Pendant très longtemps, pour acquérir des compétences ou apprendre des savoirs, il fallait y avoir accès. Cet accès pouvait se faire via trois voies principales :
- l'inscription à des études ou formations très souvent coûteuses ;
- l'acquisition et la lecture d'ouvrages sur les sujets ;
- le compagnonnage ou l'apprentissage pour les compétences nécessitant de la dextérité et du savoir faire.
L'arrivée d'Internet a changé la donne, l'accès aux savoirs à été généralisé et démocratisé. Formidable opportunité pour toutes les personnes qui précédemment rencontraient des barrières, mais encore faut-il qu'elles puissent réellement en bénéficier. Discussion.
Des natifs du numérique pas si compétents que cela
Les enseignants ont face à eux la génération native du numérique. Cette génération est souvent perçue comme étant surdouée avec les technologies. Certes, les étudiants sont adroits comme personne pour alimenter des profils Snapchat ou Instagram et pour jouer à Fortnite mais savent-ils s'en servir comme outil d'apprentissage ? La question qui se pose est : «Sont-ils tous à même de profiter des technologies pour leur émancipation personnelle et sociale ?»
Impact positif d'Internet pour aider les populations moins cultivées
Selon Dominique Pasquier, à propos de l'usage d'Internet par des populations qui ne sont pas allées à l'école ou n'ont pas obtenu le Bac :
«Internet leur propose des manières d’apprendre qui leur correspondent mieux, sans hiérarchie ni sanction. On pourrait croire par exemple qu’en matière d’information ils ne recherchent pas des choses importantes, mais si. Ils cherchent à comprendre les termes qu’emploient le professeur de leurs enfants ou le médecin qu’ils consultent. Quelque chose s’est ouvert. L’enjeu n’est pas pour eux de devenir experts à la place des experts, mais de parvenir à mieux argumenter ou à poser des questions. D’être mieux armés.»
Cet usage est parfaitement logique. De nombreuses personnes ont pu souffrir de violence symbolique lors de leurs études:
«Des années soixante au milieu des années soixante-dix, les théories critiques de la reproduction sociale alimentent la plus grosse part de la sociologie de l’éducation en langue française. Si l’on parle de violence symbolique. C’est pour expliquer la reproduction de l'ordre social inégalitaire, la faible réussite scolaire des enfants qui subissent la culture de la classe dominante en vigueur à l’école. (1)»
Cette violence les a amené à taire leurs questions par la crainte du regard d'autrui. Face à l'écran, ils sont libérés et peuvent trouver des réponses quelles que soient leurs interrogations.
Il reste néanmoins de nombreuses zones d'ombre
Internet souvent un outil de triche ou de raccourcis: du copié-collé aux résumés de livres en passant par des services de rédaction en ligne, chaque apprenant peut "s'aider" d'Internet pour éluder une partie des apprentissages. En agissant de la sorte, ils développent d'autres compétences. Mais, n'est-il pas légitime de penser que l'apprenant se prive d'autres apprentissages essentiels auxquels les enseignants ont voulu leur donner accès ?
Procrastination: passer des nuits blanches à jouer à des jeux vidéos ; faire défiler sans fin le fil d'actualité d'un réseau social ; se connecter continuellement à Internet sur son smartphone ; ... Les tentations sont grandes pour passer, ou plutôt, perdre son temps.
C'est une question qui avait déjà été soulevée avec l'apparition du téléviseur. A présent, les tentations sont infiniment plus nombreuses. Selon une enquête (2) de la Fondation pour l'enfance réalisée en 2010, les activités préférées des jeunes sur le web étaient :
- Regarder des vidéos pour 91,1% des répondants
- Écouter de la musique 90,8% des répondants
- Jouer 82,3% des répondants
- Faire des recherches pour soi 78,1% des répondants
- Discuter 74,9% des répondants
- Faire des recherches pour l’école 74,4% des répondants
Sans trop critiquer les sources, sans avoir été formé ou informé de certains usages d'Internet, chacun peut se faire prendre par des informations fausses. La propagation des fausses nouvelles, indicateur de l’abandon de la pensée rationnelle.
Les futurs diplômés et l'autoformation
La question de l'autoformation des diplomés pourrait sembler cacher un oxymore. En effet, nombreux sont ceux qui ont comme représentations qu'une formation académique sert à obtenir un diplôme et que ce diplôme est gage de compétences acquises. Et pourtant, est-ce toujours suffisant ?
L'autoformation pour éviter l'obsolescence de ses compétences
Nous connaissons une sur-spécialisation des emplois. Pour les employés ambitieux, il est impératif de devenir de plus en plus qualifiés dans leurs domaines. Pourtant, les enseignements restent logiquement très généralistes. Vous ne pouvez pas matériellement former tous les apprenants à toutes les spécialités d'un secteur d’activité.
Prenons l'exemple du marketing Internet qui est un secteur en pleine évolution et pleine mouvance. La mission de l'enseignant consiste plus à ouvrir des portes qu'à apprendre des savoir-faire qui seront obsolètes quelques années plus tard.
L'autoformation pour développer sa marque personnelle
Dans certains pays, le taux de chômage reste élevé. Il est de plus en plus important pour chaque diplômé de pouvoir se différencier lors de tests ou d'entretiens en vue d'un engagement. Pour ce faire, il est utile de développer sa marque personnelle en réalisant une matrice AFOM (A.F.O.M : Atouts ; Forces ; Opportunités ; Menaces). Grâce à cette opération, la personne pourra mettre en place un plan d'apprentissage qui sera mis à profit pour développer son image en ligne.
L'autoformation pour réduire la fracture numérique
Les frais inhérents aux études supérieures ont considérablement augmentés dans de nombreux pays.
Source graphique
Grâce à l'autoformation, une partie de ces frais pourraient-ils être évités pour les personnes qui n'en ont pas les moyens.
L'autoformation peut-elle remplacer un cursus académique ?
Il est difficile de répondre à la question quant à savoir si ce sont des processus d'apprentissage substituts ou complémentaires. Considérant le cursus académque comme une reconnaissance officielle, l'autoformation ne peut-être reconnue de la même façon, d'où une certaine complémentarité nécessaire.
Références
(1) Perturbations et violences à l'école ; Cécile Carra, Françoise Sicot ; Déviance et société Année 1996 20-1 pp. 88
(2) Comprendre le comportement des enfants et des adolescents sur internet ; Barbara Fontar, Elodie Kredens ; Fondation pour l’enfance. 2010
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