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Publié le 11 décembre 2017 Mis à jour le 11 décembre 2017

Tunisie : Réforme du système éducatif

Entre ébauches et visées stratégiques

Dans le classement PISA 2015 sur la qualité, l’efficacité et l’équité des systèmes scolaires réalisé par l’OCDE, la Tunisie est classée 65 ième (ex-aequo avec le Liban) sur 70 pays concernés par ce résultat.

Quelques points positifs à relever quand même, au niveau des performances des établissements d’enseignement, le recours au redoublement a diminué de 10 points de pourcentage en 2015 et le pays reste largement au dessus de la moyenne en matière d'égalité des sexes et d'égalité sociale.

Et dire que le système éducatif tunisien faisait la fierté du pays dont le premier défi après l’indépendance était d’éradiquer l’illettrisme, de fournir au pays une génération de constructeurs dans tous les domaines. Plusieurs réformes ont été menées depuis et qui ont porté notamment sur l’arabisation de l’enseignement, la répartition des cycles et la diversification des filières, l’approche par compétences, l’ouverture des horizons professionnels des enseignants et autres.

Après l'espoir

Après la «Révolution de jasmin» menée en 2011 par les jeunes chômeurs diplômés et autres marginaux du système, l’espoir était grand qu’on assoie l’éducation sur des bases solides et qu’on arrive à assurer l’employabilité des formés.

Et depuis, d’année en année, la situation s’est détériorée et certains indicateurs en témoignent. L’infrastructure des établissements scolaires se dégrade d'année en année, la violence se répand, le danger de délinquance guette au détour des écoles, collèges et lycées, d’autant que le décrochage scolaire avoisine les 100 000 élèves par année. La fracture ou l’enseignement à plusieurs vitesses inquiète aussi : inégalités régionales, urbaines, course effrénée pour le soutien scolaire mené trop souvent en dehors de toute déontologie, dichotomie privé/public.

Côté enseignants, les critères de promotion sont revus à la baisse de sorte qu'au bout de quelques années seulement, on se trouve pompeusement nommé prof principal ou hors classe et plus encore... Les heures d’enseignement dues ont chuté (18h/sem) et du coup et n’en déplaise aux syndicats, il y eut une pénurie d’enseignants et on eut recours à des remplaçants sans critères de sélection transparents, ni formation pédagogique et qui réclament à cor et à cri leur intégration dans le corps des enseignants, intégration qui se fait progressivement selon le volume de travail intermittent cumulé.

D’aucuns entretiennent encore un débat suranné remettant en cause des choix sociétaux relatifs à la modernité et, pour clore le tout, pas de budget alloué à la réforme scolaire ni de revue des fonds alloués au fonctionnement des établissements. Et poutant..!

Des réussites, il y en a !

Il suffit que les politiciens ne brouillent pas les cartes, les choses avancent et il y a même des panacées. Il est vrai que les quelques mesures prises jusque-là (changement du calendrier et des temps scolaires, suppression des classes à section, réfection de 3 000 écoles,  etc.) sont parcellaires et ne font que combler des brèches.

Le livre blanc paru après une consultaion nationale sur la réforme scolaire constitue encore une bonne base de réflexion. La société civile appelée à la rescousse par un système de jumelage école/association, et donc en partenariat avec le Ministère de l’éducation, a pris la part du lion dans le soutien aux écoles et aux élèves au niveau de l’infrastructure, des fournitures scolaires, bibliothèques, etc, ou encore avec des projets d’apprentissage innovants privilégiant les valeurs citoyennes et la prémunition contre la violence et l’intégrisme par l’esprit critique et le dialogue.

S’il ne fallait donner qu’un seul exemple, ce serait celui-là :

Les Ateliers École Citoyenne gérés par l’association “Touensa” (Tunisiens), soutenue entre autres par le PNUD, qui a réalisé et publié une première étude menée par des sociologues, psychosociologues et psychologues du développement sur les apprentissages et pratiques de la citoyenneté dans l’enseignement public primaire à Melassine et Hay Hlel, cités populaires de Tunis en 2016 et une seconde étude en 2017 menée dans une perspective comparative avec Kasserine (Ville du centre-Ouest).

D’après les résultats des recherches actions et en concertation avec les équipes pédagogiques, a été conçue une mallette pédagogique complète comportant un guide pédagogique de l’enseignant, des grilles d’évaluation, des cahiers, des supports ludiques à découper et coller, des affiches.

