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Publié le 27 février 2018 Mis à jour le 29 septembre 2021

Protéger et utiliser des données personnelles en éducation : où en sommes-nous ?

Une nouvelle règlementation européenne ouvre la possibilité de réutiliser ses données personnelles. Dans la pratique, on en est encore loin

Le 25 mai 2018 rentre en vigueur le « RGPD »,  règlement général de protection des données. Parmi les éléments de nouveauté, une responsabilisation accrue de tous les acteurs qui traitent des données personnelles, face à des pouvoirs de sanction des autorités nationales pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaires mondial d’une entreprise !

Un article récent de B. Devauchelle  évoque la difficulté des différents acteurs du monde scolaire à rentrer dans le cadre de cette loi européenne … et à assumer pleinement leur double responsabilité, « juridique comme éthique », à l’égard de la masse de données personnelles d’un élève qu’on peut agréger aujourd’hui.

Un autre article récent sur EducPros  aborde le nouveau règlement sous l’angle « politique » du lieu de stockage des données et de l’indépendance numérique : un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur serait exposé au dilemme de l’externalisation, face à des stratégies commerciales particulièrement aguerries d’opérateurs privés.

Une autre nouveauté du RGDP est le droit à la portabilité, défini comme « le droit à récupérer ses données dans un format ouvert et lisible par une machine pour les réutiliser à des fins personnelles ». La position européenne oscille souvent entre protection et valorisation des données ; l’idée de réappropriation des données n’est pas nouvelle, on l’avait déjà évoquée en 2015 à propos de l’initiative de la Fing « Self Data ». Des initiatives comme MyStudentData, aux Etats-Unis, devaient permettre à chaque étudiant de télécharger ses propres données de scolarités, éparpillées entre administrations fédérales et locales.

La règlementation a certes progressé depuis, mais qu’en est-il des pratiques ?

À la lecture de la presse américaine récente on découvre que l’initiative MyStudentData n’a jamais réellement décollé, hormis un timide essai sur le site d’enregistrement des demandes d’aide financière fédérale (FAFSA). Plusieurs raisons justifieraient cette faible concrétisation : l’absence d’élaboration d’un dictionnaire commun de métadonnées pour permettre à chaque agence de publier ses données. Une vision cible trop centralisée qui se serait révélé incompatible avec une organisation décentralisée, où chaque agence ou structure peut faire évoluer son propre système d’information en toute autonomie.

Toujours outre Atlantique, un autre projet – cette fois d’initiative privée – a connu également un échec cuisant. InBloom, 100 millions financés par la fondation Gates, une plate-forme open source centralisant des données éducatives qui comptait briser les barrières d’interopérabilité et libérer toutes les potentialités de l’analyse des données, en termes de prise de décision et de suivi des apprentissages.  Un article de la Data Society revient sur l’héritage de ce projet et les raisons de cet échec :

  • une anticipation insuffisante des ramifications bureaucratiques des administrations éducatives ;
  • l’imprécision du modèle économique (entre 2 et 5 dollars par élève),
  • un fonctionnement typique de start-up face à un marché encore difficile à cerner, peu acceptable dans une initiative d’une telle envergure.
  • l’absence d’études de cas ou d’initiatives pilotes pour convaincre une opinion publique réticente, soucieuse des dangers de commercialisation possible des données.

Deux initiatives qui ont échoué malgré une volonté politique, l’implication d’acteurs reconnus et une enveloppe financière parfois conséquente. Quelle leçon en tirer ? Probablement, la nécessité de multiplier des initiatives pilotes moins ambitieuses, à plus petite échelle, qui pourraient éclairer la voie, comme par exemple deux projets d’expérimentation politique Erasmus+ en cours :

  • Erasmus without paper, pour échanger entre universités des données de mobilité à la base du programme Erasmus, ou
  • le projet Emrex, pour transférer les dossiers étudiants ou les partager avec des employeurs, dans un contexte de stratégie européenne visant un taux de mobilité de 20% des étudiants d’ici 2020.

Lors d’un atelier de préparation au « RGDP » organisé par la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) en décembre dernier, le droit de portabilité était présenté comme très théorique, personne ne connaissant encore les modalités de mise en pratique. Un scénario présenté comme plausible était l’émergence d’intermédiaires de confiance qui se chargeraient de l’interfaçage et du formatage de données à la place de structure de provenance de données.

Il reste maintenant à imaginer comment appliquer cela au monde éducatif.

Pour en savoir plus sur le RGDP, un MOOC du CNAM démarre en avril sur la plateforme fun : https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:CNAM+01032+session01/about

Illustration : thedescrier , Foter.com

Références

  1. Bruno Devauchelle : Les données personnelles, en question
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/02/16022018Article636543632555710486.aspx (février 2018)
     
  2.  MyData Button: Button, Button, Who’s Got the Button?
    http://www.arniedocs.info/wp-content/uploads/2016/05/MyData-Button-Disappears-2016-05-03.pdf (mai 2016)
     
  3. Data Society. The legacy of Inbloom. Working paper.
    https://datasociety.net/pubs/ecl/InBloom_feb_2017.pdf (février 2017)
     
  4. Erasmus without paper - http://erasmuswithoutpaper.eu
     
  5. Emrex - http://www.emrex.eu/  


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