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Publié le 23 septembre 2018 Mis à jour le 23 septembre 2018

Contribution des réseaux sociaux numériques à la connaissance organisationnelle. Thèse de Laura Ghebali-Boukhris

Analyse de la curation de contenu effective pour les organisations

Source Pixabay

La thèse «Analyse de la contribution d’un nouvel usage des réseaux sociaux numériques à la connaissance organisationnelle : la curation de contenu (.pdf)» de Laura GHEBALI-BOUKHRIS et soutenue en mai 2018 au CNAM, interpelle la pratique de la curation de contenu. Elle s’efforce de montrer comment la curation participe au développement des connaissances organisationnelles. La thèse s’articule en trois parties :

  • les facteurs influençant l’adoption de la pratique de curation par l’individu ;
  • l’analyse de l’intérêt des réseaux sociaux en tant qu’outil de support pour effectuer la curation de contenu ;
  • les notions de curation et réseaux sociaux dans le cadre organisationnel, afin d’en comprendre les bénéfices.

La curation de contenu, est définie comme une pratique visant à sélectionner et à partager les contenus les plus pertinents du Web. Les étapes de la curation suivent le schéma suivant : la recherche et la sélection des sources, l’éditorialisation et la diffusion de l’information. La pratique est ancienne mais connaît un regain avec le  «digital».

Le web est tellement dense en information que les internautes attendent des contenus plus qualifiés. La curation ressemble à la veille mais le curateur est bien souvent un indépendant libre de son organisation et de ses choix. Peu d’études existent sur l’impact de la curation en milieu professionnel à partir des réseaux sociaux.

Une des hypothèses de la recherche est de montrer qu’un usage de la curation pourrait rendre plus productif les temps passés sur les réseaux sociaux et détourner les employés-internautes d’usages contre-productifs. La thèse s’appuie sur un modèle d’acceptation des technologies, le modèle UTAUT qui comprend trois déterminants directs de l’intention (l’utilité perçue, la facilité d’utilisation et l’influence sociale), deux déterminants directs de l’usage (les conditions facilitatrices et l’intention d’adopter un comportement) et trois variables modératrices (le sexe, l’âge, l’expérience).

La thèse spécifie, la notion de « réseau » à partir de l’évolution historique du terme et les différentes controverses autour de son utilisation. Les questions relatives à la fiabilité des informations, de la véracité des identités virtuelles, de la confidentialité des données, de conséquences pathologiques sur l’internaute actif ou encore d’instrumentalisation politique sont à l’œuvre. La puissance de diffusion des réseaux est analysée de même que leur capacité à créer des relations sociales y compris dans le monde réel.

La thèse compare 4 réseaux sociaux numériques publics (facebook, twitter, linkedin, instagram), utilisés pour des usages différents, afin de mieux appréhender les fonctionnalités les plus à même de soutenir un usage de curation de contenu sur les réseaux sociaux.

Une présence sociale utile

Le cadre théorique est très riche. La théorie de la présence sociale est utilisée pour caractériser la capacité du réseau à partager du sens et à transmettre de l’information. La théorie de la richesse des médias permet de faire correspondre les fonctionnalités d’un média avec les besoins en traitement de l’information. La théorie du mille-feuilles est convoquée pour montrer les effets de substitution et d’empilement des médias. La théorie de l’affordance évoque le coût de changement d’un média pour l’émetteur et la théorie de la masse critique montre l’asservissement des uns au comportement des autres dans le choix d’un média.

... dans l'organisation

La thèse s’efforce de croiser la pratique de curation professionnelle et l’aspect organisationnel, par le biais de l’analyse de son influence sur la connaissance organisationnelle. Elle liste les éléments de contexte permettant d’analyser en quoi la curation professionnelle sur les réseaux sociaux peut bénéficier à l’entreprise, et plus particulièrement à ses connaissances organisationnelles. La connaissance organisationnelle est évoquée comme un « processus » ou comme un « objet ». Elle est identifiée comme :

  • objet en interaction perpétuelle, formé à partir de l’information;
  • logique de traitement d’information, au sein de laquelle la connaissance est positionnée dans une optique pyramidale allant de la donnée (fait brut) à la connaissance (information à forte valeur ajoutée et interprétée) en passant par l'information (donnée traitée);
  • triade « savoir, faire, comprendre ».

La thèse analyse les différents types de connaissance présents dans la littérature, incluant notamment les connaissances explicites et les connaissances tacites ou encore la différenciation des connaissances individuelles, collectives ou organisationnelle.

En considérant l’aspect dynamique de la connaissance, la notion d’apprentissage organisationnel est abordée, au travers de trois approches distinctes :

  • l’approche comportementaliste,
  • l’approche cognitive et
  • l’approche cognitiviste.

La notion d’apprentissage mène  à la spécification du transfert des connaissances.

La notion du transfert représente « le degré auquel les participants appliquent les connaissances, compétences et attitudes acquises en formation dans leur activité professionnelle ». Le processus de transfert est caractérisé par deux grandes phases : le repérage de la connaissance et le déplacement de celle-ci, un lien peut alors être établi avec la performance

Le concept de connaissance organisationnelle est situé dans une littérature abondante qui croise réseaux sociaux numériques, knowledge management et processus d’adoption des technologies. Tout l’enjeu de la thèse est de faire le lien avec la curation et son apport aux connaissances organisationnelles.

