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Publié le 19 août 2018 Mis à jour le 19 août 2018

Comment répondre de façon constructive et effective aux climato-sceptiques ?

Comprendre puis convaincre les climatosceptiques sur l’importance de lutter contre le changement climatique.

Avant d'engager la discussion avec un climato-sceptique

Avant même d’engager la conversation avec un climato-sceptique, il est important d’avoir conscience de certains faits :

  1. Les climatosceptiques[1] sont des lyssenkistes[2] : vous ne pourrez jamais les convaincre par un argument scientifique. Même s'il place la discussion sur le plan scientifique, ses objections sont d'ordres politiques, morales ou religieuses...
  2. Ce sera un combat inégal : vous aurez en face de vous un interlocuteur dont l’objectif n'est généralement pas de montrer qu'il a raison mais de faire croire que vous avez tort et de crier victoire si votre position varie d'un iota.
  3. Vous êtes maître de la discussion : soyez celui qui pose les questions, qui oriente les échanges, donne le ton... Une fois dépouillé du vocabulaire pseudo-scientifique, un "argument" climatosceptique se réduit en général à une série d'affirmations vagues et embrouillées, ne faites pas l'erreur d'essayer de répondre en fonction de ce que vous pensez avoir deviné de la position de votre interlocuteur.
  4. Résistez à la tentation d'amener la discussion sur un plan personnel (les qualifications du commentateur, ses motivations...). Contentez-vous de démonter son raisonnement ou les faits qu'il avance de façon aussi précise et rigoureuse que possible.
  5. Adaptez votre argument à votre interlocuteur[3] : il serait erroné de penser que d'autres personnes seront convaincues par les mêmes arguments qui ont marché sur nous.

Pendant la discussion

Sachez que, dans la plupart des cas, votre interlocuteur ne cherchera pas à étayer son opinion mais à affaiblir la vôtre. Il est plus facile et aussi efficace de créer du doute. Pour cela, il peut recourir à trois méthodes :

1) mettre en doute l'existence même d'un consensus scientifique,

2) attaquer les personnes

3) contester les raisonnements et les données scientifiques.

Si vous parvenez à classer les arguments de votre interlocuteur dans une de ces 3 catégories, vous pourrez y répondre plus facilement.

1. Lorsqu’il met en doute le consensus

Une étude aux États-Unis a montré que c'est l'argument le plus souvent utilisé pour nier le changement climatique. Assez simple, il pourrait se résumer ainsi : « Qui a décidé qu’un léger réchauffement de 0,8 degré sur 100 ans était néfaste ? Dans le passé il y a eu des périodes plus chaudes que maintenant, et il s’agissait de périodes prospères » ou « Je ne suis pas scientifique mais je sais qu'il existe des chercheurs qui doutent du réchauffement climatique ».

Que répondre ? 

D'abord, on peut rappeler que l’unanimité est un idéal, hors de portée quel que soit le sujet. Plus de 500 après la première circumnavigation, il existe encore un certain nombre de personnes convaincues que la Terre est plate... Mais ce n'est pas l'unanimité qui définit une certitude scientifique, c'est l'existence d'un nombre suffisant de preuves convergentes en particulier lorsqu'elles sont partagées par des scientifiques issus de plusieurs disciplines et de différents horizons. Cette condition est manifestement remplie pour le changement climatique. De nombreuses études(voir iciiciici ou ici) ont tenté d'évaluer l'existence ou non d'un consensus dans la communauté scientifique. Elles sont toutes parvenues à un constat similaire : le consensus scientifique est de l'ordre de 97% depuis le début des années 90.

2. Lorsqu’il s'attaque aux personnes : l’argument ad hominem

S’il pense avoir raison contre 97% des scientifiques, il faut bien que, en dépit des apparences, tous ces gens soient des idiots ou des conspirateurs. C'est pourquoi l'attaque ad hominem est pratiquement une figure obligée de tout discours climatosceptique. On retrouve de multiples attaques :

  • Contre des figures médiatiques : Al Gore, par exemple…
  • Contre certains chercheurs : le cas de Michael Mann est emblématique mais loin d'être unique.
  • Contre le GIEC : « Pourquoi est-ce que ça prend un organisme politique (GIEC) pour dire aux scientifiques quoi « croire » ?  Depuis quand les hypothèses scientifiques sont devenues des vérités ?
  • Contre les climatologues : « Comment peuvent-ils clamer que la période actuelle est un réchauffement[4] « jamais vu » et ignorer toutes les périodes plus chaudes dans un passé pas si lointain ? »
  • Voire tout simplement contre vous...

