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Publié le 28 mai 2018 Mis à jour le 28 mai 2018

Innovation disruptive et apprentissage

Changements auto-renforcés.

Le constat de départ est le suivant : la façon dont nous vivons ensemble dépend de l'éducation qui nous transforme. Ce qui semble le plus important actuellement c'est d'améliorer le vivre ensemble, la protection de la planète et sa préservation pour les générations futures.

Pour la première fois des scientifiques annoncent la possibilité d'une disparition de l'espèce humaine. Une prise de distance sur le mode de consommation et de logique exclusive d'accaparation des ressources devrait nous servir de repère car il est prouvé que l'action humaine influe sur le climat.

Cela passe par une émancipation individuelle et collective d'évidences qui guident nos choix et que nous n'interrogeons plus. Chaque acte d'apprentissage est un acte organique vivant une opportunité d'élévation de notre conscience. Chaque acte d'apprentissage emporte une part de futur. L'apprentissage va bien plus loin que la seule adaptation aux conditions de son environnement. Il engage notre manière d'être au monde.

Parvenir à développer des innovations disruptives dans les façons d'apprendre pour faire face aux enjeux sociétaux est très difficile. Beaucoup a été tenté et réussi, beaucoup a été imaginé par des pédagogues brillants ou des anonymes par petites touches. Dans "l'innovation ordinaire" décrite par Norbert Alter, une multiplicité de petites modifications finissent par changer toute la trame sociale.

Disruption technologique

La disruption est aujourd'hui associée à la technologie. Allez sur un salon de la formation professionnelle et l'on vous présentera le dernier cri en matière de plateforme, d'interactivité en ligne, de jeux sérieux, de robots, de réalité virtuelle ou d'intelligence artificielle. Le monde de la formation est devenu technophile.

On vous impressionnera avec une masse de données accumulées à force de tracer vos navigations en ligne, par le mouvement de votre œil sur un écran ou les actions de la main sur votre souris. Ces données permettront à des algorithmes de devancer vos besoins et de deviner le meilleur cheminement ou les questions les plus pertinentes pour apprendre. Cela laisse présager des MOOC à la fois massifs et individualisés.

On vous bluffera en vous faisant pénétrer, par le moyen de casques voire de combinaisons haptiques, dans un univers entièrement dématérialisé qui troublera vos sens et finira par vous absorber à la façon du film Matrix. Les univers virtuels commencent à capter notre présence et nous soustraire à celle des autres, puis ils aspirent notre capacité d'attention, puis nos intentions et enfin toute notre proprioception. Les sensations provenant de l'intérieur de nos corps sont affectées. En moins de 8 minutes nous sommes tellement happés dans des mondes virtuels qu'un tiers peut intervenir sur notre corps et que notre cerveau accaparé par d'autres signaux est confondu et ne s'aperçoit de rien.

Le détournement d'attention par réalité immersive est l'une des applications les plus prometteuses en médecine pour des pathologies lourdes : par exemple le changement de pansement à des grands brûlés qui plongés dans un univers onirique ne sentent pas le soin ou bien encore une opération à cerveau ouvert sans anesthésie permettant au chirurgien de voir grâce au scanner et à l'activation des neurones activés par un dialogue avec le patient dans quelle zone précise il glisse ses instruments.

On vous estomaquera en comparant votre cerveau à la puissance de calcul d'un méga ordinateur, ceux qui battent les meilleurs joueurs de go ou d'échec. Les intelligences artificielles pédagogiques qui se profilent soulageront nos cerveaux de tâches de précision ou répétitives. On nous promet d'alléger notre esprit et de gagner de nouvelles facultés comme à l'époque ou l'écriture s'est aérée. C'était le temps ou l'espace de stockage sur du velum (peau de veau finement tannée) coûtait si cher que les mots étaient serrés les uns contre les autres sans aucun blanc par mesure d'économie. L'arrivée du papier a permis une lecture moins laborieuse. Les aides en ligne, bots et autres interfaces d'appui à base d'intelligence artificielle remiseront au placard les avatars les plus datés qui circulent déjà sur nos écrans.

On vous donnera la répartie avec voix masculine, féminine ou androgyne au choix, par l'intermédiaire d'un robot, d'un drone ou d'un androïde au revêtement synthétique capable d'apprendre et d'anticiper les itérations à suivre. Sa base de dialogue ou de questions pourra, comme avec l'agent intelligent Replika, vous aider à vous développer personnellement. Il deviendra votre familier enregistrera toutes vos réactions et s'adaptera à vos humeurs.

Ces technologies sont appréciés des transhumanistes qui anticipent une augmentation du potentiel humain avec les machines voire l'immortalité, le téléchargement des consciences ou des avancées sur la génétique de l'homme. Comme par exemple avec l'étude des gènes du tardigrade créature vivante microscopique presque immortelle. La recherche s'intéresse aux facultés d'auto réparation de ses gènes. En attendant, certains se font déjà greffer des puces électroniques munies de capteurs RFID pour cliquer le monde.

Quelques formidables que soient ces avancées technologiques, changent t-elles la place des humains dans l'univers? Le rapport au savoir? La place de la médiation au savoir ? La façon dont les collectifs soutiennent l'apprentissage ? La réflexion éthique qui devrait accompagner tout acte sur la connaissance? Les usages mêmes de la connaissance pour relever les enjeux planétaires sont-ils suffisamment interrogés?

