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Publié le 15 octobre 2018 Mis à jour le 15 octobre 2018

Pourquoi la musicothérapie est un outil efficace pour la communication et la créativité de l'autiste

La musique, un langage universel pour sortir les autistes de leur isolement.

Du diagnostic à la prise en charge de l’autisme

L’autisme est une trouble du développement qui affecte de nombreux enfants avant l’âge de 3 ans. Le plus souvent, le diagnostic est tardif[1] et crée un choc émotionnel au sein de la famille et particulièrement pour les parents. Après avoir encaissé le choc, la question primordiale – comme le confirme les parents de l’enfant autiste Darius Guebray (Avant d'être autiste, Darius Guebray est un enfant curieux et mélomane. Il participera à la seconde édition des Enfoiriens Juniors.) – c’est de savoir comment s’en sortir ? « Le sentiment prédominant, c’était que la trajectoire de notre vie, telle que nous l’avions planifiée, était venue se fracasser en mille morceaux contre un mur invisible »[2].

En effet, diagnostiquer que son enfant est autiste est une chose, mais s’adapter à la vie qui s’en suit en est une autre. Étant donné qu’il est impossible de guérir de l’autisme, comment peut-on en atténuer les effets auprès de l’enfant ? Comment apprendre le vivre-ensemble, le partage et la coopération à des autistes qui évoluent le plus souvent dans leur « bulle » ? Une bulle émotionnelle mais aussi sociale car la plupart sont victimes de marginalisation.

En effet, quel que soit le pays, vivre avec l’autisme est partout complexe.  Dans certaines régions d’Afrique, l’autisme est considéré comme une maladie liée au surnaturel, à l’ensorcellement, et les personnes atteintes se retrouvent dans des situations d’exclusion[3], voire en danger.

Par exemple, les Yoruba du Bénin les appelle les Akibus, qui signifie «naître et mourir»... L’OMS alerte également sur le fait que trop d’enfants autistes en Afrique sont gardés au domicile sans soin. Au Cameroun[4], des associations comme la Fondation Chantal Biya, l’ Institut Supérieur de Psychopédagogie Appliquée (ISPPA), l'association Autisme, Vivre et Grandir ou encore le Centre Orchidée Home émergent et travaillent chacune à faire évoluer les choses en combattant la stigmatisation et en assurant le référencement pour le diagnostic et la prise en charge.

Les bases fondamentales pouvant justifier la musicothérapie

Il existe des solutions éprouvées qui permettent aux autistes de sortir de leur bulle, d’être sociable et de gagner en autonomie. L’une d’elle, la musicothérapie est une technique développée en 1958 par  le musicien Nordoff et le docteur Robbins[5], qui permet à l’enfant autiste de passer d’une parole « a-signifiante »[6] à un discours nouveau et chargé de sens.  En effet, on a démontré maintes fois que les autistes étaient sensibles à la musique. Cette sensibilité à la musique est innée et remonte à notre vie intra-utérine, où le fœtus est bercé par des sons, des vibrations et des rythmes. La musicothérapie[7] s’appuie alors sur ce langage universel, pour sortir les enfants autistes de leur isolement et instaurer un échange.

Il reste cependant à repérer à quel type de son l’enfant est sensible. « Mon rôle est de saisir son mode de communication et d’entrer en contact avec lui grâce, par exemple, à un jeu sonore d’imitation, explique Célina Décréaux, musicothérapeute à Montpellier . Si un enfant s’exprime en marmonnant, je vais m’installer au piano et lui jouer la note correspondant au son qu’il produit. Et ce jeu de miroir va éveiller chez lui un intérêt». 

La musicothérapie canalise l’attention et facilite les interactions sociales

La musicothérapie peut être active (l’enfant produit des sons) ou réceptive (l’enfant écoute). La seconde technique est surtout intéressante pour des enfants qui souffrent d’hyperactivité, car elle contribue à améliorer la concentration et la mémorisation. La musique joue aussi un rôle de canalisateur qui facilite les interactions sociales avec les personnes qui l’entourent, de s’exprimer, de faire part de ses émotions et de ses angoisses.

Il est possible de favoriser le contact visuel par le biais d’activités autour d’un instrument de musique dont on se sert comme prétexte pour échanger des regards et établir une complicité. On peut avoir recours à la musique préférée d’un enfant pour encourager un large éventail de comportements sociaux coopératifs. Hugo par exemple, prend du plaisir à chanter «Couleur Café» de Serge Gainsbourg sous la douche et il prend facilement la guitare pour en jouer, témoigne sa mère Corinne Villegas.