Les enseignants sont accompagnés tout au long de l’action par des formations concertations qui servent à exposer et analyser les différentes pratiques et à faire émerger de nouvelles idées et façons de faire.

Un réseau regroupant 18 associations travaillant sur le thème de l’éveil citoyen s’est constitué autour de cette initiative. Un travail appelé à un bel avenir car alliant recherche et analyse des besoins, actions concertées ainsi qu’un suivi et évaluation réguliers.  

Ecole numérique 2016-2020

Contrastant avec les tâtonnements ambiants, Le Ministère de l’éducation et le CNTE (Centre National des Technologies éducatives) ont mis au point un PSEN (Plan Stratégique de l’Enseignement Numérique) à l’école qui implante les conclusions du dialogue national sur l’éducation et des études d’évaluation et de cadrage des TIC dans le secteur éducatif.

Selon M. Adel Gaaloul, éminent expert en TICE et en charge du projet, après l’évaluation des acquis et insuffisances des actions TICE menées depuis de longues années, il s’agit pour nore système éducatif de relever les défis de la qualité, l’équité et l’égalité des chances, de l’intégration dans la société et l’économie numérique, de la gouvernance et conduite du changement.

L’ambition c’est que le taux des enseignants intégrant les TIC dans les apprentissages atteigne les 50% (15% en 2017) et celui des élèves les utilisant les 90% (20% en 2017) selon un référentiel de compétences TIC, une corrélation curricula et pédagogie, la formation et l’accompagnement des enseignants, des activités et des projets ayant trait à la gouvernance, aux systèmes d’information, au tandem curricula/pédagogie, à l’innovation et développement des pratiques, au contenu at aux applications ainsi qu’à la connectivité et à l’accès aux savoirs.

D’ores et déjà, plusieurs projets structurés dans les écoles primaires et qui vont dans ce sens retiennent l’attention, sans omettre que l’option «un labo ou plus pour chaque établissement scolaire» est déjà en vigueur depuis belle lurette :

  • Equipement numérique de 52 écoles primaires présentes sur tout le territoire tunisien (2 écoles par commissariat régional de l’éducation). Chaque école bénéficie  de l’infrastructure suivante : classe mobile, gestion de la scolarité, équipement de gestion d'un réseau informatique scolaire spécifique.

    Ces écoles ont été choisies selon le degré d’implication des directeurs et des enseignants dans les phases expérimentales de l’environnement numérique de travail. Les tablettes fournies (30/école) permettent de travailler les compétences transversales et d’accéder à diverses ressources validées.

  • Convention de Partenariat « EDUCATION NUMERIQUE EN TUNISIE » entre la Fondation Orange, Orange Tunisie et le Ministère de l’Education afin de mettre gratuitement à disposition de 60 établissements scolaires des zones défavorisées du pays des contenus éducatifs sous forme de kit numérique comprenant principalement deux serveurs Raspberry Pi et 50 tablettes.

    Le grand avantage de ce serveur est qu’il propose des contenus éducatifs sans être connecté à internet. Ces contenus, consolidés en collaboration avec le Ministère de l’Education, sont d’abord scolaires mais aussi périscolaires (Wikipédia, supports vidéos de la Khan Academy, ouvrages littéraires libres de droits…).

    Ils permettent d’une part de se familiariser avec les nouvelles technologies et d’autre part de contribuer à améliorer les résultats scolaires à travers une méthode d’enseignement ludique.

  • Poursuite et renforcement du projet eTwinning+, un pilier du projet de l’Ecole Numérique. On en est rendu à 247 établissements inscrits, 602 enseignants, 638 projets incluant des enseignants tunisiens, et 112  projets portés par les enseignants tunisiens.

    Rappelons que les bénéfices attendus de ce projet Européen à la base et par la suite ayant intégré 5 autres pays sont :
    • la mise en réseau des écoles et des enseignants,
    • le développement de projets pédagogiques avec des écoles d'autres pays,
    • la promotion des méthodes innovatrices et du dialogue interculturel
    • ainsi que la contribution au développement professionnel des enseignants.
      Actuellement, le projet est géré par le CNTE qui a également créé des pôles régionaux pour optimiser la gestion du projet et l'accompagnement des enseignants.

 

Sources

Classement PISA 2015 - https://www.oecd.org/pisa/pisa-2015-results-in-focus-FR.pdf

Touensa.org - Éveil et vigilance - https://www.facebook.com/touensa.org/

CNTE - Centre national des technologies éducatives - http://www.cnte.tn/


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