Innovation sociale

Un autre chemin existe et peut utilement pondérer l'usage immodéré des technologies. La disruption sociale de l'acte d'apprendre est moins visible, son spectacle est plus discret, mais ces effets dépassent le seul copier-coller du monde analogique vers le monde digital. Le numérique transforme les façons d'apprendre bien au-delà de l'outil.

De nouvelles formes d'autodidaxies collectives se précisent avec les collecticiels et plateformes sociales. Des apprenants se coalisent en ligne et s'auto organisent. On les appelle sociodidacte. Ces sociodidactes choisissent avec qui apprendre plutôt que quoi apprendre à l'occasion de meet-up, de cercle d'apprentissage et d'apprentissages informels, qui échappent aux institutions. Ils se rencontrent dans des tiers lieux, des espaces publics au domicile de l'un ou de l'autre. Ils ajoutent la convivialité que les entreprises en recherche constante de performance ont chassée. Cet apprentissage avec des personnes librement choisies est jubilatoire. Car il renforce le pouvoir d'autodétermination et de construction par soi-même de son identité et de son métier.

Il n'y a pas que les espaces personnels et publics dont les fonctions évoluent, les centres de formation, les médiathèques, les espaces de coworking, les labs qui se mettent en place mixent les publics et ouvrent à de nouvelles façons de se poser des questions et d'apprendre.

Les écosystèmes d'apprentissages, se dessinent sous la forme d'espaces physiques entièrement repensés. Plus gais plus horizontaux, facilitant une plus grande mobilité des tables des chaises et de tout le matériel pédagogique, un travail en petite équipe ou en grand groupe. Les amphithéâtres sont complétés par des espaces de réunions sans gradins très modulables. Dans ces espaces on peine à distinguer celui qui enseigne et celui qui apprend. Équipes apprenantes et équipes intervenantes fusionnent. Lorsque l'on enseigne on apprend deux fois. On s'apprend soi-même et l'on apprend aux autres.

Progressivement émergent des communautés de coconception, issues de processus de haute qualité relationnelle, inclusif, itératif, organique, dans le même temps peu ordonnancée et plastique aux initiatives mais tendant vers un but. Elles évoluent de façon chaordique oscillant entre un cadre et ses contraintes et exploration des limites.

Des intelligences connectivistes se développent allant de pair avec l'affaiblissement des egos et la création de réseaux démultipliant des nœuds d'échange distribués sur une variété d'espaces plutôt que des singularités ou des leaders remarquables. De rétributrices les communautés se font restauratrices. Elles associent tout un chacun pour tendre vers un futur désirable.

Ne plus avoir envie de se contenter de moins

L'expérience irréversible de coopération est vécue à l'occasion de ces processus co-conçus. Une fois que l'on a vécu un sentiment de réalisation au sein d'un grand collectif, que l'on a ressenti une forme de plénitude dans une coaction fluide, on n'a de cesse de vouloir revivre cette émotion ou ses actes se mêlent à ceux des autres et produisent une transformation du monde, même infime.

Les communs de la connaissance sont tous les savoirs que les hommes partagent. Ils ont pour ambition de favoriser l'impropriation des savoirs ; l’imitation souhaitée. Les licences creative common favorise la reprise et la citation des connaissances.

Les communs de la connaissance visent la limitation des chasses-gardées par lesquelles certains tirent d'énormes bénéfices et d'autres payent ou sont les produits sous forme de listing de préférence et d'adresses.

Le futur-design produit de nouveaux imaginaires pour l'apprentissage. Mais plus que le résultat c'est l'apprendre à apprendre ensemble qui transforme les relations. Construire de nouveaux imaginaires par des rêves éveillés, du social presence theater, des constellations systémiques, du prototypage ou toute méthode de rétro futur ouvre des pistes de réalisation de soi.

La dissémination d'intentions collaboratives dans chaque acte pédagogique est l'innovation la plus subtile, elle finit par produire des effets et de créer des liens puissants entre les personnes. C’est l’une des clés de l’innovation pédagogique. L’apprentissage collaboratif est tellement simple à comprendre et si difficile à mettre en œuvre que c’est une disruption quand il se généralise.

Sources

Norbert Alter ( 2010), L’innovation ordinaire. PUF. https://www.cairn.info/l-innovation-ordinaire--9782130583530.htm

Wikipédia – Norbert Alter - https://fr.wikipedia.org/wiki/Norbert_Alter

Wikipédia – Stephen Hawking - https://fr.wikipedia.org/wiki/Stephen_Hawking

Le Point Sciences - http://www.lepoint.fr/sciences-nature/pour-stephen-hawking-il-faut-quitter-la-terre-d-ici-a-2600--20-11-2017-2173714_1924.php

Singularité – Le connectivisme https://singularite.wordpress.com/2012/02/16/le-connectivisme/

L’émergence des nouveaux écosystèmes d’apprentissage - http://4cristol.over-blog.com/2016/08/l-emergence-des-nouveaux-ecosystemes-d-apprentissage.html

Digital learning academy - Les sociodidactes à l’ère du numérique - https://digital-learning-academy.com/le-sociodidacte-a-lere-numerique/

Social presence theater - https://www.youtube.com/watch?v=wRou06sb9Is

Systémique.com – Les constellations systémiques http://www.systemique.com/la-systemique/ecoles-de-pensee/constellation-systemique/les-constellations-systemiques-aller-au-coeur-du-sujet.html

Blog Le Monde - Ce que l’intelligence artificielle apportent à l’éducation - http://defisdamphi.blog.lemonde.fr/2017/03/23/ce-que-lintelligence-artificielle-peut-apporter-a-leducation/


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