 Que répondre ? 

Éviter ce piège de l’obscurantisme en essayant plutôt de ramener la discussion dans le champ scientifique. Vous pouvez rappeler que la liberté académique est indispensable au progrès scientifique.

3. Lorsque son objection est d'ordre scientifique

Ici, il peut s'agir de :

  • Contester les données et les observations :« on est incapable de dire quelle partie du réchauffement récent (entre 1970 et 1998) est dû à la nature, alors comment on peut savoir quelle portion est due à l’activité humaine ? »
  • Mettre en doute les modèles : « Il n’y a plus de réchauffement car si la science réchauffiste était « réglée », pourquoi le réchauffement s’est-il arrêté il y a plus de 15 ans, alors que toutes les prédictions du « consensus » disaient que ça allait se réchauffer de façon catastrophique avec l’augmentation du CO2 ? » ; « on ne sait pas prévoir le temps qu'il fera dans deux semaines », « le GIEC a revu ses prévisions » ...)
  • Proposer des théories alternatives : « le soleil est responsable du réchauffement climatique », « ce sont les rayonnements cosmiques »" etc.).

Malgré leurs variétés, ces arguments ont pour dénominateur commun : une méconnaissance du sujet, des raisonnements fallacieux (tautologie, fausse analogie, faux dilemme, paralogisme, etc.) ou un choix de données orienté.

Que répondre ?

Le plus souvent votre interlocuteur climatosceptique reprend ce type d'argument d'un tiers, il peut être intéressant de lui en demander la source. En bout de chaine, vous trouverez parfois une vraie publication scientifique qui a été mal comprise, ou tout simplement qu’elle est fondée sur les rumeurs...
Dans tous les cas, même si vous apercevez les erreurs de votre interlocuteur, il faut partir du principe qu'il est de bonne foi et que lui-même pense que son argument est valide : plusieurs ressorts psychologiques, comme le biais de confirmation, peuvent expliquer que des personnes d'ordinaire rigoureuses acceptent un raisonnement faux. Expliquez l'erreur et faites preuve de pédagogie. Pour vous aider, vous pouvez trouver ici (en anglais) des réponses détaillées à la plupart des arguments climatosceptiques.

Après la discussion

Après votre discussion ou débat, houleux ou non, avec un climatosceptique, il faut être patient pour voir un changement d’attitude. Ne vous attendez pas à ce que votre interlocuteur quitte votre conversation entièrement converti. Il est cependant urgent que les citoyens s’engagent, tant personnellement que collectivement dans la promotion du développement durable. Des enjeux majeurs y sont associés et demandent des changements drastiques dans nos sociétés. Chaque citoyen engagé devrait interroger les politiques publiques et s’impliquer dans les prises de décision, permettant ainsi de rester constructif.

Références

[1] Les climatosceptiques désignent ces personnes qui mettent en doute l’urgence de combattre le changement climatique. Ici il ne s'agit pas de personnes qui demandent des preuves avant d'adopter une opinion mais, au contraire, de personnes qui ont déjà une opinion arrêtée et qui évaluent la validité des arguments qui leur sont présentés en fonction de leurs convictions. Sauf exception, le "climatosceptique", paradoxalement, n'est pas un sceptique : il est certain d'avoir raison et le doute dont il se réclame ne s'applique qu'aux thèses qu'il rejette.
 

[2] Pour le négationniste, une information ne peut être exacte que si elle est en accord avec sa représentation de soi et du monde. On parle pour décrire ce phénomène de lyssenkisme, du nom du biologiste soviétique Trofim Lyssenko qui crut pouvoir appliquer la lutte des classes à l'agronomie.
 

[3] “How to Talk to Someone Who Doesn’t Believe in Climate Change,” Ideas.Ted.Com (blog), November 15, 2017, https://ideas.ted.com/how-to-talk-to-someone-who-doesnt-believe-in-climate-change/.
 

[4] Bruno Scala, “Réchauffement : une étude pour convaincre les climatosceptiques,” Futura, accessed August 21, 2018, https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-rechauffement-etude-convaincre-climatosceptiques-34259/.


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  • Incidences climatiques


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