Pour construire ce lien 3 questions  sont formulées :

  • Quels sont les facteurs influençant le choix du curateur d’effectuer la pratique sur un média plutôt qu’un autre ?
  • Quels sont les facteurs influençant positivement l’utilisateur dans l’adoption de cette technologie de collaboration ? Quels sont, à l’inverse, les freins limitant l’adoption de la curation professionnelle?
  • Comment l’organisation peut-elle capitaliser sur l’adoption de la pratique de curation pour  améliorer ses connaissances organisationnelles ?

Les variables permettant de tester l'usage de l'outil des réseaux sociaux dans le cadre de la curation sont la présence sociale, l'immédiateté et la concomitance. Celles permettant d'évaluer l'adoption de cette pratique par l'individu sont l'utilité perçue, la facilité perçue, l'influence sociale, les conditions facilitatrices, l'intention d'usage et l'usage actuel.

Les trois variables de l'âge, du genre et de l'expérience agissent comme des variables modératrices. La démarche adoptée correspond à un mode de raisonnement de type hypothético-déductif, justifié par l’articulation entre la théorie et le terrain d’investigation en utilisant  un questionnaire quantitatif rassemblant 841 réponses, et une analyse semi-directive qualitative adressée à quinze personnes ciblées comme expertes sur le sujet de la curation.

L’analyse descriptive des questionnaires remontés montre qu’une importante part de l’échantillon est représentée par des directeurs généraux, soit 27%. Aussi, les typologies de postes telles que chef de projet, de communication, consultant et commercial sont toutes proportionnellement représentées dans l’échantillon, alors que les fonctions de marketing et développeurs web comptent respectivement pour seulement 8% et 1%.

Demeurer cohérent

9 hypothèses sur 13 ont été validées. Ceci atteste de la pertinence des caractéristiques des outils des réseaux sociaux numériques pour opérer une curation de contenu : à savoir leur présence sociale forte, leur capacité d’immédiateté de transmission et le niveau de concomitance qu’ils permettent à leurs utilisateurs.

La partie sur les facteurs influençant l’adoption de la pratique de curation est décisive, puisqu’elle confirme qu’un individu souhaite, afin d’adopter la curation sur les réseaux sociaux, percevoir l’utilité de la plateforme dans ce cadre précis et ne pas avoir d’effort particulier à utiliser la technologie de collaboration. Les résultats démontrent également le rôle de l’environnement social dans cette adoption, influençant de manière directe et positive l’intention qu’aurait l’individu d’opérer une pratique de curation sur les réseaux sociaux.

Enfin, l’analyse du troisième bloc de variables confirme l’influence de l’adoption de la pratique de curation de contenu sur trois niveaux de connaissances : individuelles, collectives et organisationnelles. Elle affirme également qu’un désalignement entre les flux et les stocks de connaissances de l’entreprise entraîne une mauvaise perception des performances de l'entreprise de la part des collaborateurs.

L'analyse des données qualitatives  (verbatims) récoltées au travers des 15 entretiens semi-directifs s’est déroulée par l’analyse de la fréquence des principaux termes présents dans les entretiens, le diagramme hiérarchique permettant de catégoriser ces mots dans des thématiques précises, puis l’analyse par encodage matriciel permettant de comprendre quel type de profil de curateur abordait quel sujet.

Les 16 mots clés les plus fréquents représentaient les contours du sujet, incluant notamment les mots de "réseaux sociaux", "valeur", "connaissance". L'encodage matriciel a permis d'identifier 4 profils de curateurs parmi les 15 personnes interrogées. Nommément les curateurs indépendants effectuant de la curation à titre personnel, par passion et intérêt intellectuel ; les curateurs praticiens dont l’activité de curation fait partie intégrante de leur mission et de leurs responsabilités professionnelles ; les curateurs experts de la connaissance représentant des individus détenant une expertise conceptuelle de la notion de curation et de gestion des connaissances ; et les individus aux postes de directeurs ou fondateur, ayant développé une entreprise dont le cœur d’activité est la curation.

Quatre facteurs clé

L’étude qualitative a permis une double validation implicitement des hypothèses de la recherche, mais n'a pas permis de valider les hypothèses réfutées dans la partie quantitatives. En revanche, les interlocuteurs ont confirmé à l’unanimité l’importance des quatre facteurs d’adoption testés (conditions d’accompagnement, perception de l’utilité de la curation et de la facilité d’utilisation, influence sociale), ainsi que l’apport de la curation dans l’amélioration des connaissances individuelles, collectives et organisationnelles. L'analyse a également permis de compléter le modèle de recherche en proposant d'autres variables pouvant être testées dans des recherches futures.

Toutes les personnes entendues en entretiens s’accordent à dire que la curation n’est pas un travail dévolu à la totalité des employés de l’organisation, mais revient à des individus en particulier. Cependant, ils précisent que les initiatives basées sur la curation contribuent à améliorer l’image de l’entreprise.

Télécharger la thèse de Laura Ghebali-Boukhris
«Analyse de la contribution d’un nouvel usage des réseaux sociaux numériques à la connaissance organisationnelle : la curation de contenu -  https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01836423


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