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Publié le 11 décembre 2017 Mis à jour le 11 décembre 2017

Les Juku, écoles hors de l’école au Japon - Thèse

Quand l’école hors de l’école devient un acteur éducatif à part entière : le cas du Japon

Le dernier Rapport mondial de suivi sur l’éducation estime le marché de « l’éducation de l’ombre » (les formes parallèles d’éducation) à 227 milliards de dollars en 2022 : une tendance largement répandue au niveau mondial, souvent accompagnée d’une diminution sensible du budget alloué par les États.

Les familles endosseraient des parts grandissantes de la dépense éducative, avec une éducation progressivement confiée à des opérateurs privés (et aux lois de marché). Une thèse récente nous propose un portrait de la situation au Japon, pays « aux multiples concours d’entrée » où le soutien scolaire s’est progressivement imposé comme un complément presque indispensable.

Les « juku »

Le terme générique « juku » décrit « des organisations privées qui dispensent dans un lieu défini en dehors de l’école des cours scolaires de rattrapage et de préparation aux concours » ; ce marché représentait, en 2010/11, environ 10 milliards d’euros au Japon (contre 1,5 milliards d’euros en France)... Et comptait 50 000 entreprises, 37 000 enseignants, certaines de ces structures étant cotées en bourse (plusieurs milliards d’euros).

La progression de ces structures parallèles est inscrite dans la succession de réformes éducatives dans le pays sur les trente dernières années. Deux décisions auraient notamment influencé le développement des juku : premièrement, la loi fondamentale pour l’éducation, portant l’idée d’une éducation nouvelle et « insufflant aux enfants l’énergie vive » qui aurait également impliqué une réduction drastique (de 30%) du budget des programmes et le passage à une semaine de cinq jours (suppression de la journée de cours le samedi), suscitant l’inquiétude des familles - une inquiétude amplifiée par une communication particulièrement ciblée des juku; en deuxième lieu, l’assouplissement de la carte scolaire, favorisant la liberté de choix des familles.

La recherche

Bérénice Leman, l’auteure de «Écoles hors de l’école au Japon : le rôle des shingaku juku dans le parcours scolaire des élèves» a interrogé une centaine d’étudiants et conduit des entretiens auprès de professionnels de l’éducation. Une précision s’impose : il s’agit d’une thèse en études japonaises, d’où une importance particulière attribuée à l’analyse de récit, les expressions et les mots employés par les personnes interrogées.

Des témoignages extrêmement intéressants qui mettent en lumière des différences, culturelles comme historiques, dans la conception même de l’éducation : une éducation « européenne » qui serait plus centrée sur l’individu, contre une éducation en Asie orientale traditionnellement collective, centrée sur les unités de discipline et le curriculum, où l’on pense que « les cours collectifs sont au-dessus et les cours individuels en dessous ».

Avec pour conséquence que le Japon serait aujourd’hui confronté à un important accroissement des inégalités éducatives.

Impossible sans juku

Ce qui frappe est surtout l’évolution de l’opinion publique sur le risque de « jukuisation » de l’école : en 1985 une enquête nationale montrait une population pas encore prête à l’officialisation de ces structures parallèles, le ministère n’affichait pas de discours précis en cette matière non plus.

Les années qui ont suivi ont été caractérisés par un sentiment progressif de discrédit vis-à-vis de l’école; on attribue désormais aux juku un rôle à part entière et on tend à considérer l’éducation comme l’action conjointe de l’école et de « l’école hors de l’école ». 53% de personnes interviewés en 2012 jugeaient inévitable qu’une origine aisée aille de pair avec une meilleure éducation. 4 ans auparavant, en 2008, 53% considérait cela un problème.

Un certain fatalisme face aux inégalités se serait donc installé.

« Le soutien scolaire au Japon serait véritablement sorti de l’ombre pour devenir un acteur incontournable du système scolaire ».

Illustration Foter.com

Référence

B. Leman. « Écoles hors de l’école au Japon : le rôle des shingaku juku dans le parcours scolaire des élèves ». Thèse de doctorat en études japonaises - INALCO (2016) 
http://www.theses.fr/2016USPCF019


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