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Publié le 24 septembre 2018 Mis à jour le 24 septembre 2018

Le système éducatif de l’Ile Maurice, reflet de son économie performante ?

Les forces et faiblesses du système éducatif sur l’Ile Maurice

Université de Maurice @ LiveinMauritius.com

Introduction

L’île Maurice, petite ile au large de Madagascar d’à peine 1,3 million d’habitants, occupe

  • la tête du classement 2018[1] Doing Business de la Banque mondiale,
  • la tête de l’indice  Ibrahim  de  la  meilleure  gouvernance  des  pays  africains, « Best Tax Efficient Country To live In »[2], et
  • la deuxième place au classement des Nations unies, selon l’indice de développement humain, juste derrière[3] les Seychelles.

Sa stabilité économique, politique[4] et son bilinguisme rassurent et attirent les étrangers[5] et investisseurs du monde entier, et les millionnaires africains y deviennent encore plus riches[6].

Le pouvoir d’achat des habitants dépasse celui des pays émergents et tout semble aller bien dans le meilleur des mondes. Seulement, dans quelle mesure le système éducatif soutient et contribue-t-il à cette croissance ? Autrement dit, l’éducation à Maurice est-elle aussi performante et rayonnante que son économie ? Quel est sa particularité vis-à-vis des autres nations africaines ?

L’éducation, une priorité à l’Ile Maurice.

Chaque année, le gouvernement augmente son budget pour l’éducation. Celui-ci est passé de 23 millions de dollars US en 2005-2006 à 28 millions de dollars US en 2008. Déjà en 2009, environ 11,4 % des dépenses totales du gouvernement étaient affectées à l’éducation. En 2017, il représentait plus de 12% de la dépense publique. D’où le taux de scolarisation très important par rapport au continent africain : 97% pour l’école primaire, 72% dans le secondaire.

Le seul bémol porte sur l’enseignement supérieur, qui peine à enregistrer un taux d’inscription de 50% sur les jeunes de 20 à 24 ans. Une faiblesse à relativiser car l'Île Maurice dispose du plus haut taux de scolarisation tertiaire en Afrique selon l’UNESCO.

Une situation favorisée par l’existence d’infrastructures modernes, une société multiraciale et bilingue, le transport gratuit pour les étudiants et la facilité d’obtention de visas étudiants.

La performance du système éducatif Mauricien : un bilan mitigé.  

Au regard du budget qui y est consacré et de sa population, c’est sans surprise qu’on retrouve l’Ile Maurice comme le troisième pays Africain au plus haut taux d’alphabétisation. A tel enseigne que le Prix Nobel de l’Économie, Joseph Stiglitz a suggéré aux États-Unis de s’inspirer de  cet île où l’accès à l’éducation est gratuit. L’examen équivalent du baccalauréat français – le Cambridge Higher School Certificate – enregistre un taux de réussite autour de 75% sur les 5 dernières années. Ce qui pourrait démontrer un système éducatif performant… mais est-ce vraiment le cas ?

En effet, même si tous les enfants ont accès à l’éducation, nombre d’entre eux ne parviennent pas à rester dans le système. Tous les ans, 30 à 40 % des enfants échouent à l’école primaire. Dans le secondaire, le taux de redoublement est élevé : 23 % de tous les élèves redoublent une classe entre la IVe et la Ve du secondaire[7]. Les populations reprochent aux examens du School Certificate (SC) et le Higher School Certificate (HSC) de l’université de Cambridge, de ne pas correspondre aux besoins d’une grande majorité d’élèves.

Seul un élève sur trois entrant en classe I du secondaire réussit à obtenir le SC et un grand nombre n’y parvient qu’en repassant l’examen. Ce taux d’échec élevé est attribué principalement à l’utilisation de l’anglais comme langue d’enseignement. Les élèves âgés de 10 à 11 ans, par exemple, doivent passer des examens de mathématiques, de géographie ainsi que d’autres matières en langue anglaise. D’où le défi des langues d’enseignement.

Le défi du kreol morisien

Au regard des challenges sus-évoqués, le gouvernement a encouragé l’utilisation des langues maternelles pour faciliter l’enseignement et l’apprentissage et a réfléchi à l’introduction du kreol morisien et du bhojpuri comme matières optionnelles dans les écoles.

Bien que le kreol morisien soit la langue maternelle de pratiquement tous les mauriciens, cette volonté du gouvernement fut taxée d’avoir des connotations linguistiques. Car le Kreol morisien peut se référer d’une part à la principale langue de communication et d’autre part celle du groupe ethnique créole. Le véritable défi consiste aujourd’hui à faire en sorte que le kreol morisien soit considéré à la fois comme langue identitaire des Créoles et comme langue nationale de tous les Mauriciens. La création de l’Akademi Kreol Morisien (AKM) s’inscrit dans cette dynamique et représente une étape historique importante dans le processus de reconnaissance, de développement et de promotion de cette langue du pays.

