalement répartis sur les territoires, le fossé technopédagogique et surtout le manque d’enseignants formés ».

D’un point de vue technique, il s’agit de former les futurs enseignants à l’élaboration de documents pour téléphones. L’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) à travers son réseau africain de Centre Numériques Francophone (CNF) a ainsi initié de nombreux ateliers de formation pour le renforcement des compétences techniques des enseignants comme la prise de vues, prise de sons, captures vidéo et implémentation dans des formats sur les téléphones mobiles.

D’un point de vue financier, il s’agit d’investir pour acquérir des outils idoines (qui conviennent parfaitement) pour la gestion optimale des infrastructures numériques appropriées.  Comment une université ne disposant ni d’un système d’information automatisé ni d’un système de veille technologique peut-elle faire pour suivre les activités menées par les étudiants sur le réseau Internet ?

D’un point de vue réglementaire, l’absence d’une autorité pour la régulation des usages de TM en milieu universitaire laisse libre cours aux dérives observables actuellement. Il est important voire urgent d’institutionnaliser les usages et pratiques pédagogiques, qui jusque-là ne sont pas encore systématiques.

Au delà de la voie de la facilité, l'usage pertinent

Dans le secteur éducatif africain et en contexte camerounais en particulier, il nous semble que, faute de cadrage éthique et juridique permettant de réguler les usages dans les institutions éducatives, les publics universitaires sont incités à des utilisations peu compatibles avec la norme académique.

Les terminaux mobiles amèneraient à des pratiques distractives, voire parfois déviantes, telles le plagiat et la tricherie. Si pour les étudiants l’utilisation des TM a amélioré leurs savoirs, pour les enseignants, l’usage actuel concourt un peu plus à baisser le niveau universitaire des étudiants. Il y a donc un besoin d’adaptation et de modernisation qui s’impose aussi bien aux autorités qu’aux différents membres de la communauté universitaire.

                       

Références

Karsenti, T. et Lessard, C. (2007). 30 000 000 d’enseignants à former en huit ans. Formation et Profession, 14(1), p. 2-4.

République du Cameroun. (2005). Le document de stratégie sectorielle de l’éducation Cameroun (2006).

Ngnoulayé, J. (2010). Étudiants universitaires du Cameroun et les technologies de l’information et de la communication : usages, apprentissages et motivations. PhD thèse, Faculté des études supérieures, Université de Montréal.

Mian, S. A. (2010). Fracture numérique dans la formation des enseignants en Afrique de l’Ouest.

Notes

[1] Le projet SUPERE-RCF « Supervision Pédagogique & Ressources – Recherche Coopérative Francophone » a été mené dans le cadre d’un appel à projet IFADEM (Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres) – RETHE (Recherches thématiques) 2012, commandité par l’OIF / l’AUF. Il s’intéresse à la question de l’évolution des activités, des responsabilités et de l’identité professionnelle des personnes en situation d’accompagnement et de supervision de l’action pédagogique lorsque des ressources numériques sont mises en œuvre.  « SUPERE-RCF – Techne », consulté le 28 octobre 2018,
http://techne.labo.univ-poitiers.fr/actions-de-recherche/projets-acheves/supere-rcf/
 

[2] Michel Towa Koh, « Le mobile-learning ou école nomade pour la formation des formateurs en économie informelle Michel Towa Koh [email protected] », RAIFFET (blog), 10 avril 2018,
https://raiffet.org/le-mobile-learning-ou-ecole-nomade-pour-la-formation-des-formateurs-en-economie-informelle-michel-towa-koh-kohmichelyahoo-fr/.
 

[3] Marcelline Djeumeni-Tchamabé, « Téléphone portable et apprentissage mobile du français en Afrique subsaharienne (TEPAMF) : une expérience menée au Cameroun »,
http://www.adjectif.net/spip, 11 novembre 2014, http://www.adjectif.net/spip/spip.php?article321
 

[4] Ces différents aspects liés à la tricherie et au plagiat ont également été soulevés par des enseignants qui estiment que l’expansion des terminaux mobiles peut entraîner des risques de dégradations de mœurs, des distractions, une diminution de l’acte réflexif de la part des étudiants et par conséquent une baisse du niveau scolaire.


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