La dernière édition du rapport mondial de suivi pour l'éducation, publication annuelle soutenue par l’UNESCO, propose un focus particulièrement intéressant sur la pluralité d’acteurs impliqués dans la « réussite » d’un système éducatif.
Un sondage d’opinion à échelle mondiale cité dans la publication (Gallup, World Poll) montrerait un taux de satisfaction, à propos des systèmes éducatifs, de 66% : une moyenne qui couvre un taux variant en réalité de 80% en Asie de l’est à moins de 60% en Afrique subsaharienne.
Au regard des débats idéologiques que les sujets éducatifs peuvent soulever, ce chiffre peut laisser dubitatif... car dans ce rapport, il est question de responsabilité, de reddition des comptes et surtout... de confiance!
Les acteurs
Du côté des parents et des élèves, la thématique qui ressort principalement est la présence en classe et les mécanismes d’incitation (comme les programmes de transferts monétaires conditionnels): en moyenne, dans 33 pays ayant participé à l’Enquête mondiale sur la santé des élèves en milieu scolaire, un adolescent sur trois déclare avoir fait l’école buissonnière au moins une fois au cours des 30 derniers jours.
Du côté des institutions internationales, on rappelle la multiplicité des rôles et la divergence des priorités, malgré une déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement (2005) qui invite à une gestion axée sur les résultats. Un chapitre est aussi consacré à tous les acteurs privés impliqués dans le panorama éducatif. Quelques données intéressantes :
- les investissements de l’IFC, branche de la Banque mondiale à destination du secteur privé des pays en développement, ont augmenté, pour l’éducation privée, de 133 millions à 609 millions de dollars en 5 ans (2009-2014).
- Le marché de « l’éducation de l’ombre » (les formes parallèles d’éducation, notamment les cours privés) devrait dépasser les 227 milliards de dollars en 2022 et concernerait, dans certains pays aux caractéristiques socio-économiques très différentes, la moitié des élèves de l’enseignement secondaire supérieur (81% des élèves du primaire en Corée).
- 1 élève sur 5 prendrait un repas à l’école par jour, ce qui fait de « la restauration scolaire la forme de protection sociale la plus répandue dans le monde ».
Les gouvernements
82% des constitutions nationales prévoient un droit à l'éducation, un droit opposable seulement dans la moitié des pays. Les promesses électorales concerneraient peu l’éducation avec, comme exception, l’abolition des frais de scolarisation, argument particulièrement instrumentalisé en période électorale notamment en Afrique subsaharienne. L’action citoyenne et le pouvoir médiatique ressortent comme véritables instruments de changement : par exemple, la proteste sud-africaine contre l’augmentation des tarifs dans l’enseignement supérieur (#FeesMustFall) ; ou un exemple en Ouganda, où une réduction de 2,2 kilomètres de la distance d’un point de vente de journaux a fait augmenter de près de 10% le financement octroyé à une école.
Les établissements scolaires
L’évaluation est particulièrement à l’ordre du jour pour les établissements : de l’auto-évaluation, comme l’échelle d’évaluation de l’environnement de la petite enfance, des initiatives de comparaison sur des données générales comme My School en Australie, ou de classement sur les résultats aux examens finaux, l’option la plus courante. Produire des données comparables et fiables reste un investissement compliqué et coûteux : sur 101 systèmes éducatifs analysés, 51 publieraient les résultats à des épreuves finales et 17 les utiliseraient (avec un système de sanction ou de récompense). Des politiques sur papier qui semblent avoir du sens, mais qui en pratique provoquent des effets indésirables, comme le creusement des disparités sociales ou l’appauvrissement des programmes scolaires (l'exemple de « No Child Left Behind » aux Etats Unis).
Les enseignants
Le temps de travail des enseignants est l’un des éléments le plus règlementé mais reste très variable, avec une moyenne dans l’enseignement primaire de 776 heures (600 en Grèce, 1 100 au Chili).
L’efficacité des stratégies de reddition de comptes est tout aussi variable ; un tour d’horizon permet de comprendre le rôle que le climat de confiance joue: en Finlande, les enseignants bénéficient d’une certaine autonomie en matière, signe d’une confiance déjà en place qui s’est en revanche dégradée au Japon (suite aux « mauvaises » performances dans les évaluations internationales), où les tâches pour « rendre des comptes » ont alourdi une charge de travail déjà assez importante (54 heures par semaine).
Au Royaume-Uni 56% des enseignants estimeraient que la collecte et la gestion des données est un travail inutile.
En conclusion, le rapport rappelle la responsabilité partagée entre acteurs éducatifs, l’importance de la transparence et de la disponibilité des informations, tout en plaidant pour une utilisation prudente des données. Les systèmes de reddition de comptes qui reposent de façon démesurée sur l’évaluation de la performance ou la sanction, n’ont pas prouvé pas leur efficacité, d'où l'intérêt à multiplier les outils de reddition et ce, à plusieurs niveaux.
Référence
Global Education Monitoring Report Summary 2017/8: Accountability in education: Meeting our commitments http://unesdoc.unesco.org/images/0025/002593/259338e.pdf
(Dernière consultation : novembre 2017)
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