Un système éducatif élitiste axé principalement sur l’évaluation des connaissances

Le système éducatif Mauritien est ancré dans une culture très compétitive qui aboutit à renforcer « la survie des plus forts ». En 2001, le ministre de l’Éducation S. Obeegadoo, a mis en place une réforme du système d’évaluation pour le remplacer par le système de classement qui servait d’instrument de sélection pour l’accès aux « établissements secondaires de prestige ». En 2005, le nouveau ministre de l’Éducation, D. Gokhool, un ardent défenseur du système élitiste, a créé un nouveau type d’établissements, les écoles nationales (National Schools) pour les élèves « les plus brillants ». Ce système conduit les parents, les élèves et les enseignants à essayer d’obtenir un maximum d’A+ pour intégrer ces établissements.

L’enseignement supérieur à l’Ile Maurice.

La demande en matière d’enseignement supérieur a augmenté à l’échelle mondiale. Selon les statistiques publiées par Merrill Lynch, le marché de l’enseignement supérieur privé atteindra les 8 trillions de dollars américains d’ici 2025. En 2010, la création du ministère de l’Éducation, de la Recherche et de la Technologie a donné un nouveau souffle à l’enseignement supérieur et aussi afin de positionner Maurice comme pôle d’excellence de l’enseignement supérieur dans cette région du monde. Avec sa position géostratégique entre l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Australie, elle est en train de devenir un véritable carrefour de formation et de professionnalisation, notamment celle des dirigeants et membres des gouvernements africains.

Pour les jeunes Africains qui ambitionnent d'occuper des fonctions de dirigeants dans leurs pays en Afrique, Maurice vient d'inaugurer le campus de l'African Leadership College, dans le souci de fournir à l’Afrique une main-d’œuvre composée de leaders dans tous les domaines et à tous les niveaux. Aussi, l'African Training Institute, qui y opère depuis 2013 et est régi par le FMI, offre une large palette de cours aux dirigeants africains dans divers domaines. Les thématiques abordées incluent les politiques budgétaires, monétaires ou la supervision du secteur financier.

Une vision entretenue

L’éducation constitue un enjeu de taille pour la stabilité politique et sociale et la croissance technologique, économique et culturelle d’un pays. Pour rivaliser avec les économies performantes d’autres pays, Maurice doit planifier et réajuster en permanence son système éducatif.

Le pays peut toujours compter à son actif un groupe très diversifié de cadres moyens et supérieurs à la fois engagés, polyvalents, innovateurs, capables de s’adapter, d’induire des changements, dotés d’un esprit d’entreprise et, par-dessus tout, d’un esprit visionnaire.

 

[1] « Top 5 des pays africains les plus compétitifs », Le360 Afrique, 2 octobre 2016, http://afrique.le360.ma/maroc-autres-pays/economie/2016/10/02/6110-top-5-des-pays-africains-les-plus-competitifs-6110
 

[2] Des mesures radicales ont été mises en place pour stimuler la création et la croissance des PME. Dans cet optique nous pouvons mentionner l’avantage fiscal accordé aux nouvelles entreprises qui seront désormais exonérées d’impôts pour une période de 8 ans.
 

[3] Agence Ecofin, « Le classement des pays africains dans l’édition 2016 de l’indice de développement humain du PNUD », Agence Ecofin, consulté le 14 septembre 2018, https://www.agenceecofin.com/economie/2403-45994-le-classement-des-pays-africains-dans-l-edition-2016-de-l-indice-de-developpement-humain-du-pnud
 

[4] Dans son index sur l'état de  la démocratie  dans  le  monde  en  2016, l'institut  Economist  Intelligence Unit  estimait  qu'il  n'y  avait  qu'un  seule  démocratie  à  part entière  dans  le  sous-continent:  l'île Maurice.
 

[5] En conséquence, le pays a enregistré une croissance de 700% du nombre de ressortissants étrangers sur son sol entre 1990 et 2015.
 

[6] Le nombre de millionnaires a augmenté de 20% en 2016 pour atteindre 3.800 personnes sur un total de 1.3 million d'habitants. C'est plus de millionnaires que dans des pays beaucoup plus vastes comme le Ghana ou l'Ethiopie, note le site d'information Quartz.
 

[7] Jimmy Harmon, « Le système éducatif de l’Île Maurice », Revue internationale d’éducation de Sèvres, no 57 (1 septembre 2011): 22‑30, https://doi.org/10.4000/ries.2050.


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