L’impact du changement climatique sur le secteur éducatif est devenu manifeste. Les rapports de Save the Children (2008) et de l’UNICEF (2008) montrent que cet impact se fait sentir par des perturbations dans la possibilité d’aller en classe. Par exemple, dans certaines régions d’Afrique du Nord, les élèves ne peuvent pas aller à l’école en période grosse chaleur[i] ou de tempête de sable. Les routes deviennent également impraticables lorsque les sols, brulés par la sécheresse, ne parviennent pas à absorber les pluies.
Au-delà de l’accès à l’école, le changement climatique affecte aussi la santé des élèves et enseignants. Un climat plus chaud modifie l’aire de répartition géographique des vecteurs de maladie, comme les moustiques. En conséquence, des populations jusqu’à présent épargnées seront exposées à des maladies telles que le paludisme et la dengue alors qu’elles n’y sont pas préparées. Ce fut le cas par exemple de la méningite à liquide clair à Djibouti.
Les élèves sont la couche la plus vulnérable aux changements climatiques.
Les études semblent indiquer que les enfants[1], du fait de leur vulnérabilité, sont les plus concernés par les changements climatiques (multiplication des catastrophes naturelles, crises nutritionnelles et sanitaires, migrations…). Ils affectent leur bien-être et les soins qui leur sont prodigués ainsi que la possibilité qu’ils auront de bénéficier d’une éducation de qualité et équitable. En effet, de nombreuses familles rurales en Afrique subsaharienne vivent essentiellement des fruits de l’agriculture. Avec des sècheresses sévères comme ce fut le cas au Zimbabwe[ii], des millions de parents ont perdu toutes leurs récoltes et se sont retrouvés incapables de payer les frais de scolarité de leurs enfants[iii].
C’est le cas de la jeune zimbabwéenne de 15 ans Pamhy Maranga qui déclare, dans cette vidéo, ne pas pouvoir être concentré durant les apprentissages car ayant le ventre creux. Toujours à cause de la sécheresse, les dirigeants de l’école déclarent n’avoir perçu les frais de scolarité que pour 10% de l’effectif total des élèves. Avec un revenu moindre, les familles sont plus susceptibles de dépenser leur argent pour acheter des produits de première nécessité comme la nourriture plutôt que pour payer les frais de scolarité. D’où la baisse au niveau du taux de fréquentation des écoles. Tout comme Maranga, c’est environ 1,4 million d'enfants qui ont été touchés par la dure sécheresse[iv] qui a sévit dans les 10 districts du Zimbabwe.
La perturbation des pratiques agricoles[2] est un autre effet secondaire du changement climatique, qui conduit à une progression de la malnutrition en raison du renchérissement des produits alimentaires. Comme on peut le lire dans un rapport du consortium CREATE (2008),
« les enfants d’âge scolaire qui souffrent de malnutrition protéino-énergétique, de faim ou dont le régime alimentaire est carencé en certains micronutriments ou qui sont atteints de maladies telles que le paludisme, la diarrhée ou des affections parasitaires n’ont pas le même potentiel d’apprentissage que les enfants en bonne santé et bénéficiant d’une bonne nutrition, qu’ils risquent davantage de redoubler, d’arrêter leur scolarité précocement et de ne pas apprendre correctement par manque de concentration ou de motivation ou à cause de déficits cognitifs ».
Si l’on connaît mal les effets cumulés de ces perturbations sur les résultats scolaires des enfants, il est évident qu’une fréquentation discontinue des cours ne peut avoir que des conséquences délétères sur l’apprentissage.
L’impact au niveau des infrastructures éducatives
Les enfants ou les personnes ne sont point les seuls affectés par le changement climatique en Afrique. L’impact est également visible au niveau des infrastructures éducatives notamment les bâtiments scolaires. Par exemple, de nombreux bâtiments scolaires ne sont point adaptés aux hautes températures et les élèves et le corps enseignant y étouffent. Dans certaines écoles privées, des ventilateurs domestiques ou la climatisation est disponible, mais le coût d’accès à ces écoles privées est bien souvent au-dessus du portefeuille du citoyen lambda. Présents en effectif pléthorique dans les établissements d’enseignement public, ces enfants font régulièrement état de malaises et de maux de tête. Sans oublier que de fortes températures ne sont pas sans effets sur la concentration et la capacité à réfléchir.
Enfin, des perturbations dans l’approvisionnement en électricité, peuvent contraindre les écoles à suspendre leur activité, et dans les cas extrêmes, les intempéries peuvent même endommager les infrastructures.
Le rôle de l’éducation dans l’adaptation au changement climatique
On observe aujourd’hui un débat riche et dynamique sur le rôle que doit jouer l’enseignement pour encourager le développement durable et combattre le changement climatique. La question est de déterminer si l’objectif des programmes éducatifs doit être d’encourager les individus à développer les compétences qui leur permettront d’affronter et de surmonter des changements rapides et des incertitudes (pensée critique ou résolution de problèmes), d’enseigner aux individus comment adopter des comportements adaptés (recycler, économiser l’énergie…), ou de promouvoir certaines valeurs (respect de soi, des autres et de l’environnement).
Peu importe la voie envisagée, cela passe par le renforcement de la résilience des systèmes éducatifs africains. L’article 6 de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, propose que l’enseignement, la formation et la sensibilisation du public fassent partie des réponses apportées au changement climatique. Or, les programmes scolaires de la moitié des pays du monde ne mentionnent pas explicitement le changement climatique dans leur contenu.
Il est impératif d’améliorer la compréhension générale du concept de changement climatique, ainsi que la sensibilisation à ses conséquences au niveau régional et local, ce qui permettra aux autorités nationales de rendre les systèmes éducatifs plus résilients au risque climatique et permettra au milieu scolaire d’être mieux préparé en cas de catastrophes liées au climat.
En termes pratiques, tester la résilience de l’éducation[v] au changement climatique signifie, par exemple, vérifier que l’infrastructure existante est sans danger en cas de graves intempéries et s’assurer que l’établissement possède un plan de gestion des risques climatiques. Pour les écoles, il s’agit de mieux évaluer les risques lorsque l’on décide du lieu où sera bâtie l’école et de choisir une infrastructure mieux adaptée, conçue pour résister aux événements climatiques extrêmes. Si les températures évoluent, il faudra que les équipements évoluent aussi. Enfin, on pourrait inclure des paramètres mieux adaptés aux évolutions climatiques de la région : bâtiments plus économes en énergie, qui utilisent l’abondant potentiel régional en énergie solaire, par exemple, qui recueillent l'eau de pluie pour la réutiliser, etc. De cette manière, l’infrastructure physique des systèmes d’éducation sera plus apte à résister au climat.
Références
[1] Selon la Banque Mondiale, 99% des décès attribués aux changements climatiques surviennent dans les pays en développement et les enfants représentent 80% de ces décès. Chaque minute, un enfant meurt du fait de la mauvaise qualité de l’eau et d’un manque d’accès aux structures sanitaires de base.
[2] D’ici 30 ans, le dérèglement climatique exercera une menace croissante sur la production vivrière en Afrique subsaharienne.
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