Culture Web. Création, contenus, économie numérique
Il s’adresse aux étudiants, spécialistes et professionnels en information-communication, économie, gestion, droit et sociologie.
Publié le 08 octobre 2018 Mis à jour le 08 octobre 2018
La thèse menée par Flavie Ferchaud évoque les mutations du faire, du faire soi-même et de l’expérimentation et montre comment la fabrication numérique est un activateur de changement. Cette expérimentation résonne comme une injonction à s’émanciper.
Plusieurs espaces et dynamiques sont étudiés tels que hackerspaces, Fablabs et Living labs de même que des dispositifs d’expérimentation et de fabrication numérique qui s’y déroulent.
Dans un premier temps la thèse évoque la recomposition du territoire au prisme des expérimentations. Le territoire y est vu dans sa diversité au regard de critères tels que la dimension géographique, symbolique, la proximité les interactions des acteurs mais aussi les préoccupations environnementales. Trois espaces urbains sont au cœur de l’étude avec la comparaison des situations de Rennes, Toulouse et Gand et une enquête sur Internet afin de prolonger et compléter les observations sur site.
Un deuxième temps s’efforce de cerner un objet idéologique dont le « tiers lieu » est l’emblème sémantique marquant au carrefour des mutations de l’organisation du travail et de ses espaces intégrés dans les politiques publiques ou le marché. Les usages, définitions du terme de tiers-lieu, la mise en scène de sa contestation, de ses contradictions ou de ses utopies participent de sa force symbolique, de ses promesses multiples mais ambiguës. Le tiers lieu s’inscrit dans un mouvement « faire » combinaison des principes de l'éducation populaire et d'initiatives préfigurant Internet. Une ambivalence est relevée. Elle tient aussi à la place entre marché et création de lien social. Tout se passe comme si la contreculture des hackerspaces, des fablabs et des living labs se normalisait dans une filiation commune tout en subissant une injonction a la quête du modèle économique.
Un troisième temps évoque le contexte d’émergence lié aux mutations de la ville contemporaine. Cette ville se réinvente par appropriation d’une méthode d'innovation ouverte par la démultiplication d’expérimentations et de hacking à des fins de marketing. Progressivement des ≪ créatifs ≫ sont intégrés comme nouveaux acteurs. Cette émergence est marquée par un capitalisme cognitif qui pourrait bien représenter une nouvelle phase du néo-libéralisme.
Dans le contexte urbain, le néo libéralisme se traduit par une redéfinition des communs, par une dénonciation des inégalités. La thèse montre comment les villes sont des foyers propices au développement de l'économie de la connaissance et plus encore comment la légitimation de l’urbanisation se ferait par l'économie de la connaissance. De nouvelles relations aux territoires opèrent au prisme des dispositifs d'expérimentation et de fabrication numérique qui font une large place à la créativité. La créativité s’organise en classe créative, ville créative ou dispositif créativité. La ville créative ou intelligente s’invente avec des expérimentations simultanément instrument de l'action publique, rhétorique et technique. L'expérimentation devient une forme de de-routinisation de l'urbain et finit par être institutionnalisée
Un quatrième temps de la thèse analyse trois grandes métropoles. Les études de cas révèlent les différentes facettes de la problématique.
Le temps cinq de la thèse, à partir des différentes études de cas, donne à voir un monde fragmenté constitué d’une variété de clubs à la base de la création des dispositifs d'expérimentation et de fabrication numérique. Le capital social, les histoires d'amitié, l’homogénéité des groupes avec des profils similaires mais des domaines d’activités divers jalonnent les différentes histoires. La fréquentation des lieux révèle des hackerspaces comme lieux à la fréquentation plus masculine, et également une difficile distinction entre salariés, bénévoles et usagers.
L’un des risques est la quête et l’entretien de l'entre soi avec des codes sociaux et leurs mécanismes sélectifs. Le monde des tiers lieux apparaît comme un monde à la fluidité organisée. La fréquentation d’un lieu unique est une exception, la règle est plutôt la circulation entre lieux pour des motifs pragmatique ou politique. Avec les personnes, ce sont des acteurs et des idées qui bougent. Les accès sont assez libres avec des formats originaux festivals, collaborations, agrégation d'acteurs nouveaux, programmation ≪ grand public ≫ à l'épreuve du militantisme ou public spécifique. Les pratiques de mise en commun (communing) se font sous condition. Les lieux accueillent une majorité de projets personnels, d’expérimentations, ou de situations productrices d’interactions. Internet, renforcerait la dimension collective de projets personnels.
Les lieux stimulent les projets collectifs. Le passage du personnel au collectif est un enjeu et faire ensemble apparaît comme une composante du modèle économique. Des mécanismes vecteurs de projets collectifs sont repérés et le principal projet collectif reste le lieu. L’agencement des locaux avec du mobilier à faire soi-même, joue un rôle dans cette émergence de collectif de même que la programmation : activités, plages horaires et offres commerciales en évolution, même si des tensions, des rapports de force et enjeux de pouvoir persistent ou de formalisation à posteriori.
Le temps sept de la thèse revient sur les dynamiques urbaines, les politiques publiques, la localisation et les productions. Ces politiques font l’objet de formalisation de type «ville intelligente (smart city)».
Le thème de la transversalité apparaît entre nécessité, injonction ou effet de rhétorique. Dans ces définitions et visées, «smart city» et «fab city» apportent leur nuance. La question de la localisation des espaces dans les quartiers, dans les rues, au centre-ville ou à proximité du centre-ville ou bien encore dans des quartiers excentrés se pose. Les institutions pèsent sur les choix, voire le désengagement de l’institution pousse à l’action. Des acteurs porteurs d’initiatives sont en quête d’indépendance par rapport à l’institution, allant parfois jusqu’à des occupations illégales. Se localiser est une action politique.
D’autres situations de dispositifs hors-sol, de locaux partagés, de participation à des collectifs artistiques ou des interactions ponctuelles avec peu de collaborations, des maisons-mix, des vitrines interactives sont aussi constatés. Chaque projet porte un discours et engage une réflexion sur la ville. Par exemple imprimer en 3D questionne la relation des individus à leur environnement et à la place des rebuts. De multiples enjeux se rencontrent entre la quête d’autonomie à usage personnel, à la mise en commun de mobilier urbain, en passant par la préservation de l'environnement, ou à la stimulation de la participation publique.
La conclusion de la thèse remet en perspective la dimension politique et brosse les typologies des espaces selon la relation aux institutions. Si les projets ont de faibles impacts, ils évoquent une empreinte territoriale à défaut d’ancrage urbain.
Le mot de la fin réside dans deux idées clés; d’abord se localiser est une réponse au développement du numérique et à l’individualisation ensuite ≪ faire ≫ est une modalité originale de mise en débat de l’action des pouvoirs publics en matière d’urbanisme.
Source
Fabriques numériques, action publique et territoire : en quête des living labs, fablabs et hackerspaces (France, Belgique) - Flavie Ferchaud.
Thèse de doctorat en Géographie, aménagement-urbanisme - Rennes 2
Téléchargement http://www.theses.fr/2018REN20010
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