La musicothérapie est efficace dans le développement du langage

La musicothérapie se révèle particulièrement efficace pour stimuler ou améliorer le développement du langage. Le déficit majeur en matière de communication que l’on observe chez les autistes se manifeste notamment par une expression orale impersonnelle ou carrément inexistante. Certains peuvent faire preuve d’un mutisme absolu ou produire des grognements, des pleurs, des cris stridents ou des fredonnements. D’autres arrivent à formuler des phrases correctes, courtes ou longues, de façon inexpressive et monotone. Ou ils peuvent également se mettre à chanter à défaut de pouvoir s’exprimer par la parole. C’est pourquoi de plus en plus d’orthophonistes ajoutent la musique à leur palette. Avec le chant, par exemple, un enfant peut apprendre à articuler ou mieux contrôler sa respiration.

Au Centre Milman qui accueille 130 enfants au quotidien, la musicothérapie permet aux enfants d’exprimer leurs émotions : sentiments de colère, de tristesse, de joie et même d’humour. Dans le cadre d’un cours de musique, on peut avoir recours à des chansons dont les mots sont très simples, à des phrases répétitives et même à des syllabes répétitives dépourvues de sens pour aider un enfant dans son apprentissage de la langue. Par ailleurs, le fait de présenter des chansons dont les mots sont porteurs de sens, avec l’aide de supports visuels et tactiles comme l’application numérique çATED peut faciliter ce processus de manière considérable.

Quand la musique permet à l'autiste d’exprimer sa créativité

Lorsqu’on donne à un enfant autiste la possibilité de jouer au piano, de créer des pièces de musique, ou d’émettre des sons dans un tube en plastique, on lui offre un moyen d’exprimer sa créativité. Or, qui dit créativité dit prise de conscience de soi en tant que sujet, en tant qu’individu capable. Cette prise de conscience s’opère avec la musique réceptive. Si vous faites écouter de la musique à un enfant dont le système sensoriel et cognitif est altéré, vous générez chez lui des perceptions qui lui permettent de prendre conscience des autres et de son environnement, améliorant ainsi ses compétences pour le vivre-ensemble.

En musique

Différents chercheurs, médecins, musicothérapeutes s’accordent sur les effets bénéfiques de la musique sur l’autisme. Notre analyse a permis de découvrir comment elle peut être un moyen d’expression, de communication et de plaisir partagé avec l’enfant autiste. Nous avons également analysé la place de la musique en lien avec les différentes prises en charge éducatives, comportementales, cognitives et développementales.

Références


[1] Une étude d’Opinion Way de 2012 révèle qu’un médecin sur trois ne sait pas diagnostiquer l’autisme. De même, un médecin sur quatre assimile encore le handicap à une psychose, alors qu’elle est définit par la Haute autorité de santé comme un trouble neurodéveloppemental.
 

[2] Nicolas Michel, « Côte d’Ivoire : Darius Guebray, un enfant atteint d’autisme sur scène à Abidjan », JeuneAfrique.com (blog), 2 mai 2018,
http://www.jeuneafrique.com/556359/societe/cote-divoire-darius-guebray-un-enfant-atteint-dautisme-sur-scene-a-abidjan/
 

[3] Christian Elongué, « Combattre l’isolement social et la mystification de l’autisme en Afrique. », Thot Cursus, consulté le 13 octobre 2018,
https://cursus.edu/11962/combattre-lisolement-social-et-la-mystification-de-lautisme-en-afrique
 

[4] « Cameroun : la lutte pour la connaissance de l’autisme en réseau », Thot Cursus, consulté le 13 octobre 2018,
https://cursus.edu/3453/cameroun-la-lutte-pour-la-connaissance-de-lautisme-en-reseau
 

[5] Paul Nordoff et Clive Robbins, Creative music therapy: Individualized treatment for the handicapped child (John Day Co, 1977)
 

[6] Yves Gaudin, « Musicothérapie et autisme: du chaos à l’organisé » (PhD Thesis, Nice, 2015).
 

[7] Pour être reconnue comme une activité thérapeutique, toute médiation doit faire l’objet d’une prescription médicale, au même titre qu’une autre activité de soin (psychomotricité, ergothérapie, etc.).


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